La CAN 2012 remportée par la Zambie aux dépens de la Côte d'Ivoire n'est qu'une forme de justice divine. C'est une image inoubliable, et elle a fait le tour des télévisions : on y voit un Hervé Renard déchaîné, qui débute sur le pré vert de Libreville un haka au milieu de ses joueurs. Alors que depuis quelques instants, les fous rires succèdent aux larmes dans les rangs zambiens, le Savoyard bondit tel un félin, comme s'il était délivré d'un poids immense. Puis il court vers l'entrée de la tribune officielle et étreint un homme costumé : Kalusha Bwalya, son président de Fédération, l'homme qui a cru en lui à deux reprises : en 2008 et en octobre 2011 quand il l'a rappelé. Il y a quelques minutes, les Chipolopolos de Zambie ont réussi l'impensable : remporter leur première Coupe d'Afrique des nations, aux tirs au but, face au grand favori de cette édition, la Côte d'Ivoire de Didier Drogba. Pendant ce tournoi co-organisé par le Gabon et la Guinée Equatoriale, les Ivoiriens ont marché sur l'eau. Jusqu'à la finale, ils n'ont encaissé aucun but en cinq rencontres, pour autant de succès. François Zahoui, le sélectionneur des Eléphants, a rappelé en conférence de presse que l'équipe est venue avec «beaucoup d'humilité» après des éliminations précoces en 2008 et 2010. Habitée par une force mystique, quasi religieuse ! La Zambie est en mission. Habitée par une force mystique, quasi religieuse. Elle a débuté le tournoi en Guinée Equatoriale avant de rejoindre le Gabon à partir des quarts. Le grand public ne le sait pas, mais les joueurs et encadrants sont habités par le souvenir du crash du vol 319 de la Zambian Air Force, le 27 avril 1993. L'avion s'était écrasé à 500 mètres des côtes gabonaises et fit vingt-cinq victimes parmi la délégation : l'ensemble de la sélection nationale, surnommée «Kenneth Kaunda's Eleven» (le onze de Kaunda ou KK XI, du nom du président de la République) qui se rendait à Dakar pour y affronter le Sénégal. La veille de la finale, le facétieux Renard a lâché, mystérieux : «On peut perdre une CAN sans avoir encaissé de but». Un message déguisé à l'attention des Ivoiriens, qui paraissent irrésistibles avant le coup d'envoi. Quand l'arbitre sénégalais Diatta siffle l'engagement, à 20h26, une fine pluie tombe sur le quartier d'Angondjé, celui du stade. Après moins de deux minutes, la Zambie teste Copa Barry, sur une frappe de la révélation Nathan Sinkala. La perte du stoppeur Joseph Musonda, blessé et réconforté par Drogba à sa sortie, oblige Renard à un changement au bout de dix minutes. Enfin réveillés, les Ivoiriens confisquent le ballon. Mais la discipline tactique des Zambiens (qui alignent sept joueurs sur onze basés en Afrique) en phase défensive est exceptionnelle. A la pause, les Ivoiriens constatent que l'os zambien sera difficile à ronger. En seconde période, la Zambie décide de ne plus procéder par contres. Les Eléphants poussent toujours plus. A la 70e, Drogba obtient un penalty qu'il veut transformer. Hélas, il expédie le ballon hors du cadre alors que Mweene était pris à contre-pied! Son deuxième raté après celui qu'il avait également manqué quelques jours plus tôt contre la Guinée Equatoriale en quart. Les Chipolopolos s'enhardissent et finissent fort cette deuxième période, contraignant l'adversaire à la prolongation. Drogba perd un nouveau duel avec le gardien (92e) tandis que Chris Katongo a lui aussi l'occasion de marquer, mais Copa Barry dévie sa frappe sur le poteau (95e). Aucun but ne sera inscrit pendant ces trente minutes supplémentaires, et le stade, comme s'il avait senti les choses, chante «Chipolopolo». Les Ivoiriens prient en cercle tandis qu'à côté d'eux, les Zambiens parlementent pour déterminer les tireurs. Kolo Touré et Gervinho échouent, comme Kalaba côté zambien. Le dix-huitième penalty est pour Stoppila Sunzu, le défenseur central et cadre de Renard : il donne la victoire (8-7). Les Ivoiriens s'effondrent, la fête débute un peu partout en Zambie et elle va durer quelques jours. 2012 sera le premier triomphe de Renard dans une CAN : il récidivera en 2015 avec... la Côte d'Ivoire, en Guinée Equatoriale, devenant ainsi le premier sélectionneur à remporter la compétition avec deux nations différentes.