Sidi Abdallah fait partie de ces saints soldats dont les mausolées jalonnent les côtes tunisiennes. Comme Sidi Bou Hadid, Sidi Slimane ou Sidi Mahresi, leurs zaouïas fonctionnaient aussi comme postes d'observation avancés des ennemis de l'Islam arrivant naguère par- delà les mers. Niché dans le Vieux fort d'Hammamet (tout près de la place du Paradis), donnant sur la Méditerranée, le mausolée de Sidi Abdallah, également protecteur des pêcheurs, a été récemment restauré par les soins de la municipalité de la ville. Le lieu, bien que de dimension plutôt réduite, résume l'architecture d'Hammamet: sa blancheur, ses voûtes croisées, ses coupoles, ses ouvertures sur l'extérieur, ses terrasses aux banquettes maçonnées, caressées par l'air marin… L'initiative de la municipalité de le convertir en un espace d'art et de culture est un choix bénéfique pour la ville des jasmins, qui manque sensiblement de lieux de loisir intelligents. Plutôt que de céder aux offres et sollicitations des commerçants de tous genres, les autorités municipales ont préféré ''confier'' Sidi Abdallah à l'Association In Art, qui est chargée de son animation et de sa gestion depuis la réouverture du mausolée le mois d'avril dernier. In Art est une association culturelle qui réunit les artistes d'Hammamet et leurs amis, philosophes, historiens, archéologues et autres Tunisiens et étrangers installés dans la petite ville du Cap Bon. Les membres actifs qui la dirigent aujourd'hui, parmi lesquels Noureddine Kridis, philosophe, et Dalel Tangour, Baker Ben Fradj et Najib Mrad, plasticiens, sont en train de réfléchir à un concept pour rendre hommage à l'ancien président de l'association, feu Abderrazak Sahli, le peintre hammamétois, disparu il y a un peu plus d'une année et dont la notoriété a dépassé nos frontières nationales. Un vœu: baptiser l'espace au nom de Abderrazak Sahli L'association a déjà organisé deux expositions. La première inaugurale de l'espace Sidi Abdallah a rassemblé une dizaine d'artistes confirmés, natifs de la ville des jasmins et leurs amis. Avec l'exposition «Blanc sur blanc», qui s'y déroule jusqu'à la fin du mois, on a élargi le cercle des participants. Des jeunes, des artisans, des amateurs, tous vivant et y travaillant, ont joint leurs rangs à des artistes plus confirmés, tels Baker Ben Fradj, Dalel Tangour et Mohamed Fnina. A travers la thématique du blanc, degré zéro de la couleur pour certains, couleur d'origine pour d'autres, mais aussi expression de la pureté, de la naissance des choses, de la fête et du deuil, tous, vingt-deux artistes, en tout, ont exploré différentes techniques et matières: photo, peinture acrylique, gravure, broderie, sculpture, matière végétale, céramique, verre, collage…Les volumes architecturaux d'Hammamet éclatant de blancheur sous le soleil de midi reviennent comme un leitmotiv dans l'expo, notamment dans l'œuvre toute en transparence de la photographe contemporaine Dalel Tangour. Certes, l'Association In Art compte également rendre hommage à un autre peintre au talent immense et à la créativité tellement colorée et fertile, décédé il y a une année, et dont la magnifique demeure hammamétoise était toujours ouverte aux artistes de tous bords. L'exposition sur Ali Ben Salem, les membres d'In Art veulent la faire éclater sur plusieurs lieux. Elle partirait de sa maison pour rejoindre l'espace Sidi Abdallah et déboucher sur le Centre culturel international. Mais en attendant de recevoir des équipements plus adéquats pour les manifestations d'arts plastiques — un éclairage et un accrochage appropriés font actuellement défaut —, les animateurs de Sidi Abdallah ont dans l'idée de l'ouvrir à d'autres types d'événements, tels des concerts de musique spirituelle, des projections de films sur des thématiques rappelant le lieu et la ville, des visites guidées dans les ateliers d'artistes d'Hammamet à partir du mausolée… Mais le vœu le plus cher de cette équipe à l'enthousiasme débordant reste de formuler autrement leur amour à Abderrazak Sahli, dont l'humanisme, l'œuvre et la personnalité pèsent toujours sur tous ceux qui l'ont approché, en baptisant l'espace au nom de l'artiste…