Le 6 février 2013, souvenons-nous, c'était un mercredi noir, le leader militant Chokri Belaïd, fondateur du Front populaire et secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu), était tombé en martyr devant son domicile à El Menzah. Des coups de feu mortels tirés par des terroristes l'ont atteint dans sa chair, entraînant, ainsi, deuil national et désordre général. Mais, depuis, l'affaire de son assassinat fait encore du surplace. Ses camarades, ses sympathisants et ses alliés frontistes n'ont jamais cessé de manifester, chaque mercredi, à l'avenue Bourguiba, cherchant désespérément à connaître la vérité et rien que la vérité sur les auteurs inculpés. Trois ans bientôt passés, et la mémoire est aussi vivace. A deux jours de l'anniversaire de sa mort, son parti d'origine, le Ppdu et tous ses alliés au sein du Front populaire à obédience gauchiste s'apprêtent à célébrer la commémoration, sur un ton résistant. Lors d'une conférence de presse tenue, hier matin à l'occasion, ils ont juré de ne pas lâcher prise jusqu'à ce que justice soit rendue. Et que la vérité des faits soit, complètement, dévoilée. Un appel a été aussi lancé pour que le 6 février de chaque année soit la journée nationale de lutte contre le terrorisme et l'assassinat politique. Ainsi, une pétition est proposée pour signature dans la perspective de faire de la date de l'assassinat de Belaid un événement de portée historique, à bien des égards. Atteinte à l'image du Front Successeur consensuel à son leader disparu à la tête du secrétariat général du Ppdu, Zied Lakhdhar était tout feu tout flamme, réitérant la détermination du parti à aller jusqu'au bout dans son militantisme, en signe de fidélité à tous les martyrs de la liberté et de la démocratie. Son combat contre « les forces rétrogrades et obscurantistes », s'indigne-t-il, ne va pas céder à la récente campagne calomnieuse farouchement orchestrée à l'encontre du parti et de toutes les composantes du Front populaire. Force est de constater, à l'en croire, qu'il y a un dessein malintentionné visant à porter atteinte à l'image du Front accusé d'avoir manipulé les derniers mouvements de protestation des sans-emploi qui viennent de secouer toutes les régions du pays. M. Lakhdhar a jugé mensongères de telles allégations qui ne sont, selon lui, qu'une tentative de dénigrement voulant diaboliser tous les militants frontistes. Et de riposter vivement : « On n'y renonce guère. On est, plus que jamais, déterminés à poursuivre notre projet démocrate progressiste vers l'édification de la République sociale-démocrate... ». Car, reprend-il, l'Etat n'a plus de prestige en dehors du respect de ses citoyens et la réponse à leurs besoins. Son camarade Hamma Hammami, porte-parole du Front, est, lui aussi, sur la même lancée, faisant part d'insistance et de persévérance, afin que la vérité soit démasquée sur les circonstances de l'assassinat de Belaïd, ainsi que celui des militants du Front, à savoir Mohamed Brahmi, Mohamed Belmofti et Majdi Ajlani. Dénonçant la campagne attentatoire à l'image du parti, il n'a pas hésité à pointer du doigt le parti islamiste au pouvoir, Ennahdha, l'accusant d'être impliqué aux côtés de la troïka dans le meurtre de Belaïd. Du moins, lance-t-il, leur condamnation est d'autant plus morale que politique. Et d'ajouter qu'une telle coalition actuellement au pouvoir (Ennahdha et Nida) ne peut rien apporter de nouveau à l'affaire Belaïd. Et encore moins à l'enquête judiciaire encore inaboutie, voire politiquement manipulée. M. Hammami a relevé que le dévoilement de la vérité sur l'assassinat de Belaïd demeure le sésame d'une véritable stratégie de lutte antiterroriste qui tarde à venir, mais aussi la clé de voûte de la transition démocratique dans son ensemble. « A cette vérité, on y arrivera à tout prix », insiste-t-il. « A tous les auteurs de ladite campagne de diffamation venant du haut du sommet de l'Etat et de certains journalistes instrumentalisés et payés pour ça, nous disons que notre sang n'est guère plus cher que celui de nos martyrs », invoque-t-il, sur un ton de colère. Militant du PPDU élu à l'ARP, Mongi Rahoui est revenu sur le fait de décréter le 6 février une journée nationale de lutte antiterrorisme. Il ne va pas par quatre chemins pour accuser, ouvertement, Beji Caïd Essebsi d'être derrière ladite campagne fomentée contre son parti et les leaders du Front. C'est que ce dernier vient, tout récemment, de les radicaliser, suite aux rumeurs colportées selon lesquelles le Front a procédé à la manipulation des manifestations pacifiques survenues dans les régions. M. Rahoui s'est, également, adressé au chef de l'Etat, lui disant que ses promesses électorales quant à la découverte de la vérité du crime odieux perpétré contre Belaïd sont trompeuses. De fait, il a plaidé pour l'institution d'une journée nationale contre le terrorisme et l'assassinat politique qui soit célébrée le 6 février de chaque année. Pour ce faire, il a appelé tous les partis de l'opposition et toutes les forces vives de la société civile de s'engager à signer la pétition mise à disposition. On fait volontairement traîner l'enquête Prenant la parole, le membre du comité de défense de l'affaire de Chokri Belaïd, maître Nizar Snoussi, a traduit le laxisme politique à des faits juridiques. Ses critiques ont été lancées envers le ministère public qui, selon lui, ne cesse de faire traîner l'enquête judiciaire en question, dans une tendance de disloquer le dossier, afin de camoufler la vérité. Il a déclaré que la révocation de M. Mohamed Salah Ben Aïssa, ancien ministre de la Justice, était, probablement, à cause d'une correspondance envoyée, à ce sujet, au ministère public, dans laquelle le ministre lui a ordonné de demander au juge d'instruction de clôturer l'enquête et d'adresser des accusations aux suspects. Pour Me Snoussi, le ministère public n'est plus aux côtés des victimes, il joue l'adversaire. Volet célébration, la commémoration aura lieu du 6 au 8 de ce mois. A commencer, ce samedi, par un sit-in à la place du martyr Chokri Belaïd à El Menzah VI, où une gerbe de fleurs sera déposée sur la scène du crime. Ensuite, l'inauguration de la place du martyr, ex-place de la fidélité, près du technopôle El Ghazala, avant qu'une conférence politique n'ait lieu en début d'après-midi. Dimanche 7 février, rendez-vous à 10 du matin, au cimetière du Jallez, où il y aura un rassemblement populaire. Dans l'après-midi, une manifestation culturelle se tiendra à l'avenue Bourguiba, sur le thème « Belaïd, don de vie ». Le lendemain matin, « la journée du martyr » qui sera organisée en présence de la famille du défunt, ses camarades, les leaders et les élus du Front, des personnalités nationales et des organisations civiles. Le tout pour que le 6 février devienne une journée de lutte antiterrorisme et de l'assassinat politique.