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Treize août : à quand l'égalité face à l'héritage ?
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 08 - 2016


Par Azza FILALI
Certaines dates sont propices pour évoquer les questions non réglées. Par-delà toutes les améliorations apportées au statut de la femme tunisienne (et la loi contre le harcèlement ou la violence faite aux femmes représente une grande avancée), un problème demeure : celui du droit à l'héritage. Toujours soumise à la loi coranique (sourate En-Nissa verset 11), l'infériorité de la femme dans l'héritage ne change pas. Le 4 mai 2016, un projet de loi visant à assouplir le diktat de l'inégalité a été présenté au parlement tunisien. Ce projet, pour ne pas heurter de front les religieux, a opté pour un texte souple permettant, dans des situations particulières, d'envisager une égalité homme-femme face à l'héritage. Mais, déjà, le mufti de la République, avant même de connaître le contenu de la loi, a déclaré que tout changement consistait à aller contre la volonté de Dieu. Pourtant, cette volonté dans le texte coranique s'est exprimée à travers trois modalités, traduites par des expressions différentes. Selon l'ordre d'apparition dans le Coran, la première modalité est la «wassiya» : legs testamentaire que doit effectuer le musulman se sentant près de mourir; la seconde est le don, la troisième l'héritage. A la wassiya, le texte confère un caractère d'obligation, un choix des montants laissé à la discrétion du testateur, et un choix des destinataires où priment les parents et la famille proche, sans qu'aucune mention n'ait été faite d'une discrimination entre hommes et femmes (sourate El Baqara, verset 234). Dans le même ordre d'esprit, il est dit dans la sourate En-Nissa, versets 7 et 8 : «aux hommes une part de ce qu'auront laissé les parents et aux femmes une part»; là encore, aucune précision n'entoure le montant des parts respectives. L'importance de la wassiya et l'intérêt du dernier verset ont fait l'objet de divergences et de tentatives de minorisation de la part des théoriciens-exégètes qui ont successivement étudié le texte coranique. Tout cela, sans doute, pour laisser la part belle au verset ayant trait à l'héritage et ses règles. En définitive, l'héritage n'est qu'une des trois modalités de transmission des biens d'un mourant à ses proches ; toutefois, la plupart des législateurs musulmans ont une fâcheuse tendance à oublier les autres modalités.
L'inégalité homme-femme face à l'héritage ne concerne pas que notre pays. Au Maroc, des voix s'élèvent (celle du Conseil national des droits de l'Homme) pour condamner les inégalités face à l'héritage, qui laissent souvent filles et femmes dans la misère, après le décès du père ou du mari. Ces protestations ont été très mal accueillies par le parti islamiste marocain, au pouvoir depuis 2011, qui les a qualifiées d'irresponsables. Même situation en Indonésie où malgré l'activisme de certaines associations, le sort de la femme demeure peu enviable, qu'il s'agisse du faible taux de scolarisation, de la persistance de la polygamie (si un juge l'autorise) et, bien sûr, de l'inégalité homme-femme devant l'héritage.
Il faudra bien pourtant que ce problème, essentiel, soit mis sur la table un jour. Dans notre pays, et bien avant la révolution, l'Association tunisienne des femmes démocrates avait beaucoup œuvré dans ce sens. L'argument d'évidence est qu'entre l'Arabie de l'an I de l'Hégire et l'année 1437 du calendrier islamique, tout, ou presque, a changé (si on excepte l'Arabie, restée figée dans la préhistoire...) Aux femmes, soumises et financièrement dépendantes d'un mari, d'un père ou d'un frère (même si l'image connaissait déjà des exceptions) ont succédé aujourd'hui d'autres images : celles de femmes travaillant, aux bureaux comme aux champs, et rapportant de leurs mains la pitance de la famille. De plus en plus, certaines femmes assurent, à elles seules, la gestion d'une cellule familiale et assument des responsabilités tant professionnelles que personnelles. Pourtant, tout n'est pas encore réglé et l'autonomie financière de la femme reste un problème d'actualité. Il est révoltant qu'en 2016, et pour un même travail, des Tunisiennes, ouvrières agricoles, reçoivent un salaire inférieur à celui des hommes. Il est inacceptable que dans le secteur privé, le genre biologique intervienne pour déterminer les émoluments ou le rythme d'un avancement professionnel. Là, il importe de rappeler que la rémunération n'apporte pas que de l'argent, mais qu'elle structure aussi la personnalité en conférant un sentiment de dignité, de liberté et de mérite. Même chose pour un passage de grade ou une promotion. Dans ce sens, l'égalité hommes-femmes dans l'héritage aiderait certaines femmes à subvenir aux besoins d'une famille qu'elles prennent en charge seules, mais leur apporterait aussi un sentiment de justice et de dignité dont il est indécent qu'elles soient encore privées.
