«Au travers des oliviers», un film de Abbas Kiarostami, projeté dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage, section hommage à la salle Le Rio Le festival des JCC a choisi de rendre hommage au réalisateur Abbas Kiarostami, un grand talent originaire de Téhéran qui nous a quittés en juillet dernier (2016) à l'âge de 76 ans et qui a laissé son empreinte sur le cinéma contemporain. Après la révolution iranienne de 1979, contrairement à ses confères du 7e art, Kiarostami a choisi de rester dans son pays, assumant les contraintes dictées par la nouvelle politique du pays. Cette décision fut l'une des plus importantes de sa carrière : son cinéma n'aurait, selon lui, pas supporté le déracinement. C'est avec son film «Où est la maison de mon ami ?» que Kiarostami attire l'attention des cinémas étrangers. Dans ce film, il dépeint avec talent les croyances des campagnards iraniens et use du paysage iranien comme soutien poétique à sa narration. C'est le premier opus de ce que les critiques nomment la «Trilogie de Koker», dont fait partie «Et la vie continue» (1992) et «Au travers des oliviers» (1994) désormais programmé aux JCC. Les années 90 sont marquées pour le réalisateur par une véritable reconnaissance de son travail dans les festivals internationaux. Devenu une figure emblématique de la culture iranienne, le cinéma de Kiarostami revêt également un intérêt diplomatique en montrant un visage nuancé de l'Iran. Le film dans le film... Voilà donc des rendez-vous incontournables pour les passionnés d'un cinéma qui fait fi du spectaculaire pour filmer la vie. Dans le cadre de la section Hommage, on retrouve trois films, réalisés entre 1994 et 1999, qui donnent une idée sur le talent du cinéaste iranien, citons : «Le Goût de la cerise», «Le vent nous emportera» et «Au travers des oliviers» qu'on a pu découvrir cette semaine à la salle Le Rio. Un film doublement intéressant autant pour le sujet traité (le film dans le film, les rapports homme-femme...) que grâce à ses techniques filmiques (la mise en scène, ses leçons de genre, de plan, de montage, de musique, de direction d'acteurs...). Avec «Au travers des oliviers», le cinéaste nous propose un cas drôle et épineux à la fois de la relation entre l'amour, la société et le cinéma : une équipe de cinéma s'installe, parmi les oliviers, dans un village du nord de l'Iran qui vient d'être dévasté par un tremblement de terre. Deux villageois (Hussein et Tahereh) ont été choisis pour jouer dans le film qui pourrait être de Kiarostami lui-même (le film dans le film). Le jeune Hossein qui est épris de la jeune Tahereh depuis toujours saisit l'occasion du tournage pour lui avouer son amour et son désir de l'épouser. Il est passionné ; elle est réservée. Il est bavard ; elle est silencieuse. Il profite du temps libre entre les séquences qu'ils tournent ensemble pour la pousser à accepter sa demande en mariage. Ce tournage dans le tournage et les délicates mésaventures de ce personnage-acteur délivrent une juste réflexion sur l'apparence et ses revers, les coulisses, là où l'on est soi-même et les moments de l'action là où l'on prétend être quelqu'un d'autre. Le hors-champ est donc d'une grande importance, voix off, son off, le cinéma d'Abbas Kiarostami travaille au-delà du cadre pour faire dire son récit. Ce n'est pas la caméra qui cherche l'histoire, se rapproche, zoome, cadre de loin puis de près et qui montre tout, mais l'histoire qui vient provoquer la caméra. D'où ces longs plans, cette attente, cette contemplation magnifique. Dans ce film, on est aussi bien impressionné par cette leçon de cinéma que nous offre Kiarostami que par sa façon de résoudre une équation pas toujours simple et c'est «Comment peut-on être un bon cinéaste d'une part et féministe d'autre part en Iran?». «Au travers des oliviers» n'est pas vraiment un film féministe, mais il opère dans ce sens lorsqu'il montre l'extraordinaire beauté de ces jeunes filles, leur timidité intimidante (l'acteur amateur qui bégaie dès qu'il s'adresse à une femme, ne parvenant pas à prononcer en entier la phrase...), leur incroyable pudeur, leur violence veloutée, l'autorité de leurs mères... tout semble plaidoyer en leur faveur... Le film se ferme en ouvrant de grands horizons, un grand plan magnifique cadré de près puis s'éloignant progressivement, l'image passe progressivement du réalisme à l'impressionnisme mettant en scène la jeune fille traversant un magnifique champ d'oliviers suivie par le jeune amoureux. D'autres œuvres cinématographiques du grand cinéaste iranien sont à découvrir absolument lors des JCC cette semaine, citons : «ABC Africa» aura lieu demain à l'IFT à 15h30. «Like someone in love», le vendredi 4 novembre à la salle Le Rio à 12h00. «Five», ce vendredi également à la salle Le Parnasse à 13h30. «Le vent nous emportera» aura lieu demain à l'Institut français de Tunisie à 15h30 et au même lieu «Copie conforme» avec Juliette Binoche samedi 5 novembre à 15h30. Ce dernier film passera, également, vendredi 4 à l'Agora à 16h30.