Si le premier critère du succès est d'être copiée, elle l'est très vite dans toutes les capitales arabes. «Bil arabi» : le label semble évident, et pourtant, il fallait y penser. Nadine Kanso s'est-elle référée, pour l'imposer, au thème de la première exposition internationale à laquelle elle était conviée au Victoria and Albert Museum : «Arabize me», ou «arabisez-moi» ? Cela pourrait être probable. En tous cas, cela définit bien la démarche atypique de cette photographe-designer de bijoux qui évolue de front sur deux supports apparemment sans aucun lien. Une démarche moderne, ancrée cependant dans un patrimoine bien assimilé, une démarche esthétique, sophistiquée, qui évolue avec un environnement en perpétuelle mutation. Nadine Kanso est libanaise et vit à Dubaï. Elle a étudié le graphic design, mais aimait la photo. «Cela a commencé à la faculté. Je faisais des photos comme support de recherches. Mais très vite, cela est devenu une passion : capturer de brefs moments de vie, leur offrir une pérennité. Saisir des portraits à l'improviste, capter un moment qui passe, l'histoire d'une vie... J'ai toujours mon appareil avec moi et je continue de le faire». C'est avec l'exposition du Victoria and Albert Museum que se créa le déclic. L'exposition avait pour thème «Arabisez-moi», et Nadine Kanso choisit d'appeler son travail «Meen Ana ?», «Qui suis-je ?» Elle présentait une série de portraits, éclectique mélange de personnalités arabes du milieu des arts et de la culture. Tous portaient une carte calligraphiée en lettres d'or, explorant l'identité arabe contemporaine. Est-ce de là qu'est venu ce désir de dessiner ces calligraphies dans l'espace des trois dimensions, ce souhait de les inscrire en lettres d'or ? Probablement. «Pour moi, le monde de la joaillerie et de la photographie se sont combinés et superposés pour devenir mon mode d'expression, ces dix dernières années. Je suis designer. Je suis un entrepreneur culturel. Ceci est mon histoire». Sans jamais renier sa passion pour la photo, continuant de travailler sur le monde en perpétuelle mutation de Dubaï, ou dans une option d'engagement socio-politique à Beyrouth, alternant photos classiques et collages, elle se crée un autre univers qui, très vite, la propulse au premier rang des designers en joaillerie. Ses lettres d'or, ses calligraphies de pierres précieuses et semi-précieuses, interprétées en bagues, bracelets et boucles d'oreilles partent très vite à la conquête de la planète mode. Si le premier critère du succès est d'être copiée, elle l'est très vite dans toutes les capitales arabes. Mais il est difficile de la rejoindre : sa créativité est foisonnante, et si ses classiques sont inimitables, elle ne cesse d'innover : émaux, graffitis, calligraphies inversées, en miroir. Depuis aujourd'hui dix années, «Bil arabi» enchaîne les collaborations avec les plus grands : Gucci lui commande une édition limitée, Vuitton l'invite à exposer ses photos, Christies met en vente ses dernières œuvres. A deux reprises, en 2013 et en 2016, elle reçoit le prix Grazia Style Award du meilleur designer en joaillerie. A Tunis, invitée par la galerie Musk and Amber, Nadine Kanso exposait son travail photographique mais aussi ses créations calligraphiques, subtil mélange de tradition et de modernité, alliage sophistiqué d'une esthétique stylisée et d'un patrimoine immémorial