Un sélectionneur se revendique en tant qu'un bon utilisateur de joueurs. Mais aussi le garant de meilleures conditions de réussite dans un registre différent de celui des clubs... La dernière participation de l'équipe de Tunisie à la CAN a prouvé qu'en dépit de certains éclairs, elle est toujours dans l'incapacité de s'imposer et d'imposer son jeu. Ce qu'elle n'a pas réussi à réaliser, et encore moins à obtenir, reflète cette inaptitude à se démarquer de tout ce qui se fait en dehors du terrain. Kasperczak a finalement parlé des coulisses et de tout ce qui a fait couler beaucoup d'encre avant le match contre le Burkina Faso. L'on sait, et cela n'est pas nouveau, que ce qui se conçoit autour de la sélection n'est pas souvent moral. Il héberge, voire chérit, des parties emblématiques. Certaines injustices, notamment celles liées au choix des joueurs et des approches tactiques, aussi approximatives soient-elles, participent aussi à lui donner une certaine insipidité. Au-delà des interrogations qui ont accompagné l'élaboration de la liste des 23 pour la CAN, des objectifs et attentes rarement atteints, au-delà aussi de l'incapacité de certains joueurs à s'imposer, ou encore à justifier leur place, ce sont les critères que le sélectionneur a pris en considération pour former sa liste. Un sélectionneur se revendique en tant qu'un bon utilisateur de joueurs. Mais aussi le garant de meilleures conditions de réussite dans un registre différent de celui des clubs. Une place en sélection nécessite, en effet, un statut et une vocation complètement différents. Jouer en équipe nationale, et de surcroît, dans une épreuve aussi contraignante que la CAN, ne ressemble pas beaucoup, sinon pas, à la compétition nationale. Selon Kasperczak, l'une des principales défaillances de la sélection est essentiellement liée à l'absence de joueurs capables d'évoluer dans le haut niveau. S'il fait la comparaison avec l'Algérie et le Burkina Faso, dont la plupart des joueurs évoluent dans des championnats européens relevés, il semble oublier qu'il assume pleinement la responsabilité du choix des expatriés, et tout particulièrement ceux préférés aux joueurs locaux. Selon lui, la différence a été faite à ce niveau : fragilité physique due essentiellement à l'absence de temps de jeu de la plupart des joueurs dans leurs équipes respectives, ainsi que le niveau de la compétition nationale qui est loin de répondre aux normes et aux exigences du haut niveau. Les défaillances de la sélection ont pour noms manque d'efficacité, de maîtrise du temps et de l'espace, de revendication à la fois collective et offensive du jeu. Mais il oublie d'ajouter que chaque formule, chaque phrase de jeu ne relèvent pas de simples sentiments. C'est une notion exigeante et combative pour laquelle il n'a pas su trouver le profil de joueurs indiqués, et encore moins les dispositions tactiques et stratégiques les plus adéquates. Pas de piste à creuser Dans la qualité du jeu préconisé, le niveau technique entrevu, il n'y a pas visiblement de piste à creuser au sein de la sélection et dans le jeu qu'elle revendique. Au-delà de l'aspect physique, l'équipe de Tunisie manque cruellement de réflexion. Elle n'a ni modèle, ni fond de jeu à développer. Le football est un sport qui vit et qui s'améliore au quotidien. C'est l'accomplissement de tout un état d'esprit. La politique d'enfermement au football national dans laquelle s'est réfugié le sélectionneur renvoi l'image d'un football coupé et en manque d'implication et de mobilisation. Que peut-on attendre de joueurs qui de par leur comportement et leur rendement sur le terrain laissent rarement entrevoir un sentiment d'appartenance à un groupe, à un pays ? On ne fait plus honneur à une institution qu'on semble de plus en plus gâcher sans y prendre garde. On s'en éloigne de plus en plus. Mais ce n'est malheureusement pas une surprise. D'une étape à l'autre, la sélection se laisse entraîner dans une spirale à multiples facettes : sportive, morale, éthique, humaine. Et c'est dans les coulisses ouvertes à tous les vents auto-protecteurs que cela se passe. Avec ou sans Kasperczak, elle est toujours bloquée au stade absurde d'une starification inutile des joueurs. Autant que cette perte sèche, c'est l'enclenchement pernicieux d'un mécanisme incontrôlable qui semble de plus en plus inopportun. Au fil du temps, tout ce qui se conçoit est devenu une crainte avérée selon l'angle de vue à géométrie variable. Plus encore : elle est loin d'inviter à rêver. Si elle perd de plus en plus de leader sur le terrain, elle n'a plus de modèle sur lequel elle peut s'identifier. Laissés à leur propre compte, certains joueurs essaient de faire de leur mieux, voire encore plus, mais le bricolage a ses limites. L'idée ne vient pas seulement de la dernière participation à la CAN. Face aux contraintes et aux aléas d'un football pratiquement dénaturé, la sélection a oublié de progresser. Ses joueurs et son entraîneur perdent de plus en plus l'envie. Ils n'ont plus le même entrain et la même passion. Les dérapages successifs désavouent les valeurs et les principes d'une équipe nationale qui a un nom, une histoire. Nous sommes passés des acteurs, qui en étaient les artisans des différents exploits, à ceux plutôt préoccupés par les considérations personnelles et la plupart du temps extra-sportives. Ceux qui n'ont plus justement des liens de cœur avec la sélection. Pire que les défaillances et les manquements, c'est la manière avec laquelle on gère les carences et les transgressions qui inquiète le plus. Surtout quand on réalise que les différents responsables, parachutés ou pas, ne réagissent pas toujours à ce qui s'est passé lors de la CAN. Au fait, ils n'ont pas visiblement une idée suffisante de ce que peut et doit représenter une équipe nationale...