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L'illibéralisme du libéralisme américain
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 01 - 2017


Hatem M'rad (*)
Fareed Zakaria, un universitaire et commentateur politique, qui anime la célèbre émission «GPS» à CNN, a écrit il y a quelques décennies un essai retentissant sur «The Rise of Illiberal Democracy» (2003), dans lequel il parlait des dérives possibles de la démocratie libérale, dans sa manière d'être appliquée dans certains pays qui confondent pluralisme électoral, démocratie et liberté. Dans les pays comme la Hongrie, la Turquie, la Russie ou les Philippines, estimait-t-il, la démocratie avançait, mais avançait seule, sans le soutien de la liberté. Il y avait dans ces pays déficit de démocratie libérale.
Notre auteur ne pensait pas, du moins jusque-là, que son diagnostic pouvait un jour s'appliquer au système américain lui-même. Il vient de se rattraper dans un article écrit il y a quelques jours au Washington Post («America's democracy has become illiberal», du 29 décembre 2016) en rapport sans doute avec la menace que risque de faire peser l'arrivée de Trump sur la démocratie libérale américaine. Une menace qui, précise-t-il, touche aussi bien les républicains que les démocrates, supporters de Trump ou ses adversaires. Elle touche tout le système politique américain.
La dynamique américaine s'appuyait ces dernières décennies sur une large ouverture de sa démocratie et sur l'efficacité du marché. Aujourd'hui, beaucoup de choses tournent de travers. Le Congrès tourne autour de lui-même. Les partis politiques ont perdu leur impact politique, ils ne se préoccupent plus que de la réussite des primaires. Les corporations et les associations ont perdu leur force morale, elles sont devenues compétitives, incertaines, peu portées vers la défense de l'intérêt général. Les médias, la seule industrie protégée par la Constitution, traditionnellement portés vers l'intérêt général et l'éducation du public, ont dévié de leur tradition. Ils sont désormais partisans et avides de scandales. Les avocats agissent, quant à eux, dans leurs propres intérêts étroits, ils ne militent plus pour les grandes causes.
Quand il a écrit son livre sur «la démocratie illibérale» en 2003, Fareed Zakaria notait que les Américains restaient tout de même respectueux envers trois institutions non démocratiques : la Cour suprême, la Federal Reserve Bank et les Forces armées. Aujourd'hui, il considère que les deux premières ont perdu de leur prestige, seule la dernière (l'armée) reste admirée par les Américains. Il conclut amèrement son article en disant : «Ce qui nous reste aujourd'hui, c'est une société ouverte, méritocratique et compétitive dans laquelle tout le monde est entrepreneur, du congressiste au comptable, se pressant toujours pour un avantage personnel. Mais comment maintenir, nourrir et préserver le bien public, la vie civile et la démocratie libérale ?». Question essentielle en effet.
Ce que ces commentaires nous suggèrent, c'est qu'aujourd'hui, le libéralisme lui-même, qui, historiquement, s'est insurgé contre la tyrannie et l'abus de pouvoir au XVIIIe siècle, risque de devenir lui-même aussi tyrannique que ses adversaires philosophiques et politiques. Surtout, si l'on pense que les tyrans au XXIe siècle sont devenus plus sophistiqués, plus subtils et plus intelligents que ceux du passé. Plutôt que d'établir un autoritarisme brutal, ils érigent une démocratie de façade et la minent de l'intérieur. Ils tiennent des élections supposées pluralistes, mais non compétitives. Ils créent des groupes d'appui, légaux ou occultes, en vue de combattre la société civile et épuiser sa résistance et sa patience. Ils adoptent des lois pour limiter ou interdire la liberté d'association et d'expression et soumettre les médias. Ils condamnent tout groupe recevant de l'argent de l'étranger comme étant un «agent de l'étranger».
