Derrière les apparences et la réputation d'un pays qui a aboli l'esclavage depuis le 23 janvier 1846 (171 ans), la Tunisie a été identifiée comme «pays source, de destination et, potentiellement, de transit de la traite des êtres humains» Longuement débattue et adoptée à l'Assemblée des représentants du peuple, la loi sur la lutte contre la traite des personnes est officiellement entrée en vigueur le 12 août 2016. Hier, c'est au tour de l'instance du même nom de voir le jour en vertu de l'article 46 de la loi. Composée de 16 membres issus de milieux différents, l'instance agira sous l'autorité du ministère de la Justice, sous la présidence de la magistrate Raoudha Laâbidi. «L'instance aura pour principal objectif d'élaborer une stratégie de lutte contre la traite des personnes en Tunisie». En fait, ce n'est pas la seule mission de l'instance dont les prérogatives sont détaillées par l'article 46, parmi lesquelles la «collecte des informations, des données et des statistiques relatives à la lutte contre la traite des personnes pour créer une base de données qui sera exploitée dans l'accomplissement des missions qui lui sont dévolues». Ghazi Jeribi, ministre de la Justice, ajoute que l'instance devra protéger les enfants et les femmes de l'exploitation des réseaux de trafic humain». Des catégories vulnérables qui sont souvent les premières victimes. Saluée par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), l'adoption de cette loi et la mise en place de l'instance sont une avancée majeure qui permet à la Tunisie de s'inscrire dans la lutte mondiale contre la traite des personnes qui touche 800.000 individus à travers le monde. 82 victimes entre 2012 et 2016 Désormais, la loi tunisienne définit le phénomène comme étant «le recrutement, le transport, le transfert, le détournement, le rapatriement, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par le recours ou la menace de recours à la force ou aux armes ou à toutes autres formes de contrainte, ou d'enlèvement, de tromperie, d'abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation, quelle que soit la forme, que cette exploitation soit commise par l'auteur de ces faits ou en vue de mettre cette personne à la disposition d'un tiers. L'exploitation comprend l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou la mendicité, le prélèvement total ou partiel d'organes, de tissus, de cellules, de gamètes et de gènes ou toutes autres formes d'exploitation». Dans un document publié en juillet 2016, l'OIM affirme qu'entre 2012 et 2016, elle a pu recenser 82 victimes en Tunisie. Pour la plupart, ils sont issus d'Afrique subsaharienne, notamment de Côte d'Ivoire. Selon l'OIM, ces victimes ont été «exploitées dans la servitude domestique en Tunisie». La dernière étude sur le sujet, menée conjointement entre le gouvernement tunisien et l'OIM, remonte à 2013. Ses conclusions sont surprenantes. Derrière les apparences et la réputation d'un pays qui a aboli l'esclavage depuis 171 ans (23 janvier 1846), la Tunisie a été identifiée comme «pays source, de destination et, potentiellement, de transit de la traite des êtres humains». Pour le ministre de la Justice, Ghazi Jeribi, le cadre juridique est certes nécessaire mais il n'est pas suffisant. Il met tout le monde devant ses responsabilités. «Il faut que les actions menées au niveau des ministères soient effectives», a-t-il déclaré hier. En outre, il promet de «mettre à la disposition de cette instance tous les moyens nécessaires pour lui permettre d'accomplir sa mission efficacement et dans les meilleures conditions».