Ce dossier est très délicat et c'est pour cette raison que des précautions devraient être prises à l'effet d'éviter les polémiques, surtout que les avis peuvent être en dépit de tout le discernement déployé, un tantinet subjectif. Un technicien, tunisien ou étranger, est toujours exposé à bien des critiques. Surtout dans les pays qui comptent autant d'habitants que de «techniciens hautement qualifiés» qui sermonnent, mettent en doute et proposent les solutions de rechange à tour de bras. Cela existe malheureusement, et c'est la raison pour laquelle il faudrait se rendre à une évidence : il faudrait agir en toute conscience, sans sentimentalisme, copinage ou...xénophobie, avant d'émettre un avis qui, quoi qu'il en soit, ne saurait dépasser le seuil d'une recommandation ayant tenu compte des inévitables impondérables qui viendraient se greffer sur la décision finale prise. Reconnaissons quand même que les sports individuels se définissent à partir de conditions de travail autrement différentes de celles des sports collectifs. Ces derniers se différencient par l'apport qu'un «entraîneur-manager» apporte dans l'action : en volley-ball par exemple, il est extrêmement difficile de souffler une solution alors que l'action se déroule à la vitesse de l'éclair. Tout se doit d'être fait à l'avance et les qualités du technicien tunisien ou étranger ne peuvent s'exprimer que dans la préparation. C'est l'aspect expérience qui joue un rôle prépondérant. Néanmoins, la présence de joueurs de niveau acceptable est extrêmement importante. Cela dépend du rythme et de la valeur de la compétition nationale, de son intensité et de la fréquence des compétitions. Dans cette discipline, nous payons le manque d'équipes, l'absence de souplesse dans les règlements régissant les mutations des joueurs, et une ouverture sur l'étranger quasiment nulle. Le fait de voir un nombre de nos meilleurs éléments évoluer avec des équipes huppées à l'étranger est un apport considérable qui joue en faveur du handball par exemple. C'est la raison pour laquelle l'entraîneur est tunisien ou étranger ne fait pas beaucoup de différence. Le meilleur technicien au monde se casserait les dents à la première occasion lorsque le milieu ambiant est morose, sans horizon, fermé. En handball, basketball et rugby, on peut s'évertuer à replacer en cours d'action un joueur pour une mission bien déterminée. Si l'entraîneur a l'expérience internationale, l'acquis au niveau des clubs et de la préparation est substantiel et l'entente est parfaite, tout devient possible en compétitions régionales, continentales et même internationales. En football, les choses se compliquent parce que tout le monde, même les profanes, ont leur mot à dire. Un technicien est avant tout un homme vers lequel convergent tous les regards : ceux de ses joueurs et ceux des millions de prunelles qui sont prêtes à le brûler vivant. C'est dire que le choix d'un technicien pour diriger une équipe nationale est très délicat. Prenons deux exemples concrets : en Argentine, Chétali et Ben Othmane ont eu à leur disposition un cru exceptionnel. Avec ces mêmes joueurs, le sélectionneur qui l'avait précédé, rien n'allait comme il le fallait. La prise en main psychologique des joueurs laissait à désirer et le groupe se présentait en ordre dispersé. L'arrivée de ce duo, qui connaissait les hommes et la psychologie de chacun d'entre eux, a tout métamorphosé avec les résultats que nous connaissons. Plus proche de nous, l'équipe nationale de handball qui a coulé à Rio en dépit de la valeur intrinsèque des joueurs. Ce groupe a été mal encadré et le naufrage avait commencé bien avant de se rendre à cette compétition d'envergure où les meilleurs étaient là et où les erreurs se payaient comptant. Tout le monde s'accorde à conclure qu'il était question de mauvais encadrement. Nous avons en Tunisie des techniciens hautement qualifiés. Un bon nombre d'entre eux opèrent à l'étranger où ils ont acquis une remarquable notoriété. Une reconnaissance qu'on leur a refusée faute de confiance et par peur du changement ou d'ouverture. Les informations qui nous parviennent à propos de ces techniciens, font notre fierté mais malheureusement s'ils étaient restés en Tunisie, ils auraient usé leurs culottes sur les fauteuils de leurs salons. Les problèmes résident en ce conservatisme qui nous ronge et qui fait que ceux qui ont réussi par leur travail mais aussi par un minimum de conditions exceptionnelles, sont là pour la vie. A se demander quand les milliers de techniciens formés à bonne école auront leur chance. Pourtant, nous savons que ce sont les joueurs qui font les grands entraîneurs et non le contraire. Donnez au meilleur d'entre eux une équipe sans vedettes sans repères et sans moyens, et demandez-lui d'être champion. Le contraire pourrait être possible, dans certains cas, mais la logique veut que l'effectif, les dirigeants omniprésents, les moyens financiers et un minimum d'honnêteté morale au niveau de l'arbitrage vous donnent un champion. En sports individuels, c'est la valeur intrinsèque de l'athlète ou du combattant qui prévaut. Ils doivent suivre l'encadrement technique rodé à la réalisation des performances et de la haute préparation dans un milieu où le chronomètre et les instruments de mesures ne mentent jamais, ne trichent jamais. En fait, il ne faudrait pas qu'il y ait de confusion : en sports collectifs, l'à-peu-près est possible (nous disons bien possible), contrairement aux sports individuels ou rien ne peut être laissé au hasard. Un athlète ou un combattant, sauf accident imprévisible, « sent » sa performance. Une fois dans l'arène, il sait ce qu'il doit faire et le technicien qui en a la charge saisit vite le degré de forme de son protégé. C'est cette complicité que l'on recherche et parallèlement aux connaissances techniques, il faudrait associer dans la réussite l'aspect humain qui est extrêmement important. Bien des athlètes, de par le monde, demandent, exigent que leur époux par exemple, technicien de formation, les entraîne. Et leur choix est légitime. C'est dire que tunisien ou étranger, à connaissances égales, nous opterions toujours pour ceux que nous avons formés , à condition qu'ils aient eu l'occasion de démonter leur savoir-faire au sein de nos grandes équipes, qui, quand même, ont de nos jours la chance de disputer des rencontres de haut niveau aussi bien sur le plan continental qu'international. Mais il faudrait leur donner le temps, la confiance et les moyens qu'on ne saurait refuser à M. Dupont !