Les Tunisiens en ont ras le bol des délégations spéciales démissionnaires et qui n'assurent même plus la levée des ordures ménagères. L'Isie promet qu'elle peut organiser les élections municipales le 26 novembre prochain. Mais quelles municipalités aurons-nous en l'absence du Code des collectivités locales ? Les élections municipales auront-elles lieu effectivement, fin novembre 2017, comme annoncé officiellement à l'issue de l'adoption, le 31 janvier dernier, par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) de la loi électorale sur la base de laquelle les Tunisiens choisiront leurs futurs conseillers municipaux ? Pourquoi Chafik Sarsar, le président de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), a-t-il changé de position pour admettre que son instance a les moyens et le temps nécessaires d'organiser les élections municipales, alors qu'auparavant, il assurait qu'il ne pouvait pas le faire avant que le Code des collectivités locales ne soit promulgué ? Les partis politiques, dont le parti gagnant des législatives du 26 octobre 2014 Nida Tounès n'a pas encore tenu son congrès constitutif, sont-ils suffisamment prêts pour affronter dans les meilleures conditions possibles le rendez-vous électoral qui a ses propres particularités ? Et à la tête de ces particularités, le nombre des candidats et des candidates (cette fois, on est obligé d'introduire des jeunes dans les listes candidates sous peine de les voir rejetées) à proposer s'élevant à près de 8.000 pour pourvoir les postes offerts dans près de 360 municipalités qui attendent d'être gérées par des édiles élus (avant la révolution, le pays comptait 264 municipalités, aujourd'hui, on en a créé près de 100 nouvelles). Le ministre des Affaires locales et de l'Environnement, Riadh Mouakhar, respectera-t-il ses engagements relatifs à la révocation de toutes les délégations spéciales d'ici fin mars et à leur remplacement par des comités temporaires qui seront pilotés par les délégués de chaque région ? Les associations de la société civile spécialisées dans le suivi des élections (législatives, municipales ou même celle des magistrats ou des avocats ou d'autres corporations) seront-elles écoutées, elles qui considèrent qu'il est «inconcevable de tenir les élections municipales avant la promulgation du nouveau code des collectivités locales» ? Et si ce nouveau code est promulgué après que les municipales auront été tenues et les nouveaux maires installés dans leurs fonctions, c'est-à-dire en 2018, soit une année avant les législatives et la présidentielle de 2019, comment va-t-on procéder pour consacrer les attributions qu'accordera le nouveau code aux maires déjà élus, plus particulièrement à l'échelle des budgets qui leur seront alloués ? Toutes ces interrogations taraudent les esprits des Tunisiens et des Tunisiennes qui en ont ras le bol de voir les déchets ménagers polluer leur environnement immédiat et de voir les délégations spéciales dans l'incapacité de stopper les constructions anarchiques et d'appliquer les ordres de destruction à l'encontre de ceux qui profitent de l'absence de l'autorité municipale pour s'emparer du domaine public au vu et au su de tout le monde. Autonomie compromise Au moment où Nida Tounès s'engouffre quotidiennement dans sa crise interne et que ses leaders, qui sont à couteaux tirés, règlent leurs différends, qu'Ennahdha consacre son énergie et le savoir-faire de son président pour régler la crise libyenne, que Slim Riahi fait la guerre à Béji Caïd Essebsi et lui demande d'écourter au maximum son séjour au palais de Carthage et que les destouriens guidés par Abir Moussi cherchent à obliger Sihem Ben Sedrine à leur transmettre les P.-V. des réunions de son instance pour qu'ils puissent prouver que ses décisions sont illégales, ce sont les associations de la société civile, principalement l'Association tunisienne de l'intégrité et de la démocratie des élections (Atide), dirigée par le bouillonnant Moëz Bouraoui, qui remplit le vide et mène une véritable croisade contre les municipales prévues le 26 novembre 2017, «des élections qui constituent un véritable complot pour vider cet important rendez-vous électoral de toute signification dans la mesure où les prochains conseils municipaux ne bénéficieront pas de l'autonomie financière et administrative à laquelle ils ont droit conformément à l'article 132 de la Constitution relatif à la décentralisation». Et Moëz Bouraoui de distiller à volonté ces accusations, pour dire qu'il existe «un accord secret au sein de l'ARP pour enterrer le Code des collectivités locales. Et en l'absence du code, les municipalités fonctionneront sur la base des anciennes lois. Elles ne seront pas autonomes et seront obligées de recourir aux gouverneurs pour prendre les grandes décisions». Il ajoute : «Quand l'Isie propose novembre 2017, pour l'organisation des élections municipales, elle oublie qu'il y a des engagements que le gouvernement devrait honorer, à la tête desquels la dissolution des délégations spéciales. Les décrets de dissolution sont prêts depuis déjà 7 mois mais le chef du gouvernement tarde encore à les signer». Pourquoi tant de blocage ? Moëz Bouraoui est tranchant : «Les élections municipales sont plus compliquées que les législatives et la présidentielle. Nos partis politiques ne sont pas suffisamment préparés pour mener les campagnes qu'il faut, même au niveau des circonscriptions municipales où ils vont présenter des candidats, et c'est la raison pour laquelle ils essayent de bloquer l'opération électorale ou au moins de faire en sorte qu'elle se déroule selon leurs propres conditions».