Par Jawhar CHATTY Samedi dernier à Dar Dhiafa, Youssef Chahed recevait une belle brochette de « capitaines d'industrie ». Il leur a demandé d'investir dans les régions dites intérieures et de redonner espoir aux jeunes. Ils ont demandé stabilité et paix sociale. Un dialogue de sourds en somme. Sauf que le plus jeune chef de gouvernement que la Tunisie moderne ait jamais connu a eu l'intelligence et l'audace de conduire ses hôtes sur un terrain, a priori jachère et qui, pourtant, devrait leur être familier : le risque. Il les a appelés à prendre le risque, puisque tout investissement suppose une part de risque. Il s'était même, et d'une certaine manière, évertué à leur rappeler la destruction créatrice chère au grand économiste Joseph Schumpeter. A vrai dire, il y a chez nos « capitaines d'industrie » un titre pompeux du reste, ce penchant au conformisme, au conservatisme et à la culture de rente qui les empêche de voir grand. Les régions intérieures sont comme la brousse, l'Afrique, c'est la jungle. Et ils envient sans doute, à raison, le courage et la fortune des entrepreneurs marocains qui se sont lancés, non sans succès, dans divers domaines aussi risqués les uns que les autres, comme les finances et les énergies renouvelables. Youssef Chahed a dû sans doute aussi leur parler d'impôts et de justice fiscale. De taux de change, du dinar, de politique monétaire, des banques, de liquidités et de crédits. Espérons qu'après tout cela, la stabilité et la paix sociale qu'ils réclament, incontestablement à raison, ne seront plus un alibi ou une excuse pour ne pas investir. En investissant, en prenant le risque d'investir, ils auront foncièrement contribué au retour de la stabilité, de la paix sociale et de la croissance. En attendant qu'une belle brochette de l'économie parallèle soit reçue par le chef de gouvernement. Et puis, un peu d'humilité ne sera pas de trop : peut-on réellement parler d'industrie tunisienne et de capitaines d'industrie quand pour l'essentiel il s'agit, dans le meilleur des cas, d'activités de transformation et de gros sous-traitants ?! Quand il s'agit d'importateurs à 100%, de promoteurs de malles et de centres commerciaux, de simples concessionnaires...? Nous devons, certes, au secteur privé cette capacité de résilience dont a fait montre l'économie nationale au cours de ces dernières années. Bras séculier de l'économie nationale, le secteur privé a toujours été d'un apport inestimable en termes de croissance et de créations d'emplois. Aujourd'hui, il y contribue vaille que vaille et souvent contre vents et marées. En attendant le nouveau code de l'investissement, il n'est pas dit, tout au moins on l'espère, que le secteur privé tunisien n'est pas d'ores et déjà en train de préparer sa mue...