Par M'hamed JAIBI Le «Rapport national sur l'emploi» rendu public par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace) a réussi à décortiquer notre marché du travail sur la base de deux enquêtes de terrain ayant concerné 400 entreprises et 10.300 diplômés. Le rapport confirme un taux de chômage élevé caractéristique d'une économie tournant au ralenti depuis la révolution. Et il suggère d'intéressantes nouvelles approches pour rationaliser le marché national de l'emploi. Et d'abord, raccourcir les délais de rencontre entre le bon candidat à l'emploi et la bonne entreprise qui a besoin de ses services. Le rapport pose des questions primordiales essentielles : A combien estime-t-on l'offre d'emplois effective des entreprises tunisiennes ? Notre université est-elle en phase avec la demande prévalant sur le marché de l'emploi ? Les diplômés sont-ils conformes aux attentes des entreprises ? Sachant qu'une donnée confirmée a particulièrement interloqué les enquêteurs, c'est que les trois quarts de nos chômeurs sont concentrés dans le Sud et l'Ouest du pays. Le rapport de l'Iace met à l'index les compétences et capacités des candidats aux différents postes concrètement proposés par les entreprises, puisque 60% des candidats ne remplissent pas les critères du poste d'emploi proposé. Les aptitudes rédactionnelles et de communication des demandeurs d'emploi se révèlent encore plus inquiétantes. Les candidats invités à exposer oralement ou par écrit leurs compétences, connaissances et expérience, lors des entretiens, s'avèrent aux deux tiers incapables de mettre en valeur leur profil. Un problème majeur intrinsèquement lié au système d'éducation et de formation en place, que l'on s'applique déjà à réformer. Toutes ces défaillances affectant les opérations de recrutement entament la capacité des entreprises à satisfaire leurs besoins en ressources humaines et perturbent leur expansion et leur positionnement sur le marché. Car la période d'attente pour combler un poste vacant se répercute sur la compétitivité de l'entreprise et affecte son rendement et ses performances. Ce alors que dans le camp des diplômés, un étudiant de la faculté de Droit et des Sciences économique et politiques de Sousse doit effectuer une moyenne de 72 mois d'attente pour décrocher un poste. Ce délai étant bien plus réduit pour les études technologiques et les «Business school», variant de 6 à 12 mois. Les délais qui s'imposent, tant à l'entreprise proposant un emploi qu'au diplômé cherchant un poste, constituent ainsi un légitime sujet de préoccupation et une véritable problématique en soi, méritant que l'on songe à y remédier au plus tôt. Car, de ce fait, nos entreprises privées auraient actuellement besoin de 145.000 nouveaux recrutements qu'ils peinent et tardent à concrétiser. Sachant qu'une simple projection rapportée par l'étude, estime que, sur les deux prochaines années, ce chiffre passerait à 270.000, soit près du double. Un différentiel qui, en cas d'adéquation, aurait normalement fait tomber le nombre des chômeurs à 450.000 et non pas 600.000, dont 35% de niveau supérieur. Il est également nécessaire de faire en sorte que ces 35% soient à l'avenir des diplômés employables. Pour rompre avec cette image que trimbale l'université tunisienne, jugée inadaptée aux nouveaux métiers et emplois et aux tendances du marché du travail, pour s'être déconnectée des besoins des entreprises, livrant ainsi des diplômés incapables de s'y insérer. Nos universités et institutions universitaires seraient de ce fait actuellement défaillantes, ne prodiguant ni la formation adéquate ni l'expérience professionnelle de base utile. Le rapport de l'Iace suggère donc que, tout comme les entreprises produisent un service qui évolue dans un environnement concurrentiel qui bouge sans répit, les universités gagneraient à être soumises à un mode de fonctionnement et de gestion semblable aux entreprises opérant dans un environnement concurrentiel. Le contrôle de qualité se chargeant d'évaluer, à tous les stades du «processus de production», la conformité des futurs demandeurs d'emploi. Reste à imaginer un tel système sans mettre en cause le principe de gratuité de l'enseignement public. Ce n'est pas chose aisée.