Depuis son démarrage le 8 mars, la 17e édition du «Cinéma de la paix ?», organisée cette année sous «le signe de la bêtise humaine», a drainé de nombreux cinéphiles quotidiennement, et ce, jusqu'au 11 mars. Réputés depuis des années glaçants, poignants, voire «durs», les films finement sélectionnés parviennent à retourner les spectateurs. Deux ont particulièrement retenu l'attention... «Paradis : amour», tel était le titre alléchant d'un film programmé dans l'après-midi du vendredi. Réalisé par Ulrich Seidl et sélectionné en compétition officielle du festival de Cannes en 2012, il s'agit d'un long-métrage autrichien de 2 heures qui entraîne le spectateur dans les décors paradisiaques du Kenya, et le pousse à suivre les traces de Teresa, une blonde potelée, quinquagénaire. Cette dernière n'est pas sur place que pour passer ses vacances d'été, son objectif ultime était de... trouver l'amour sur les plages de cette destination de rêve. Manque de pot, elle se trouve convoitée par une horde de Kényans dont le seul but est de subvenir à leurs besoins : la dame se heurte à la réalité, l'amour ne se vit pas au Kenya, il se vend. Durant la découverte de ce tout premier volet d'une longue trilogie intitulée «Paradis», le spectateur réalise à quel point le titre peut être trompeur. Ulrich Seidl nous relate l'histoire d'une Autrichienne partie se débarrasser de la monotonie de son quotidien sous les Tropiques en cherchant naïvement l'amour et à se faire désirer. Cette même monotonie a été ressentie par le spectateur qui, durant deux heures, finit très vite par se faire engloutir par le rythme lent, et plat, dénué de rebondissements. Ce film peut être pesant, et dur : il esquisse, en effet, une réalité gangrenée par la misère et le racisme. La misère affective et financière y est bien représentée, mais le long-métrage demeure froid, cru et multiplie les séquences chocs sans aucune valeur ajoutée. «Paradis : foi» et «Paradis : espoir» sont les deux autres volets de la trilogie d'Ulrich Seidl. Difficile de tenir le rythme après la découverte mitigée du premier opus. Par ailleurs, la veille, «Le cinéma de la paix ?» nous a offert la possibilité de découvrir Berlin à travers les yeux de Jan-Ole Gergster et son déroutant «Oh boy». Dans ce long-métrage, les spectateurs font la connaissance de Niko, un jeune berlinois d'une trentaine d'années (divinement interprété par Tom Schilling). Eternel rêveur, il s'apprête à vivre les vingt-quatre heures les plus tumultueuses de son existence, filmées en noir et blanc. Sa copine se lasse de ses indécisions, son père lui coupe les vivres et un psychologue le déclare «émotionnellement instable». Et le sort continue de s'acharner sur lui... Niko vit ses derniers instants d'insouciance : il revoit son père, qui entretient avec lui des rapports distants depuis ses deux ans et qui décide brusquement de lui couper les vivres. Le jeune homme se retrouve face à une succession d'obstacles plus insolites et rocambolesques mais surtout absurdes. Tel un étranger, errant dans une ville et croisant fortuitement ces citoyens tellement différents et passionnément saisissants. Le tout dans un Berlin morose et pas si agréable. Le scénario est très bien construit, donnant vie à une œuvre touchante, finement réalisée, sans aucune prétention et sans ces références cinématographiques classiques et courantes. «Oh boy» mériterait qu'on le qualifie de «magistral» : pas besoin d'en faire trop, pour obtenir un bijou du 7e art allemand.