• Des avis mitigés distinguent l'évolution d'une production en dents de scie Avec Ramadan qui touche à sa fin, les Tunisiens vivent les ultimes épisodes des fictions télévisées qui ont cette particularité de les sédentariser et de leur faire aimer ces platitudes qui, pour la plupart, manquent d'originalité et de crédibilité, exception faite pour Casting et Njoum ellil (saison 2) de Madih Belaïd. Selon toute vraisemblance, ce feuilleton, diffusé sur Hannibal, bat tous les records de l'indice d'écoute, toutes chaînes tunisiennes confondues. Pourtant, Njoum ellil n'est pas sans reproche ; il pèche, dans certains épisodes, par un développement inutile, des longueurs étrangères au thème qui confinent au remplissage et participent à l'incohérence des situations. Sans parler du cabotinage de certains acteurs supposés chevronnés. Néanmoins, et dans leur grande majorité, les téléspectateurs ont adhéré et souscrit à l'esthétique de cette œuvre où les personnages sont ou blancs ou noirs, sans nuance ni concession. Ils sont entiers et presque intransigeants, supportant mal les compromissions ou les situations intermédiaires et qui optent pour le juste milieu, une attitude qui se rapproche de la demi-mesure et de l'indétermination. Il faut croire que le coût quasi astronomique de sa réalisation — trois milliards de nos millimes — constitue un motif supplémentaire qui plaide pour son succès. En effet, la mise en scène a eu recours à une technologie avancée, une recherche high-tech qui a intégré tous les perfectionnements à la pointe de l'innovation et du progrès. Ce qui a largement contribué à rendre plus performantes la prise de vues et l'image. L'heureuse trouvaille de Casting Une autre performance réalisée en ce mois de Ramadan : la série signée Sami Fehri, Casting, diffusée sur TV7. Outre le fait qu'elle nous introduit pour la première fois dans le monde de la distribution des rôles et de la sélection des comédiens, cette fiction est intéressante dans la mesure où elle opère un redressement méthodique dans le champ télévisuel tunisien. Sami Fehri a surpris le public des téléspectateurs en révélant de nouveaux visages, des inconnus. Mais quel talent ! Le cas du gamin, une réplique de Gavroche (personnage de Les Misérables de Victor Hugo) est très révélateur. Ce gamin, abandonné par ses géniteurs et lâché dans la nature, vivant d'expédients et recourant à toutes sortes d'astuces pour survivre et échapper à de redoutables prédateurs dont, souvent, il a été la proie, a considérablement ému le public par sa spontanéité, sa simplicité et son naturel. Se la jouant dur, le défaut de sa cuirasse ou son point faible réside dans sa désarmante candeur qui a profondément ému et troublé les esprits. C'était une belle, très belle âme. L'humour éculé La fiction Dar El khlaâ (Villa villégiature) de Ahmed Rejeb (Hatem Belhadj en a écrit le texte) qui passe sur TV7 est ratée à cause d'un humour passé de mode et qui revient chaque année en force chez nous, l'humour est figé et n'a pas évolué depuis Hadj Klouf et Omi Traki. Il est une forme d'esprit élaboré, une posture intellectuelle, voire philosophique face au réel, une façon de voir le monde et la condition humaine. C'est aussi un choix moral, celui d'en rire plutôt que d'en pleurer, avec la générosité de vouloir en faire rire aussi ses semblables. Avec Dar el Khlaâ, on est à mille lieues de l'humour, véritable arme de persuation dont se servent les Anglo-Saxons avec une virulence rarement égalée dans les satires grinçantes, à la manière de l'infantile et farfelu M. Bean, incarné par le génial Rowan Atkinson. Dans la série de Ahmed Rejeb, truffée d'invaisemblances assez surprenantes dans le genre de cet épicier (Jaâfar Gasmi), dont le magasin lui sert aussi d'habitation, ou de la propriétaire des lieux dont le rôle se limite à épier les faits et gestes de ses locataires, on n'est pas sorti de l'auberge avec la longue liste de la platitude et de l'ineptie. Kamel Touati, pourtant capable de toutes les performances, n'est pas parvenu à se débarrasser des tics stéréotypés qui nous rappellent étrangement ses anciennes compositions. Lotfi Dziri qu'on voit très mal dans un rôle aux antipodes de son registre habituel, n'avait rien à faire ou voir avec une série dont les sujets sont si décourageants et déprimants que ça tourne carrément au grotesque. Exemple, l'épisode autour d'un vêtement prêté et qui a été taché par une goutte d'eau de Javel. On en a fait tout un drame. Et tous les soirs nous apportaient leur lot de stupidités et de trucs éculés. C'est à se demander si nos humoristes sont conscients des enjeux du genre comique et de tout ce qu'il implique comme tabous, hypocrisie, préjugés, convenances sociales, peurs, illusions et travers, le tout exprimé dans un verbe truculent et inventif comme il en est ainsi ailleurs. On a naïvement cru qu'avec la multiplication de chaînes privées, une mutation salvatrice allait se produire et servir de terrain d'inspiration pour une nouvelle génération d'humoristes capables de passer à la moulinette de son humour tous les genres cathodiques. Hélas, le miracle tarde et se fait attendre.