Par Slaheddine GRICHI En ces temps d'incertitudes politiques, de flou pas du tout artistique, de désordre généralisé et de navigation à vue qui affectent la quasi-totalité des secteurs et qui font qu'ils avancent souvent à reculons, stagnent ou régressent franchement, les activités culturelles semblent, elles, en souffrir le moins. Certes, on ne peut pas parler de foisonnement, d'essor ou d'état idyllique, mais vu la situation économique et sociale du pays, les «amputations» budgétaires qui ont particulièrement touché le ministère de la Culture, et les déviations parasitaires qui ont ébranlé les fondamentaux, c'est déjà beaucoup que les vrais créateurs continuent de produire, que les grandes et moins grandes manifestations se tiennent sur l'ensemble du territoire et que, surtout, le public fasse acte de présence. Cela est d'autant plus réconfortant que nous relevons un recul assez perceptible des quelques formes de produit «culturel» minimes et marginales qui ont profité de l'après-14 janvier 2011 pour se révéler, trouver écoute et tribunes et prétendre au titre d'«art alternatif». Ce faisant, elles ont inondé la scène de textes si ce n'est de ruisseau et de bas-fonds, du moins de mauvais goût, narguant ou raillant ouvertement la vraie création, basée sur le savoir, le talent, le labeur et l'esthétique, désormais accusée de conformisme, traitée allègrement de «has been» et parfois même d'«alliée» à l'ancien régime. Heureusement que le ridicule ne tue pas ! C'est ainsi que les gros sabots, les grandes g... et les brailleurs à fond ont confondu humour et gags de tavernes, langage populaire et vulgarité, liberté et irrespect de l'autre. Mais aujourd'hui que l'euphorie est en train de tomber, les amalgames de diminuer et les esprits de se calmer, les Tunisiens sont en voie de retrouver leur sens du discernement entre l'ivraie et le bon grain, l'authentique et l'artificiel, voulant dans leur majorité un retour aux fondamentaux et aux exigences de la valeur créative. Leur rebiffement contre ce qui les a un moment intéressés, parce qu'il représentait un changement, est plus que perceptible, tant pour la production télévisuelle et radiophonique que pour le domaine de la chanson. En deux mots, la recherche, la créativité, le changement et l'évolution ne sont pas dans les propos orduriers, mais dans la quête assidue et basée sur la connaissance du différent, de l'élaboré... du beau. Car après tout, et comme le dit si bien l'adage tunisien : «La rivière ne garde que ses propres pierres». Le reste s'en va...