Par le passé, la suprématie masculine devant l'héritage prenait racine dans la crainte des pères de voir leurs filles, mariées à «un étranger» (et donc intégrées dans un autre clan), transférer à leur époux les terres ou biens qu'elles auront hérités de leur père. La règle voulait que terres, bétail et fortune demeurent entre les mains du groupe, et soient donc confiés aux fils qui perpétueront la lignée familiale. Mais pouvons-nous encore nous aligner à un pareil schéma? Pour certains, il demeure sans doute agissant, mais la famille patriarcale laisse de plus en plus place à une famille nucléaire qui gère ses finances au quotidien et dans laquelle l'homme et la femme peinent tous deux pour joindre les deux bouts.
La discrimination face à l'héritage possède également une portée symbolique : elle réaffirme, contre vents et marées, la domination de l'homme et ancre les stéréotypes qui vont dans le sens d'un machisme des plus ordinaires. Que ce machisme soit démenti par le nombre élevé de femmes qui étudient, travaillent, occupent des postes de responsabilité, tout cela n'y fait pas grand-chose. Sous couvert de tradition, les archétypes perdurent dans l'inconscient collectif et individuel. Il n'en est, pour se persuader, que d'observer le comportement d'une jeune mère de trente ans avec ses deux enfants : un garçon et une fille. Dans le type de jeux qu'elle offre à l'un et l'autre, dans les couleurs qu'elle choisit pour les habiller, elle reconduit (sans doute à son insu) des comportements hérités de sa propre mère et renoue ainsi avec les générations précédentes, malgré une prétendue allure moderniste. Autre situation fréquente dans les foyers tunisiens : il s'agit de la relation mère-fils qui souffre encore de bien des anomalies : que de mères gâtent outrageusement un fils adolescent, lequel à la maison ne fait rien de ses dix doigts, est servi comme un prince, voit ses vêtements sales lui revenir propres et repassés ! Combien de jeunes adolescents tunisiens rangent leur lit, repassent leurs affaires, apprennent à cuisiner et à faire les courses ? A lire cette phrase, bien des citoyens vont s'esclaffer, mais il est un fait que le jeune Tunisien est souvent outrageusement gâté par sa mère qui le comble d'égards. Autant d'égards qu'une fois adulte il réclamera à son épouse, puisque sa mère (la première femme de sa vie) l'a habitué à être traité de la sorte. En somme, les femmes portent, en grande partie, la responsabilité de l'immobilisme mental masculin, et même les hommes qui se donnent des allures modernistes demeurent souvent engoncés dans un schéma de pseudo-supériorité et de privilèges allant de soi. Ce sont les mères, et parfois les épouses, qui pérennisent la conviction masculine d'être celui qu'on doit servir.
Rien ne se fait sans un changement profond des mentalités. Il semble que la mentalité féminine doive, elle aussi, s'adapter à ce qu'est devenue la femme dans notre pays : un être autonome, responsable, doté des mêmes droits et devoirs que son partenaire masculin. Qu'on cesse d'éduquer les hommes de demain comme devant être des « chefs » : de famille, d'entreprise, de gouvernement ! A ce propos, pourquoi notre président n'a-t-il pas pensé à une femme pour diriger le futur gouvernement ? (Une femme ? Soyons sérieux !)
La loi coranique au sujet de l'héritage ne pourra indéfiniment résister aux coups de boutoir de la société civile et des pressions exercées par des femmes dont l'autonomie et l'insertion dans la vie active ne pourront qu'aller crescendo. C'est juste une question de temps. Un jour viendra où un projet de loi sur l'héritage sera proposé au parlement, discuté, et approuvé avec (nous l'espérons) une égalité entre votants des deux sexes.


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