On planche, au niveau de la société civile, sur les meilleurs moyens de consacrer le chapitre 7 de la constitution relatif au pouvoir local A l'heure où se cristallisent les alternatives d'un projet sociétal qui doit être juste et équilibré, le mot de passe d'accès à la schématisation réelle du modèle de développement n'est pas encore à la portée. Et bien que la nouvelle constitution consacre son 7e chapitre au pouvoir local, la lecture conceptuelle à ce niveau recentre le débat sur la philosophie de la gouvernance régionale. Quelle conception avons-nous du district tel que présenté en tant qu'un des déterminants géographiques des collectivités locales ? Ainsi s'intitule le séminaire que l'Observatoire «Chahed» a tenu, hier matin, à Tunis, dans la perspective de dessiner les contours futurs de la régionalisation. Un défi majeur qui aura à inverser la tendance classique d'élaboration des plans quinquennaux socioéconomiques, et dont l'usage abusif avait généré, des décennies plus tard, un retour de manivelle à effet révolutionnaire. Et là, le cours de l'histoire peut nous inspirer autant, dans la mesure où l'on ne doit jamais revenir à des politiques centralistes qu'on croyait révolues, faute d'une forte implication citoyenne dans la prise de décision. De l'avis de tous, une pareille approche participative demeure le sésame du développement communautaire. A commencer, essentiellement, par la pose des premiers jalons de la démocratie locale. A quoi s'en est tenue la conférence en question? Mme Leila Bahria, présidente de l'Observatoire «Chahed», a articulé son intervention autour du flou conceptuel qui entoure le sens du «district». Que signifie-t-il et quels critères adopter pour le définir? Comment procéder à un tel découpage territorial? On le pense, ainsi, de façon verticale ou plutôt horizontale? Autant d'interrogations qui prêtent à interprétation, laquelle puise, en même temps, dans des regards croisés, parfois controversés. De fait, la réponse de Mme Bahria revêt, elle aussi, un caractère interrogatif, étant donné qu'il n'y a pas encore unanimité autour de la question en soi. Et même la constitution n'a pas apporté assez d'éclairages sur les trois fondamentaux des collectivités locales. Ce qui pose, selon elle, problématique sur les périmètres du district, sur fond de grande polémique, du moins, auprès des régions qui le composent. Et pour cause, l'oratrice propose, comme solution, le recours au principe de la complémentarité interrégionale au sein du même district. Autant dire, savoir regrouper les pools des régions en districts sur la base de quoi se doter chacun, en termes de richesses et de potentiel économique disponibles. Régions intérieures et côtières pourraient, à cet effet, faire bon ménage. L'ultime but est de réduire la pauvreté et doter les plus démunis des moyens du confort et du progrès. Autrefois, a-t-elle rappelé, les régions intérieures n'avaient point profité de leurs propres richesses, tels les châteaux d'eau du nord-ouest et l'or gris du bassin minier. La région-capitale, quelle valeur? Encore un problème à relever à ce titre : le choix de l'épicentre des forces vitales. A qui confère-t-on le statut «capitale privilégiée» au sein de chaque district? En d'autres termes, quelle région mérite d'avoir le titre de capitale? Qu'on ne le fasse arbitrairement, de crainte d'attiser les tensions tribales et susciter des conflits superflus. Certains jugent que la qualité de «capitale» doit être attribuée aux régions les plus marginalisées, en guise de compensation. Par ailleurs, le district en tant que tel devrait rayonner sur toutes les régions y dépendant. L'ARP, de son côté, doit tout tenir en compte dans le découpage de nouveaux périmètres communaux. Surtout que le 7e chapitre relatif au pouvoir local est considéré parmi les plus évoqués dans le texte de la constitution. S'ensuivront, après, les lois d'application en matière de division administrative du territoire et les compétences à confier aux collectivités locales, et ce, en prélude des prochaines élections municipales. De sorte que le citoyen sera le moyen et la finalité de l'œuvre du développement. De même, l'arrondissement territorial risque d'avoir des difficultés de parcours, ce qui pourrait entraver sa concrétisation, ainsi souligne M. Abdelaziz Rehili, de l'Association de bonne gouvernance pour l'administration territoriale. Toutefois, cet arrondissement, s'interroge-t-il, est un concept trop général, pouvant, en fait, avoir l'allure de municipalité, de région ou aussi de district. « Cela nous amène à aborder la question de la décentralisation, en tant que nouveau mode de gestion administrative et financière, mais aussi en tant que manière de gouvernance locale...», explique-t-il. Et de se demander si la loi y afférente dont l'ARP prévoit, ultérieurement, l'adoption serait en mesure de consacrer le sens de la décentralisation, dans toutes ses formes. «Il y a là un grand défi à relever...», lance-t-il. Municipalités sans revenus Revenant sur la définition du district, M. Rehili s'est référé à une étude réalisée dans ce sens, avec pour initiative de répartir le territoire national sur cinq districts, tout en prenant en considération les facteurs de développement intrinsèques. Il s'agit du district composé du grand Tunis et Zaghouan comme capitale, du district de Mejerda (les gouvernorats du nord-ouest avec Bizerte), celui du grand centre (Kasserine, Gafsa, Kairouan et Sfax), ainsi que celui des «Dunes et Ksour» comprenant le reste des régions. Un tel projet a tenu compte des dimensions naturelles, du trafic économique et de données démographiques. Et les municipalités? Leur état des lieux laisse encore à désirer, a-t-il jugé. D'autant plus que leur autonomie financière a été remise en cause. Chiffres du ministère de l'Intérieur à l'appui, M. Rehili a révélé que 70 municipalités sur 264 n'ont ou presque aucune source de revenus. En 2013, l'administration centrale leur a fourni un budget total de 100 millions de dinars, contre seulement 35 MD l'année dernière. Et d'ajouter que ces subventions ont été dépensées dans la masse salariale des agents. Pis encore, la municipalité de Tunis a du mal à recouvrer ses propres frais jusqu'alors impayés par des citoyens relevant de son territoire. Et ce n'est pas un hasard, justifie-t-il, si la constitution place le district au troisième rang après la commune et la région. Cela s'explique, selon lui, par le fait que le district est le trait d'union entre le pouvoir central et l'administration locale. Il joue, également, un rôle régulateur au niveau des projets de développement.