Après l'annonce des dispositions de la nouvelle loi sur l'investissement, qui entrera en vigueur le 1er avril 2017, il convient d'évaluer leur portée et leur éventuel impact sur le climat de l'investissement en Tunisie. Un exercice entrepris par l'association "Solidar Tunisie", qui a organisé, hier, un séminaire sur "les nouvelles réformes de l'investissement en Tunisie" Les intervenants à cette manifestation ont procédé à l'examen du corpus juridique de l'investissement en Tunisie, à la lumière du plan de développement 2016-2020 et de la nouvelle loi sur l'investissement. Lobna Jeribi, présidente de "Solidar Tunisie," a affirmé que le modèle de croissance basé principalement sur la consommation a montré ses limites lors des dernières années. Ce qui explique que la Tunisie mise désormais sur l'investissement comme moteur de croissance, tel que le prévoit le plan de développement quinquennal. Interlocuteur unique ? Pour pallier la lourdeur administrative, principale entrave à l'investissement, l'Instance tunisienne de l'investissement, promulguée par la nouvelle loi, est considérée comme l'interlocuteur unique pour les investisseurs. Mais Mme Jeribi s'interroge sur une éventuelle fusion/absorption des différentes institutions de l'investissement pour simplifier les procédures. "Si ce n'est pas le cas, quel intérêt à mettre en place une institution supplémentaire, présentant une étape supplémentaire dans le processus de décision pour les autorisations et/ou octroi des avantages ?», lance-t-elle. Une question à laquelle a répondu Khalil Lâabidi, directeur général de l'Agence de promotion de l'investissement extérieur (Fipa), affirmant qu'il y a eu de la résistance face à la question de la fusion/absorption et que la démarche actuelle est de maintenir les institutions présentes. Il indique que l'Instance tunisienne de l'investissement se chargera des projets à plus de 15 MDT alors que les bureaux régionaux de l'Agence de promotion de l'investissement et de l'innovation (Apii) se chargeront des projets de 1 MDT à 15 MDT. Il ajoute que la démarche sera progressive vers l'intégration des différentes institutions dans un seul corps. En ce qui concerne la "rationalisation" des avantages fiscaux dans la nouvelle loi sur l'investissement, Habiba Louati, ex-directrice générale de la législation fiscale au ministère des Finances, en charge du dossier fiscal au sein de "Solidar Tunisie", a expliqué cela par l'objectif de booster davantage l'investissement dans les secteurs prioritaires et dans les zones de développement régional. "Ces zones ont accaparé la part du lion des incitations afin de pousser les gens à y investir", indique-t-elle. Mais elle précise que la loi est restée problématique au niveau des mobilisations actuelles des Sicar. Bien que la législation stipule que les mobilisations resteront régies par l'ancienne législation, la réalité est que celle-ci a été abrogée et n'est plus valable. Ce qui nécessite, selon Mme Louati, l'intervention du ministère des Finances afin de rectifier le tir dans la loi de Finances. Préoccupations persistantes Abdelatif Bedoui, expert et membre du bureau exécutif du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes), s'est interrogé, pour sa part, sur la portée des nouveaux textes dans l'amélioration de la visibilité et la lisibilité de la Tunisie. "Le flou persiste et les préoccupations des professionnels également. Une approche sectorielle a été adoptée mais elle n'est pas précise. Il n'y a pas d'explications sur le choix des secteurs prioritaires et aussi des filières. Je trouve qu'il existe une déconnexion entre la loi d'investissement et le schéma de développement. Il n'y a pas également de concordance entre le taux d'investissement et le taux d'épargne. On ne peut pas améliorer l'investissement sans savoir comment améliorer l'épargne", explique-t-il. Un avis que partage Nafaâ Ennaifer, membre du bureau exécutif de la Fédération nationale du textile (Fenatex), il existe plusieurs défaillances dans la nouvelle législation. Il affirme qu'il faut revoir les filières économiques, la liste des secteurs et également les régions. M. Ennaifer a évoqué aussi la question de l'imposition de 7,5% pour les sociétés offshore, affirmant qu'il faut faire attention à la promulgation des incitations par décret. "Ceci signifie qu'il est possible de les modifier. Il faut établir la stabilité dans la législation en ce qui concerne ces avantages fiscaux et financiers. Il faut donner de la crédibilité à cette loi", précise-t-il.