On a célébré, le 13 août, comme chaque année, la fête nationale de la Femme, tout en commémorant, par la même occasion, la promulgation du Code du statut personnel. Un acte législatif solennel accompli, en 1956, avec autant d'audace et de délicatesse par le président de la première République, Habib Bourguiba. Soixante ans déjà, on lui doit encore la promotion de la femme et de la famille, colonne vertébrale de la société et seule garante de son épanouissement et de son progrès. Mère au foyer, ouvrière aux chantiers ou cadre à un poste de décision clé, la femme tunisienne, fière de cet acquis prestigieux, reconnaît à Bourguiba, père fondateur de la nation, une telle entreprise libératrice. A la faveur du CSP, livre d'or aux chapitres très avantageux, premier du genre dans le monde arabo-musulman, elle a, depuis, accédé à un nouveau statut social, l'érigeant au statut d'une citoyenne à part entière, en termes de droits et devoirs. Hommes, femmes, tous sont égaux devant la loi. Ce qui confère à la femme tunisienne une place de choix, mais aussi une position bien méritée dans son environnement maghrébin et africain. Et là, c'est, en soi, un véritable exploit. A peine quelques mois après l'Indépendance, l'idée même de lui consacrer un texte pareil propre à elle, au sein d'une société ultraconservatrice, machiste et encore moins cultivée, fut alors une aventure risquée à bien des égards. Car, à l'époque, faire tout pour l'affranchir et la sortir du carcan de l'ignorance, à même d'ouvrir, devant elle, de nouveaux horizons, a été bel et bien jugé une œuvre révolutionnaire si généreuse et prospective. Satisfaite de ce qu'elle avait à son actif, la femme en a trop demandé, mais, elle n'a jamais imaginé qu'un tel acquis capitalisé au fil des mois et des ans puisse être, un jour, confisqué ou relégué au second plan. Des craintes féminines Fini le temps de Bourguiba, son successeur n'en a pas assuré la continuité ! Loin s'en faut. Durant le règne de Ben Ali, la promotion de la femme n'était, alors, qu'une politique de façade, une vitrine reluisante dont il s'est trop servi. Pas grand-chose n'a été ajouté à ce qui était déjà existant. L'héritage bourguibien, tel que conçu et préservé, il y a maintenant soixante ans, est encore là, témoin d'un parcours féminin autant passionné que passionnant. Un passé de militantisme et de combat acharné contre toute tentative attentatoire à l'image de la femme et à ses droits acquis. Violence faite à son encontre, harcèlement sexuel, intimidation au lieu du travail ou comportements discriminatoires, autant de pratiques insensées qu'on perçoit au quotidien, sans que personne ne lève le petit doigt. Une contre-morale qui fait froid dans le dos. Cela nous laisse pantois face à l'avenir de toute une génération féminine. Quel sort réserve-t-on à la jeune fille, à la famille, à la société tunisienne toute entière ? Et si, aujourd'hui, ces craintes de tout perdre ne se dissipent pas, qui sait de quoi demain sera fait. Al Massar réagit La révolution du 14-Janvier vient ainsi poser d'autres questions : égalité homme-femme, parité, représentativité politique et parlementaire, port du voile et égalité face à l'héritage. A quand la fin d'un tel débat si long et stérile? Faut-il réécrire le CSP, comme le suggèrent certaines militantes tunisiennes ? Le parti Al Massar voit, plutôt, qu'il faut le repenser pour l'adapter à l'esprit de la nouvelle constitution. Dans son communiqué rendu public, le jour de la fête, il plaide pour la concrétisation de l'article 46 dans ses trois niveaux; à savoir la parité, l'égalité des chances et la lutte contre toute forme de violence à l'égard de la femme. Et partant, y lit-on encore, l'option pour la discrimination positive au profit du genre social en matière d'emploi et d'accès au poste de décision. Il est aussi question de soumettre la loi antiviolence à l'ARP, de respecter les clauses des conventions internationales y afférentes, ainsi que l'intégration de la femme dans la vie active. Le parti réitère son « soutien inconditionnel » à toutes les initiatives associatives visant l'ancrage de la culture de citoyenneté et d'égalité entre les deux sexes, et faire en sorte que les droits de la femme dans leur acception la plus large soient garantis. Hommages à nos concitoyennes L'après-révolution a permis à la femme tunisienne de s'exprimer et de manifester dans la rue pour obtenir gain de cause. Ses revendications sont tellement légitimes qu'elle les défend bec et ongles. L'on se souvient très bien de leur rôle de premier plan dans le sit-in assez prolongé du Départ (iitissam errahil) qui a eu lieu, en 2013, au Bardo, au temps de la Troïka II. De même, les multiples manifestations et coups de gueule médiatiques allant jusqu'à se dresser contre la façon dont on traite les principales causes de la gent féminine. Sans pour autant oublier le vécu alarmant des femmes en détresse, des détenues en prison, femmes aux champs agricoles, travailleuses de nuit dans les zones industrielles et bien d'autres qualifiées de « damnées de la terre ». A cette catégorie sociale assez vulnérable, à toutes nos concitoyennes, nos hommages les plus vibrants qu'on tient à leur rendre en ce 13 août 2016.