Par Abdelhamid Gmati «On ne viendra plus en Tunisie si vous n'arrêtez pas de tuer les chiens ». Cet appel a été lancé lors d'une campagne internationale par des citoyens du monde, défenseurs de la cause animale. Elle fait suite à une mobilisation de la société civile tunisienne, notamment des artistes, appelant à mettre fin à l'abattage massif des chiens et à avoir recours à la stérilisation comme solution alternative. C'est que, depuis les dernières années, les chiens errants prolifèrent dans plusieurs quartiers de différentes villes tunisiennes et constituent un réel danger pour la population. On rappelle que l'an dernier, un enfant de 6 ans est décédé de la rage après avoir été mordu par un chien. Et en 2013, 497 cas de rage avaient été déclarés. C'est dire que le problème est sérieux, d'où ce recours généralisé à l'abattage, à part quelques campagnes de particuliers (à La Marsa, par exemple) qui ont eu recours à la vaccination. A la suite des actuelles campagnes, les autorités semblent déterminées à agir pour cesser l'abattage ; une responsable au ministère des Affaires locales a affirmé être en train de négocier avec les municipalités pour créer un refuge pour les chiens. Mais le fond du problème reste entier ; car pourquoi cette prolifération de chiens errants? Tous les intéressés pointent du doigt l'état déplorable de l'environnement et surtout cette accumulation d'ordures de toutes sortes. La Tunisie est devenue « une décharge à ciel ouvert ». C'est un responsable gouvernemental qui le disait il y a deux ans Et toutes les régions, toutes les localités, toutes les villes, tous les villages, tous les quartiers sont concernés et croulent sous les ordures. Certes, des campagnes de « propreté », des actions de la société civile sont lancées çà et là mais le problème reste entier et menace très sérieusement le cadre de vie du Tunisien et sa santé. Dans un rapport publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la pollution dans le monde, le 16 mai dernier, une liste des villes les polluées a été dressée. La Tunisie y figure en bonne place, avec quatre villes. Il s'agit de Tunis, Sfax, Sousse et Bizerte. Dans la note d'orientation de la Banque africaine de développement (2016-2020), le coût de la dégradation de l'environnement en Tunisie est estimé à 2,7% du PIB. La détérioration de l'environnement ne provient pas seulement de l'accumulation des ordures et de la non-collecte et de la gestion des déchets domestiques et assimilés, dont les quantités non collectées s'élèvent à 300 mille tonnes pendant cette dernière période. Il faut compter aussi l'amplification des sources de la pollution industrielle, et de produits dangereux constitués de produits spécifiques au secteur hospitalier. Les déchets ordinaires dans les sacs de couleur noire sont ensuite collectés par les services municipaux. Les déchets dangereux, dans les sacs de couleur jaune, doivent, selon ce que stipulent les chartes, subir une première phase de «stockage intermédiaire» dans des locaux sanitaires prévus à cet effet, dans l'enceinte même de l'hôpital. Or en l'absence de tels locaux, ces sacs sont stockés à l'air libre devant les façades des différents services, en attendant d'être collectés par des entreprises spécialisées, et acheminés vers les décharges publiques. Des produits dangereux et hautement toxiques se retrouvent souvent mêlés aux ordures ménagères, qui sont emportées par les services municipaux. Quant aux produits dangereux, ils sont stockés à l'air libre, à portée du public, sans aucun traitement préalable, avant d'être collectés par des entreprises spécialisées qui les évacuent directement vers les décharges. Selon un responsable syndical, « le contenu de ces sacs a déjà causé des maladies graves chez plusieurs employés de la décharge. Nous recensons notamment plusieurs cas d'employés atteints de cancers, mais aussi et surtout d'hépatites ». On cite le cas d'un employé, diabétique, qui a perdu la vue après avoir été blessé par une seringue usagée. Le contact avec des déchets hospitaliers peut engendrer plusieurs affections graves. L'hépatite C est l'une des plus répandues. La direction de l'hygiène du milieu et de la protection de l'environnement, relevant du ministère de la Santé, vient d'annoncer la liste noire des plages impropres à la baignade pour l'été 2016. 20 plages sont interdites à la baignade en raison de leur pollution et de la médiocrité de la qualité des eaux de baignade dangereuses pour la santé. Ces 20 plages interdites à la baignade se trouvent dans cinq gouvernorats : Ben Arous, Ariana, Bizerte, Sousse et Gabès. C'est le gouvernorat de Ben Arous qui bat le record de la pollution puisque la majorité de ses plages (huit) sont interdites à la baignade. Cette catastrophe est imputée à l'Onas, « puisque l'Office national de l'assainissement n'a pas trouvé comme solution pour assurer l'évacuation des eaux pluviales et même les eaux usées des villes de cette banlieue que d'ouvrir des embouchures dans la plage pour y déverser toutes ses eaux polluées ». La société civile s'active dans toutes les régions, organise des campagnes de ramassage et de propreté, sensibilise. Mais le gros du travail revient au gouvernement dont les ministres font montre de compréhension. Sans plus. Et il est taxé de « laxisme ». En attendant, on s'active pour occuper des postes dans un futur gouvernement d'union nationale, dans le désintérêt de la population. Une population qui a surtout besoin d'une union nationale contre le terrorisme, la pollution et ses conditions de vie déplorables.