Il a fait partie de l'équipe stadiste sacrée championne arabe 1989, mais il a également accompagné les douleurs nées de titres perdus sur le fil. Solide latéral droit, il dut faire face à la forte concurrence de Jemmi d'abord, et Mhadhebi «Tigana», ensuite. Les sportifs se souviennent de lui comme étant l'homme du «Novantesimo», la 90e minute du match CAB-ST qui le vit sortir de nulle part et inscrire un but qui a failli chasser la malchance, les gars du Bardo étant coiffés au poteau par les Cabistes pour l'attribution du trophée de champion 1984 La longue traversée du désert du club du Bardo, il connaît. La scoumoune qui a accompagné trois décennies durant des générations entières de jolis spécimens, aussi. Le latéral droit, Abdessalam Bellagha, lancé dans le grand bain des seniors par Ameur Hizem en 1980, a perdu deux finales de la Coupe de Tunisie (1990 contre l'AS Marsa 3-2, et 1992 contre le Club Africain 2-1), tout en passant à côté d'au moins un championnat quasiment gagné. «En 1984, il nous aurait suffi de battre le Club Africain lors de la dernière journée pour enlever le titre, se souvient-il. Mais on a concédé le nul (1-1), cédant la couronne au CA Bizertin. Pourtant, quelques semaines plus tôt, nous avons fait le plus dur en allant gagner à Bizerte grâce à un but que j'ai réussi. Ce jour-là, j'étais remplaçant. Alors que le nul se dessinait progressivement, je me suis retourné vers notre entraîneur André Nagy pour lui dire: «Je veux jouer, je me sens capable de réussir quelque chose». Il me demande à la place de qui je vais être aligné. Je lui réponds: «A la place de Hachemi Sassi». Eh bien, Nagy accède à ma demande. J'entre en jeu et inscris à la 90e minute le but de la victoire d'un pointu désespéré. En rentrant au Bardo, j'étais dans un état second, comme inconscient. Car c'était incontestablement l'instant le plus important de ma carrière. Ce but aurait pu-et dû- nous donner le titre de champion. Vous connaissez la suite malheureuse...». Une telle guigne, Bellagha peine à l'expliquer: «Il n' y a rien à comprendre, c'est le destin, sentence-t-il fataliste. On arrive jusqu'à la source, mais on ne sait pas y assouvir notre soif. On termine champion d'hiver, mais l'été venu, on était deuxième ou troisième. Notre président Hédi Enneifer a passé dix-sept ans à courir derrière un seul titre. Mais il était parti sans savourer ce bonheur». «Biggy, dehors !» Pourtant, le ST a cru chasser les démons lorsqu'il ramena d'Arabie Saoudite la Coupe arabe des vainqueurs de Coupe 1989. «Nous avons disputé là-bas un grand tournoi, se rappelle-t-il avec fierté. Nous avons écarté de grosses pointures genre Arrachid irakien, Al Ittihad saoudien et Al Hilal soudanais. Après avoir remporté la demi-finale, nous avons demandé à notre président Mohamed Achab de limoger l'entraîneur bulgare Biggy. Avec lui, c'était du n'importe quoi. Mais il laissa passer l'orage. Abdelhamid Hergal et Taoufik Mhadhebi ne purent terminer avec nous le tournoi. Ils devaient rentrer à Tunis renforcer la sélection nationale. Malgré tout, grâce au talent de Hachemi Sassi que je qualifie de Van Basten arabe, Ncibi, Ben Jaballah..., nous avons su aller jusqu'au bout en battant Al Koweit SC en finale (0-0, 6 tirs au but à 5). C'était une parenthèse rafraîchissante au cœur de ces années de braise où les trophées nous tournaient le dos. Ainsi, a-t-on perdu in extremis un championnat avec Nagy et un autre avec le tant controversé Biggy». Bellagha ne garde pas d'ailleurs les meilleurs souvenirs du passage de Biggy. «Ma frustration après la finale de la Coupe de Tunisie perdue (3-2) contre l'AS Marsa était à ce point immense que je l'ai brutalisé après le match sur le chemin du retour aux vestiaires. Je lui criais derrière « Biggy, dehors !». Je l'ai