Par Abdelhamid GMATI Alors que les politiques poursuivent leur chassé-croisé de discussions, de propositions, de contre-propositions stériles, le bon peuple tunisien continue de souffrir. Outre la situation économique qualifiée de « catastrophique » par les économistes et le gouverneur de la Banque centrale, outre le chômage qui continue à galoper, outre la rentrée scolaire chaotique, outre les inondations qui détruisent les biens et occasionnent des décès, la population doit faire face à d'autres fléaux. Le décès d'un enfant de 7 ans, causé par la rage, a focalisé l'attention générale. Et les ministères concernés bougent. On apprend ainsi que c'est là le 2e décès en un mois, que 221 cas de rage ont été recensés durant les 8 derniers mois de cette année, en augmentation par rapport à l'année précédente (171 cas), qu'il y a en Tunisie près d'un million de chiens, dont 568 000 sont des chiens errants, et qu'une stratégie gouvernementale va être lancée dans les prochains jours pour éliminer ces animaux dangereux. A rappeler qu'une campagne de vaccination avait été lancée au mois d'avril dernier. Ce problème de la rage renvoie à la gestion des poubelles et des décharges. On le sait depuis 2011, la Tunisie est envahie par les ordures, principale attraction des chiens mais aussi des chats et autres rats. Espérons de ne pas avoir face à des cas de...peste. On sait qu'au début le problème de non-ramassage des ordures était en partie dû aux grèves des éboueurs et un certain manque de moyens. Mais les questions syndicales étant résolues, le phénomène a été amplifié et les ordures prolifèrent dans les villes, les villages, dans tous les quartiers, les plus huppés comme les plus oubliés. Cela pose la question des municipalités. Sous prétexte de révolution, ces municipalités ont été déstructurées, notamment depuis la prise de pouvoir des islamistes qui les ont remplacées par des «délégations spéciales» composées d'un personnel nahdhaoui. Outre l'incompétence des nouveaux nommés, essentiellement occupés par les questions politiques, est venu s'ajouter leur rejet par la population ; d'où leur incapacité à remplir leurs obligations administratives et municipales. D'ailleurs, il y a trois jours, et suite à la plainte de citoyens, le Tribunal administratif de Tunis a rendu trois arrêts contre trois décrets du chef du gouvernement, en date du 11 octobre 2012, concernant la dissolution des trois délégations spéciales des municipalités de Sfax, Sakiet Eddaïer et Kerkennah, et leur remplacement par trois autres. On comprend alors pourquoi on croule sous les ordures à la grande joie des chiens et des charognards, sans que les autorités y prêtent la moindre attention. Mais il n'y a pas que les ordures que le Tunisien endure. Il y a aussi les déchets de toutes sortes qui polluent l'environnement et le détériore. Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes ) a publié, au mois de mai 2013, un rapport pour alarmer la population et les autorités sur la catastrophe écologique qui sévit dans le golfe Monastir-Téboulba. Dans ce contexte, une grève générale a été décrétée dans la ville de Ksibet El-Médiouni, du Sahel tunisien, à dix kilomètres au sud de Monastir et qui, il n' y a pas si longtemps, servait d'exemple en matière de propreté du littoral et de clarté de ses eaux. La population a organisé une manifestation pour protestation contre la pollution à laquelle ils sont exposés et qui concerne notamment l'eau. La région est affectée par une pollution maritime et aérienne provenant surtout de l'activité de deux stations d'épuration de l'Office national de l'assainissement situées à Frina et à Lamta qui collectent les eaux usées et les déversent directement dans la mer, sans traitement préalable. Ces eaux usées, composées de résidus et de produits chimiques, sont parfois visibles par une décoloration de la mer et portent atteinte à la santé des habitants. Les autorités se contentent, parfois, d'embellir les rivages en nettoyant les plages en surface au lieu d'épurer l'eau de mer où se déversent les polluants divers sous le regard indifférent des autorités locales, régionales et centrales. Et cette pollution se retrouve dans d'autres régions, notamment à Sfax, Gabès, et dans la banlieue sud de Tunis. On se rappelle la marche silencieuse entreprise au mois de juillet dernier par les habitants d'Ezzahra et des habitants d'Hammam-Lif qui appellent depuis des mois à sauver leur plage. On se rappelle aussi les nombreuses plages tunisiennes, aux alentours de Tunis et ailleurs sur le littoral, décrétées impropres à la baignade. La saleté touche également certains lieux touristiques. Ainsi un complexe hôtelier à Djerba a fermé ses portes suite aux plaintes des touristes qui évoquent « l'éclairage extérieur hors service, la serrure qui ne fonctionne pas, les chambres insalubres, la climatisation en panne, l'électricité défectueuse, voire dangereuse, les cuisiniers qui rendent leur tablier, la piscine à l'eau trouble, les bêtes qui couraient sur le carrelage, les savons des précédents touristes collés aux lavabos, les lits qui n'étaient même pas faits, et en-dessous, c'était le royaume de la poussière avec, qui plus est, une suspicion de présence de légionnelle ». Que dire de plus ? Quand on voit des hurluberlus, arborant des mines patibulaires, des barbes hirsutes abris de microbes, de bactéries et de poussière, portant des djellabas à l'aspect repoussant, étrangères à nos vêtements et marchant les pieds dénudés ramassant toutes sortes de poussières, on se dit que la propreté et la salubrité ne doivent pas être dans leurs préoccupations.