Deux ans après sa proclamation, la Constitution du 27 janvier 2014 ne tient pas, jusqu'alors, la route et est loin d'être suivie d'effet. Son 7e chapitre consacré au pouvoir local et qui préconise la gouvernance participative en est, d'après plusieurs experts, une preuve éloquente. Du côté de l'Observatoire « Chahed » pour le contrôle des élections et le soutien des transitions démocratiques, il y a, certes, un risque de confiscation de la démocratie, mais aussi une manifeste intention d'interversion visant à renverser l'ordre constitutionnel. Sinon comment expliquer une telle passivité visiblement remarquée de la part de l'exécutif et du législatif et pourquoi tout ce temps pris dans la mise en application de la décentralisation ? Autant d'interrogations que Mme Leila Bahria, présidente de « Chahed », n'a pas manqué de soulever, dont les retombées d'un retour de manivelle. Et d'interpeller la société civile, afin d'intervenir et d'agir dans l'immédiat. Cet appel fut lancé, hier, lors d'une conférence de presse tenue à Tunis par ledit Observatoire, et dont l'intitulé évoque bien le sens d'une réaction civile annoncée. Il tourne autour des « Prémices du choix de la décentralisation détournée dans la gouvernance locale ». Etant le couronnement d'une cinquantaine d'ateliers entamés depuis février dernier, la manifestation s'inscrit bel et bien dans le cadre du projet de promotion de la démocratie locale et participative en Tunisie, avec l'appui du Fonds des Nations unies pour la démocratie. Un projet qui devra, à ses dires, s'étaler sur deux ans, soit jusqu'à janvier 2018. L'objectif en est de jeter les bases du pouvoir local dont la légitimité puise dans la démocratisation des régions. Cela dit, a priori, mieux saisir le défi de l'indissociable dualité décentralisation-déconcentration et le traduire dans le découpage territorial et la gestion des affaires locales à l'échelle des communes. Puis, la diffusion et l'ancrage de la culture de la citoyenneté dans un contexte de développement communautaire participatif. D'ailleurs, c'est ce que stipule la constitution de la IIe République. Ce qui n'est pas, tout à fait, le cas au concret, révèle Mm. Bahria. Juriste de formation, elle sait, en tout cas, de quoi parler. Aux calendes grecques ? Dans la pratique, on ne voit rien venir jusque-là. A moins que des projets de loi litigieux aient été proposés en moult versions, aussi contradictoires soient-elles avec l'esprit du chapitre 7 de la nouvelle constitution, organisant les élections municipales tant attendues. Mais, relève Mme Bahria, ces échéances semblent être, d'après M. Chafik Sarsar, président de l'Isie, encore loin d'être tenues. Reportées maintes fois, elles ne seront jamais tenues à la date prévue, soit le 26 mars 2017. Car, préparer le citoyen à être partie prenante dans la chose publique et baliser la voie à une région autonome n'est guère une sinécure. Et d'ajouter que la loi électorale et celle des collectivités locales, déjà non adoptées, devraient, alors, s'établir en fin du parcours et pas avant le découpage du territoire et l'agencement de nouveaux périmètres communaux en zones géographiques délimitées. Et pour cause, l'Observatoire « Chahed » qui a fait le tour des régions en guise de sessions de formation et d'encadrement à l'intention des habitants et des acteurs locaux s'est résolument décidé de continuer sa marche. Il aura à lancer un plaidoyer auprès de tous les acteurs concernés, afin d'avoir gain de cause et pour que l'ordre constitutionnel soit rétabli pour que la démocratie locale puisse voir le jour. Le débat a porté sur des thématiques liées au sujet, à savoir l'instauration progressive de la décentralisation, le régime du scrutin afférent aux élections régionales, les modalités du seuil fixé, le financement, ainsi que le nouveau découpage communal. Des intervenants ont démontré les causes d'un tel revirement de la situation, s'agissant notamment du contrôle administratif abusif, du manque de moyens matériels et financiers nécessaires et du taux méconnu de l'efficacité de la participation.