Le code du travail, la loi de la fonction publique sont fondés sur le principe de la discrimination, l'accès aux postes de décision est entravé et l'égalité salariale est inappliquée Le Centre de recherches sur la femme, Credif, a organisé une rencontre-débat sur le thème «l'accès des femmes aux postes de décision», avec le soutien de la Fondation Friedrich Ebert. Le rendez-vous est essentiellement consacré aux parlementaires invitées à s'exprimer sur le sujet. La directrice générale de l'institution hôte a précisé dans son allocution de bienvenue que ne pas nommer les femmes aux postes de décision, c'est encourir le risque de marginaliser les causes pour lesquelles elles se battent. Dalenda Larguèche a interpellé les représentantes du pouvoir législatif, étant «une locomotive œuvrant à la consécration des droits des femmes» et pour conforter leur positionnement sur la carte politique. Mme Larguèche a mis en avant la pertinence de l'élaboration d'un plaidoyer en faveur de réformes institutionnelles, d'un côté, et pour impacter sur les mentalités et consacrer le principe de l'égalité des chances. Vice-présidente de la Fédération internationale des droits de l'Homme, Hafidha Chekir, a centré son propos sur la percée de la femme tunisienne dans la vie politique, avec à la clef des données comparatives qui traversent les époques, depuis l'indépendance à nos jours. Ainsi, énonce-t-elle: «Si le code du statut personnel est un acquis de l'indépendance, la loi sur la parité est le fruit de la révolution». L'universitaire a insisté sur l'indispensable positionnement de la femme non seulement au niveau des postes à responsabilité, mais également dans les partis politiques. Il faut lutter contre l'ordre patriarcal dominant qui renie aux femmes l'esprit d'initiative et légitime la division traditionnelle des rôles, a-t-elle martelé. C'est à cause de cette division que l'homme a monopolisé l'espace public et politique et que la femme est restée claquemurée derrière les affaires de la famille et du foyer, tranche Hafidha Chekir, qui ajoute : «Il n'est pas envisageable de construire une démocratie sans la parité». Le mari toujours chef de famille à lui seul Répondant à la question de La Presse sur les réformes souhaitées du dispositif législatif, l'universitaire répond : «Ce qu'on demande, c'est de rendre effectives les dispositions de la Constitution en modifiant les lois existantes pour garantir l'égalité. Les lois étant imbriquées, on ne peut garantir l'égalité dans la vie politique, si ce droit fondamental n'est pas reconnu dans la famille. Si la Constitution a confirmé l'égalité de tous les citoyens et les citoyennes sans discrimination, étaye la juriste, les lois qui lui sont inférieures doivent être modifiées pour être conformes à l'esprit et à la lettre de la Constitution. Les droits humains sont indivisibles, inaliénables et interdépendants. Le code du travail, la loi de la fonction publique sont fondés sur le principe de la discrimination, l'accès aux postes de décision est entravé et l'égalité salariale non appliquée. D'un autre côté, on ne peut reconnaître aux femmes le droit d'accès aux instances politiques et en même temps maintenir le mari chef de famille». Fraîchement nommé à la tête de la Commission spéciale de la femme, le député Samir Dilou a été plusieurs fois sollicité par les présentes. Il a rappelé avoir toujours pris fait et cause pour faire respecter les droits des femmes, «ceux qui me connaissent savent mon engagement depuis toujours» et de préciser, «le blocage n'est pas là où on s'attend, les partis politiques qui se disent progressistes relèguent les femmes en seconde position». Il a toutefois tenu à signaler que les femmes tunisiennes ne peuvent gagner seules leur combat, mais avec le concours des hommes acquis à leur cause. Solidarité féminine Prenant la parole une par une, et malgré leur diversité politique, les élues ont partagé les mêmes constats, «désolants». Le premier se porte sur l'exploitation à outrance des femmes dans le militantisme de base, les campagnes électorales et les mouvements de rue pour les évincer quand vient le temps de se partager les rôles et les responsabilités. Deuxième fait signalé par les intervenantes concerne l'attribution aux femmes de départements presque exclusivement à caractère social. Sinon comment expliquer que sur la foultitude de formations politiques, très peu sont dirigées par des femmes, entre deux et trois. Et qu'en est-il de la représentativité féminine à la tête des établissements scolaires et universitaires, dans les entreprises publiques, dans les cabinets ministériels et les commissions parlementaires, sur les plateaux de télé et au sein des instances dirigeantes des syndicats...? A cet effet, les critiques ont fusé contre l'Ugtt qui prépare son Congrès, et qui vraisemblablement interdit l'accès des femmes au bureau exécutif; d'après les bruits qui courent, une seule femme pourrait y siéger. Au fil des interventions, les représentantes du peuple ont raconté leur déception, lorsqu'à l'étranger, elles sont toujours félicitées pour la «position envieuse de la Tunisienne», alors que les chiffres nationaux viennent battre en brèche cette belle image. Certaines ont considéré qu'il s'agit bel et bien du paradoxe tunisien. On connaît le nombre de défis qui lui restent à relever, malgré cela, la femme tunisienne a franchi des caps majeurs qu'il faut honorer, et si le parallèle a été fait avec le monde arabe, la comparaison est également édifiante avec des pays comme l'Inde ou le Pakistan où les femmes ont pu, il est vrai, accéder à l'investiture suprême, mais seulement par leurs titres de veuves ou d'héritières. La femme tunisienne, elle, est arrivée à escalader les marches une par une, à la force du poignet. Et même si la solidarité féminine se vérifie quand il faut faire voter des lois ou adopter des mesures qui défendent ou octroient de nouveaux droits aux femmes, lorsque vient l'épreuve de vérité et qu'il s'agit de soutenir une femme pressentie pour un poste politique ou dans n'importe quel autre domaine, les obstacles, nombreux, sont posés par les hommes, mais la virulence des collègues femmes s'est toujours constatée de fait, et la solidarité féminine dont on parle beaucoup en prend alors un sacré coup !