Un sport vigoureux, attractif et performant représente indiscutablement le meilleur atout pour neutraliser toutes les tentations «suicidaires» qui font aujourd'hui florès. Trois médailles d'un seul coup dans une même olympiade, record absolu ! L'année à laquelle nous faisons les adieux n'a pas en fait été avare en satisfactions pour un sport tunisien qui a renoué avec l'espoir et soudainement requinqué, du moins, à l'échelle olympique. Jamais par le passé la Tunisie n'avait récolté un nombre aussi important de breloques même s'il faut admettre que l'éclat de l'or peut manquer à la moisson d'un sport. Lequel continue pourtant de subir de plein fouet les retombées post-révolution. Jamais par le passé trois disciplines différentes n'avaient été primées simultanément dans une même olympiade, et deux femmes tunisiennes n'avaient accédé au podium olympique dans une même édition. Rio s'est révélée généreuse au niveau des symboles aussi : la femme tunisienne a porté haut les couleurs du sport arabe, démentant en quelque sorte les clichés éculés et, désormais anachroniques prévalant autour de la présence de la femme dans le sport arabe. A cet égard, la Tunisie assume, dans le sport aussi le rôle d'avant-garde et de locomotive de la condition féminine dans une société arabe où le Code du statut personnel édicté dans notre pays depuis 1956 avait fait sur le coup l'effet d'un séïsme. C'est un peu dans la continuité des exploits de la Marocaine Nawal El-Moutawakel aux Jeux de Los Angeles en 1984, de l'Algérienne Hassiba Boulmerka aux Jeux de Barcelone en 1992 et de la Syrienne Ghada Chouaâ à ceux d'Atlanta en 1996 sans oublier la Tunisienne Habiba Gheribi à Londres 2012 que nos deux lauréates ont exprimé le meilleur d'elles-mêmes sur les rives de Copacabana, dans la mégapole brésilienne. Bref, elles se situent résolument dans l'avance prise par la Tunisie au niveau de l'émancipation de la femme au sein d'une société où elle occupe carrément tous les leviers du pouvoir. A l'égal de la gent masculine, mais au prix d'une lutte courageuse et sans merci de tous les jours qui lui a permis de faire céder, un à un, tous les bastions qui se refusaient jusque-là à elle. Cet aspect n'est pas, au final, le moins important quand il s'agit de dresser le bilan de 2016 qui, a contrario, a enregistré quelques grosses déceptions. Le chant du cygne Ces rendez-vous manqués avec l'histoire portent le nom de deux anciens champions olympiques en faveur desquels de gros investissements publics ont été consentis : le nageur Oussama Mellouli et l'athlète Habiba Gheribi. Aux yeux de certains, les meilleures chances tunisiennes de médaille olympique étaient passées à côté de leur sujet, irrémédiablement vaincues par le poids des ans, s'agissant de deux trentenaires appelés à rivaliser avec des tout jeunes pétillant de fraîcheur et d'ambition. Le cas notamment de Mellouli dont la reconversion dans la nage dans les grandes eaux, si elle a rapporté gros quatre ans plutôt à Londres (de l'or), n'en a pas moins montré ses limites cette année. Bref, l'âge est assassin, le poids des ans cruel, ce qu'avaient oublié beaucoup de gens, les responsables du sport en premier lieu. Dans le cas de Gheribi, les spécialistes avancent l'explication d'un mauvais programme de préparation dans la phase cruciale précédant de quelques semaines la grand-messe olympique. Sous le signe de l'instabilité On n'insistera jamais assez sur le rôle déterminant joué par la cellule de préparation olympique mise sur pied afin de rationaliser la phase précompétitive sous tous les aspects (technique, financier...). Alors qu'elle doit s'ancrer durablement dans les structures d'encadrement de l'élite, elle est tout simplement mise en veilleuse depuis les J.O. comme si son rôle s'arrêtait à Rio et qu'après les derniers Jeux, c'est le déluge. Cette hibernation pose du reste la question de la continuité et de la stabilité qui manquent cruellement au sport tunisien. A l'image de la succession vertigineuse des ministres chargés de ce secteur depuis la révolution lesquels avaient inévitablement placé le football au premier rang de leurs préoccupations. Le sport-roi demeure en effet un chantier tout le temps ouvert. L'année qui s'en va constitue le prolongement logique de toutes les scories dont il pâtit : violence récurrente aussi bien sur la pelouse que sur les gradins, chauvinisme et régionalisme primitifs, vétusté et absence d'entretien d'une infrastructure moyenâgeuse, assèchement des sources de financement sauf pour trois ou quatre clubs «dopés» par la générosité de leurs premiers responsables... Ce foot qui marche sur la tête est malade de sa législation lui interdisant de s'appuyer sur des associations qui s'apparentent à des sociétés à but lucratif. De ses dirigeants aussi incapables de voir plus haut que leur nombril et de consentir une vision servant les intérêts du sport, et non ceux étriqués de leurs propres personnes ou de leurs propres clubs. Le meilleur antidote L'année qui va commencer dans quelques heures risque de se révéler cruciale pour l'avenir d'un foot qui ne peut plus se passer de la manne providentielle de la Coupe du monde (des recettes de près de vingt millions de dinars). Il est pourtant permis de se demander si les clubs consentent l'effort nécessaire pour faire réussir le club Tunisie lequel saura, à la fin de 2017, s'il pourra aller au Mondial russe 2018. Toutefois, dès l'aube de la nouvelle année, quand un soleil blafard, celui de l'hiver gabonais, se lèvera sur la Coupe d'Afrique des nations, la bande à Kasperczak sera au révélateur continental qui constitue sans doute un avant-goût du sévère examen mondialiste. Que l'année 2017 porte chance, vigueur et tonicité au sport tunisien. Et que celui-ci ne soit pas sacrifié sur l'autel des prétendues priorités. En effet, y a-t-il meilleur remède que le sport pour prémunir nos jeunes contre le cancer du chauvinisme, de l'intolérance et, plus grave encore, du désespoir ?