Grande opportunité pour le consommateur ordinaire, casse-tête pour les propriétaires de points de vente conventionnel et hémorragie pour l'économie nationale, le commerce parallèle fleurit aux dépens de la qualité du produit proposé. Lieu, Sidi Boumendil. Heure : midi. Des femmes, de jeunes filles, des enfants et des hommes sillonnent la ruelle. Les boutiques sont bourrées de marchandises de tous types : vêtements, chaussures, articles de décoration, tapis, lustres... Au milieu de cette foule bigarrée qui traverse la place, le déplacement devient difficile. Les visiteurs doivent être patients et attentifs. La situation est la même dans les rues et les places voisines. Aujourd'hui, la presque totalité des classes sociales et sans exception s'approvisionnent dans ce marché parallèle. Auparavant, la majorité des marchandises exposées est Made in China. Aujourd'hui, nous remarquons la commercialisation de produits en provenance de Turquie surtout pour ce qui est du textile et des articles de décoration. Mme Mouna, la quarantaine, fonctionnaire, a profité de l'heure de repas pour visiter la place. «De temps à l'autre, je viens sur les lieux pour acheter de nouveaux articles. J'ai déjà renouvelé les accessoires de ma cuisine à des prix assez abordables par comparaison à ceux des articles proposés dans les grandes surfaces. Je compte, actuellement, acheter un nouveau tapis pour mon salon. Au début, j'ai voulu acheter un tapis artisanal. Mais les prix proposés sont inaccessibles pour des bourses moyennes. Donc, j'ai révisé mon choix et j'ai opté pour un tapis synthétique. Ici, j'ai trouvé un grand choix et à des prix moins chers». Non loin de là, à la rue Charles de Gaulle, la situation n'est pas tout à fait différente. Des dizaines de personnes font le va-et-vient tout le long de l'avenue. Devant les boutiques, des commerçants ambulants ont exposé leurs marchandises à même le sol ou sur des caisses en carton vides, chose qui rend l'accès à ces boutiques assez difficile. Les clients dont la majorité était des femmes s'arrêtent et examinent les marchandises proposées par les commerçants ambulants. Alors que les propriétaires des boutiques du centre-ville parlent de crise économique, le commerce de ces vendeurs ne cesse de fleurir. Mohamed est un marchand ambulant à la rue Charles de Gaulle. Par terre, il propose une large gamme d'articles de cuisine. Des services à eau à 8 dinars, des casseroles à 15 dinars, des robots à 30 dinars et autres. Tous ces produits sont Made in China. Ce commerçant ambulant refuse de parler de la source de cette marchandise. Toutefois, il déclare que sa recette journalière peut atteindre 200 dinars. «Nous proposons pratiquement les mêmes produits commercialisés dans les boutiques et les grandes surfaces. Mais nos prix sont accessibles. C'est vrai que nos recettes sont bonnes. Mais, il ne faut pas nier que nous vivons une bataille quotidienne avec la police et les agents de la municipalité. Nous espérons que les autorités aménageront une place pour les marchands ambulants du centre-ville». La qualité, dernier souci ! Juste à côté de Mohamed, un autre vendeur expose, sur des caisses vides, des vêtements pour femmes. Vous trouvez des pyjamas à 20 dinars, des jockings à 12 dinars, des ballerines à 10 dinars. Avec la flambée des prix, la qualité demeure le dernier souci du Tunisien. Le marché parallèle est devenu, aujourd'hui, le refuge de 90 % des Tunisiens. Rencontrée devant un étalage de jeans pour enfants, Sonia, femme au foyer et mère de deux enfants, explique : «Il faut comprendre ces personnes qui s'approvisionnent au marché parallèle. Avec un pouvoir d'achat en chute libre et une flambée des prix qui touche tous les secteurs vitaux, les prix proposés par les marchands ambulants allèchent certainement les consommateurs. La source des produits et leur qualité ne posent pas grand problème pour la majorité des gens qui viennent sur place». Le phénomène du commerce parallèle devient, désormais, un fait. Toutes les villes tunisiennes sans exception ont des rues et des marchés inondés par les produits issus du circuit parallèle. C'est vrai que les consommateurs parlent de bonnes affaires. Toutefois, ce phénomène devient un vrai cauchemar pour les propriétaires de points de vente légaux. Ces vendeurs clandestins qui ne payent ni taxes ni loyer concurrencent les commerçants du circuit formel. Fatma, vendeuse de prêt-à-porter pour femmes, parle d'un état critique pour les commerçants légaux de la rue Charles de Gaulle. «Nous faisons face à des personnes qui travaillent en hors-la-loi dont l'origine des marchandises est inconnue. Un jour, j'étais victime d'une agression verbale en empêchant un marchand ambulant d'exposer sa marchandise devant la boutique. Plusieurs commerçants ont vécu une situation pareille. Ce phénomène menace réellement notre économie. Et l'Etat n'a pas encore pris de vraies décisions pour y faire face». En ce qui concerne l'origine des marchandises, le réseau d'approvisionnement de ce marché parallèle reste inconnu. Toutefois, les gens parlent de réseaux organisés de contrebande. Ils savent que ce commerce parallèle nuit à notre économie nationale mais pensent que la solution réside dans la baisse des prix pratiqués dans le marché légal.