Chokri Belaïd a besoin de plus d'une place baptisée en son nom pour être honoré et les Tunisiens ont besoin de connaître toute la vérité sur son assassinat pour pouvoir combattre le terrorisme Les années se succèdent et le secret qui entoure l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd s'épaissit de plus en plus, et ce, en dépit des preuves de plus en plus nombreuses et de plus en plus convaincantes, d'après les affirmations récurrentes de l'équipe de défense du martyr qui réitèrent leur accusation « de manipulation du dossier » à l'endroit du juge d'instruction du bureau n° 13, promu procureur de la République il y a quelque temps. La promotion serait obtenue en récompense des services rendus, selon les avocats, les camarades ainsi que la famille du martyr. Ce qui aiguise encore la détermination de ses camarades du Parti unifié des patriotes démocrates, dont il était le premier secrétaire général, et du Font populaire, dont il était l'un des fondateurs et leaders, comme ils l'ont démontré samedi dernier sur l'avenue Bourguiba où ils ont commémoré la quatrième année de son assassinat. Commémoration, certes sous le signe du recueillement, mais surtout de l'indignation qui se manifestait à travers les slogans scandés et incriminant expressément, comme depuis toujours, les dirigeants du mouvement Ennahdha auquel on impute l'entière responsabilité politique, morale et même pénale. Par leur détermination, qui se manifeste notamment à travers les sit-in qu'ils observent tous les mercredis, depuis des années, devant le ministère de l'Intérieur pour réclamer la vérité sur l'assassinat de leur leader, les militants du FP concrétisent les mémorables propos du martyr : « S'ils m'assassinent, je leur rendrai la vie encore plus dure ». Identification des commanditaires Donc, plus le temps passe, plus l'indignation et la détermination grandissent, et ceux qui misent sur l'oubli perdront à coup sûr leur pari, car le temps donne raison aux indignés et rend d'autant plus urgent la découverte de la vérité d'autant que la situation empire à tous les niveaux depuis ce premier assassinat politique perpétré par des Tunisiens sur le sol national, comme l'affirment les leaders du FP dont son porte-parole Hamma Hammami et Zied Lakhdhar. C'est la condition sine qua non du déblocage et l'amélioration de la situation dans le pays, notamment sur le plan sécuritaire. C'est pourquoi les militants du Pupd et du FP ont choisi comme slogan pour cette quatrième commémoration : « On n'oubliera pas... On poursuit la lutte pour découvrir la vérité et lutter contre le terrorisme ». Rien ne sera plus comme avant le 6 février 2013 et il sera difficile à la Tunisie d'évoluer ou de connaître la paix et la prospérité tant que les commanditaires, et non seulement les exécutants et hommes de main, ne sont pas identifiés. Comment est-il possible pour une société humaine de vivre en toute quiétude alors qu'elle comprend en son sein des personnes soupçonnées de terrorisme qui circulent librement et qui, de surcroît, occupent des postes politiques importants ? Est-ce avec l'impunité que l'on compte réconcilier les Tunisiens entre eux ? L'assassinat de Chokri Belaïd restera une plaie béante qui ne cicatrisera que lorsque la mémoire du martyr sera honorée par l'émergence de la vérité et la condamnation de ses « assassins politiques ». Il s'agit là d'une exigence qui émane non seulement de ses camarades, mais aussi de la plupart des Tunisiens, que ce soit ceux qui ont participé à ses funérailles, qui l'ont accompagné à sa dernière demeure, ou bien les autres, tous les autres qui l'ont pleuré, à l'exception de ceux qui ont payé des miliciens pour perturber cette cérémonie d'adieu et terroriser ces citoyens sidérés mais indignés et déterminés, et ce, en incendiant des véhicules garés près du cimetière et en procédant à des actes de rapinerie. Le vrai hommage L'oubli est banni. Ces crimes abominables resteront gravés à jamais dans les annales de la Tunisie. Chokri Belaïd a prévu tout cela, il a vu venir le crime. N'a-t-il pas appelé à l'organisation d'un congrès national pour la lutte contre le terrorisme ? N'a-t-il pas mis en garde contre ce qu'il appelait les « cheikhs du mensonge et de la discorde» locaux et étrangers qui jouissaient d'une protection inconditionnelle de la part de la Troïka ? Mais, pendant qu'il tirait la sonnette d'alarme, qu'il invitait les Tunisiens à se mettre debout pour la Tunisie et qu'il insistait sur le caractère sérieux de la menace qu'il encourait, les autorités de l'époque faisaient la sourde oreille et voyaient dans ces mises en garde une exagération et même une islamophobie. Et on se rappelle très bien comment, au lieu de sévir contre les extrémistes et les milices qui envenimaient le climat social par leurs discours intimidants, le ministre de l'Intérieur, qui est le premier responsable de la sécurité des Tunisiens et de la sûreté nationale, Ali Laârayedh, s'est lancé dans une diatribe contre le martyr, l'accusant d'être derrière les événements de la chevrotine de Siliana, alors qu'il se trouvait au Maroc où il était invité à un congrès d'un parti de gauche. Quatre ans après cet assassinat politique, la situation sécuritaire dans le pays ne s'est pas améliorée. Pire, elle se complique davantage avec le retour des terroristes des zones de tension. Le martyr de la Tunisie ne l'a-t-il pas prévu ? En fait, il n'est pas devin, mais il a tout simplement tiré des conclusions d'une situation objective bien déterminée. Et malheureusement, cette situation existe encore et toujours. Chokri Belaïd a besoin de plus d'une place baptisée en son nom pour être honorée et les Tunisiens ont besoin de connaître toute la vérité sur son assassinat pour pouvoir combattre le terrorisme. La vérité est le gage de la confiance et donc de la paix sociale et de la prospérité. Alors, « on n'oubliera pas... On poursuit la lutte pour découvrir la vérité et lutter contre le terrorisme »...