poussé dans la mêlée, un supporter lui a asséné un coup de poing. On m'a accusé de l'avoir fait. J'ai senti un rêve s'envoler. Mhadhebi s'était blessé une semaine plus tôt à Sfax. Pourtant, on l'a aligné après lui avoir administré une piqûre. Sa jambe était quasiment paralysée. Il ne pouvait plus rien faire. Biggy me demande de m'échauffer; je me dis que je vais jouer. Mais il renonce à m'aligner. Je me dis que j'aurais pu apporter quelque chose à la place d'un Mhadhebi fortement diminué. J'étais convaincu que Biggy a fait ce jour-là le mauvais choix». «Khaled Saidi, une souffrance» «Le foot m'a donné l'amour des gens, se réjouit le latéral droit qui a joué à tous les postes défensifs. Il avait même évolué dans les catégories des jeunes comme attaquant, remportant la Coupe de Tunisie juniors 1980 contre le CA, à El Menzah en lever de rideau de la finale seniors EST-CA (2-0). Les gens se souviennent de moi comme étant l'auteur du but de la dernière minute à Bizerte qui avait presque donné le championnat au ST s'il n'y avait pas eu cette crispation face au CA dans la dernière journée. On dirait que nous étions possédés par des démons. Physiquement, j'étais très fort, ce qui compensait de petites limites dans le jeu. J'ai réussi à neutraliser deux ailiers gauches aussi rapides que Ridha El May (CAB) et Kamel Azzabi (ESS). Le ST m'a tout donné, c'est-à-dire un boulot à la SNIT, puis à la STAR. Je le dois à notre président Hédi Enneifer. J'ai pu travailler avec de grands entraîneurs, passionnés et dévoués: Taoufik Skhiri et Amor Mejri chez les jeunes, Ezeddine Bezdah, Ameur Hizem, Mokhtar Tlili, Ahmed Mghirbi qui me respectait beaucoup parce qu'il sait que je ne triche jamais et que j'aime travailler, et André Nagy, le plus grand d'entre tous. Il nous faisait pratiquer le foot que produit Barcelone aujourd'hui. C'était un précurseur. Après m'avoir essayé comme attaquant, c'est lui qui me fit jouer latéral droit, en concurrence avec Fethi Jemmi. Je devais y rester, et c'est à ce titre que le sélectionneur Youssef Zouaoui m'appela en sélection.» S'il apprécie énormément Hachemi Sassi et Oussama Sellami, le puissant défenseur des années 1980-90 n'en retient pas moins les noms de Mohsen Jendoubi, Abdelhamid Hergal et Jamel Limam comme meilleurs joueurs stadistes de tous les temps. Il se souvient de Khaled Saidi comme étant le joueur qui lui a donné le plus de fil à retordre: «Un jour de petit derby face au CA, il se trouva dans une forme de tonnerre. Il me tortura ce jour-là», admet-il. «La chanson, ma grande passion» «Si je n'étais pas footballeur, je crois que je serais aujourd'hui dans la chanson. J'aime tous les genres: du soufi au mezoued, eh oui, deux genres tout à fait différents. Au ST, j'étais l'animateur de la troupe. Nous étions ainsi dans ma famille: on aimait faire la fête. Mon père Hédi, qui travaillait à Air France, ne m'a pas encouragé au début à épouser une carrière de joueur. Ma mère décédée il y a quelques mois me gâtait sur table afin que je sois en forme les jours de rencontre. Marié avec Naima depuis 1988, j'ai trois enfants: Hamza, 26 ans qui vit en Allemagne, Halima, 22 ans étudiante et Khedija, 18 printemps, lycéenne.» Enfin, comme tout Stadiste qui se respecte, Abdessalam Bellagha est habité depuis la saison dernière par une profonde blessure: «Qui aurait imaginé que le légendaire Stade serait un jour relégué en Ligue 2 ? Un championnat d'élite n'est pas concevable sans le ST. Peut-il y avoir une fête sans Baklawa ? Nous sommes encore groggy, on n'arrive pas à réaliser. J'ai intégré le ST à l'âge de dix ans. Il fait désormais partie intégrante de ma vie quoique je n'aie jamais été par la suite entraîneur ou dirigeant avec mon club. Mon boulot ne m'en laisse malheureusement pas le temps».