Aujourd'hui, la commission parlementaire d'investigation sur les réseaux de recrutement et d'envoi des terroristes en Libye, en Irak et en Syrie tient sa première réunion pour définir son programme d'action. La commission sera présidée par la députée nidaïste Leïla Chettaoui, initiatrice du projet de création de ladite commission Il est communément ou presque admis que la création d'une commission d'enquête signifie qu'on a décidé d'enterrer l'affaire pour l'éclaircissement de laquelle on a constitué la commission. Il est aussi connu qu'une commission d'enquête portant généralement le nom de son président vaut par la crédibilité, le rayonnement, le poids politique de ce même président. Il est également de notoriété que le choix du président d'une commission quelconque traduit la volonté des créateurs de la même commission soit de faire réussir les travaux de la commission en question, soit de torpiller avec tous les moyens possibles les travaux de la même commission et de faire en sorte qu'elle produise un rapport qui n'aura pas de suite. En Tunisie, beaucoup de citoyens pensent que la création des commissions d'enquête parlementaire ou gouvernementale a fait son apparition après la révolution quand l'Assemblée nationale constituante (ANC) a décidé en avril 2012 la formation d'une commission d'investigation sur les actes de violence perpétrés le 9 avril 2012 sur l'avenue Habib-Bourguiba à l'occasion de la célébration de la fête des martyrs tombés sous les balles de l'armée coloniale le 9 avril 1938, sur la même avenue qui s'appelait à l'époque l'avenue Jules-Ferry. En réalité, les commissions d'investigation datent de l'époque Bourguiba et la plus médiatisée reste celle créée en 1984 pour enquêter sur la compromission de l'ancien ministre de l'Intérieur Driss Guiga, accusé de négligence, ce qui a été derrière la révolte du pain. Cette commission a été présidée par Ridha Ben Ali, ministre de la Justice du gouvernement de feu Mohamed M'zali, et a rendu un rapport incriminant Driss Guiga et le rendant responsable de la révolte du pain. Mais pourquoi rappelle-t-on toutes ces données sur l'historique des commissions d'investigation créées en Tunisie après avoir coûté à l'Etat tant de milliers de dinars ? La commission Chettaoui, aujourd'hui à l'œuvre La raison est toute simple : aujourd'hui jeudi 2 mars 2017, sera annoncé le démarrage de la commission d'investigation parlementaire sur les réseaux de recrutement et d'envoi des jeunes Tunisiens aux foyers de tension en Irak, en Libye et en Syrie. La commission composée de 22 membres, dont sept nahdhaouis et sept nidaistes, tiendra aujourd'hui sa première réunion pour élire sa présidente, la députée nidaiste Leïla Chettaoui, à qui revient l'initiative de la création de ladite commission. Elle confie à La Presse : «Mon élection à la tête de la commission est le fruit d'un consensus entre les partis qui y sont représentés, en premier lieu Ennahdha et Nida Tounès. Aujourd'hui, nous aurons à définir le programme d'action de la commission, ainsi que la méthodologie à suivre dans le but de mener à bon port nos investigations». La commission disposera-t-elle des moyens logistiques nécessaires pour mener ses investigations ? En d'autres termes, les membres de la commission auront-ils suffisamment de voitures pour sillonner le pays et aller interroger les prétendus recruteurs des «jihadistes» retranchés dans les coins les plus éloignés du pays ? «On n'en est pas encore là, fait remarquer la présidente de la commission, la seule certitude qu'on a maintenant est bien la promesse de Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée des représentants du peuple, qui nous a assuré qu'il mettra à notre disposition tous les moyens pour nous faciliter la tâche». Restent deux interrogations. La première concerne le financement des travaux d'investigation que la commission aura à effectuer. Dans le règlement intérieur de l'Assemblée, il n'existe aucune disposition relative aux crédits qui seront mis à la disposition des commissions parlementaires d'investigation. Ce qui revient à dire que les membres d'une commission d'enquête quelconque payeront de leur poche s'ils décident de se déplacer dans le cadre de leur mission. Et quand on sait que nos députés ne sont pas très satisfaits des primes qu'ils perçoivent (ils viennent de soumettre au bureau de l'Assemblée une série de revendications matérielles qui ont suscité l'indignation des Tunisiens), on peut douter des déplacements qu'ils auront à faire à l'intérieur du pays. La deuxième interrogation concerne le délai imparti à la commission pour rendre son rapport. Là aussi, c'est le silence total. Donc, le rapport final de la commission pourrait prendre des mois et des mois.