Au fond, Ben Ali ne faisait pas autrement en Tunisie, même s'il était enclin à l'inintelligence de la brutalité. Une démocratie autoritaire est un non-sens. La Russie, la Turquie, l'Algérie, le Maroc, l'Egypte peuvent rentrer dans ce cadre. On tolère le pluralisme, mais la société civile est plus ou moins verrouillée selon les pays, la presse et les journalistes sont sous haute surveillance, surtout lorsqu'ils se hasardent à aller au-delà de ce que la démocratie autoritaire peut permettre. On les pousse dans le meilleur des cas à l'autocensure. Une seule personne tient le pouvoir et le régime entre ses mains. Le printemps arabe a fait lui aussi chuter les dictateurs, mais les démocrates n'arrivent pas encore à remplir le vide. Plusieurs dirigeants ont une lecture autoritaire, militaire, monarchique ou tribale de la transition. La culture démocratique fait, elle, défaut, faute de soubassements idéologiques, économiques, sociaux, culturels.
Aux Etats-Unis, la culture démocratique existe bien, elle est même bien enracinée. Mais, le pays semble à la croisée des chemins, sans doute par l'effet cumulatif du 11 Septembre, du jihadisme daechien, des migrations, de la poussée de la discrimination raciale, des exacerbations identitaires, de la montée en puissance de la Russie, de l'incapacité des dirigeants américains à résoudre les conflits internationaux les plus dramatiques. En dépit d'une croissance économique continue, l'illibéralisme les guette.
Donald Trump rentre bien dans la sphère de l'illibéralisme. L'homme croit accéder au pouvoir, comme on le fait d'ordinaire pour un fonds de commerce, en détenant l'usus et l'abusus. Riche, il se croit tout permis, pouvant tout obtenir par lui-même. En politique, c'est autrement plus compliqué. Il saura qu'il faudrait composer et faire des compromis, même avec les démocrates qu'il exècre plus qu'il n'aime la démocratie. Les démocrates ayant obtenu la majorité numérique aux élections, chose qu'il ne devrait pas négliger. Il n'aime pas les critiques. Elu président par une majorité électorale (au niveau des grands électeurs), il considère, à la manière de Jean-Jacques Rousseau, que la minorité se trompe, et qu'il ne lui reste plus d'autre choix que de rejoindre la majorité. La majorité a raison, la preuve, elle est la majorité. Elle obtient de ce fait tous les droits pour gouverner.
Trump répond du tac au tac par ses twits (par mépris de la presse), par des arguments sommaires, peu politiques, à tous ceux — gouvernements, dirigeants ou intellectuels — qui osent lui donner des leçons de bonne conduite morale, qui le poussent à se vêtir du costume d'homme d'Etat, s'il veut avoir une quelconque chance d'être crédible parmi les grands. Il menace journalistes et médias. Il boycotte déjà CNN et Washington Post, qui ont soutenu les démocrates et Hillary Clinton. Son discours est identitaire, discriminant vis-à-vis des minorités, des peuples et des Etats étrangers. Il a la volonté de s'allier, à l'échelle internationale, avec des hommes autoritaires, «respectables», tels Poutine ou Bachar, qui déconsidèrent la mollesse des démocraties libérales. On a bien affaire à un homme iconoclaste dans la politique américaine. Il ne ressemble ni aux démocrates, ni aux républicains, ni même à l'Amérique profonde, quoiqu'il reflète électoralement une bonne partie de l'Amérique d'aujourd'hui. On a affaire à un président pré-fasciste dans un pays démocratique. Ce qui est inquiétant pour la politique américaine et mondiale.
Les Etats-Unis ont toujours eu les moyens de soutenir et de propager les valeurs libérales dans le monde, dans le pur respect de leurs propres intérêts. Ils risquent avec Trump de propager l'illibéralisme, l'immoralisme, la discrimination, la haine des musulmans, la cupidité étatique. Le mandat de Trump a peu de chance d'être confortable pour lui. Les associations civiques, les élites légitimes et la presse l'attendent déjà de pied ferme. Il s'est fait un ennemi interne redoutable, qui a les faveurs des Pères fondateurs: le libéralisme démocratique.
* (Professeur à l'Université de Carthage)


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