Le monde a changé, l'échelle des valeurs aussi. Face à la mondialisation, les barrières culturelles interpays sont carrément démantelées, d'où l'émergence de phénomènes sociétaux, devenus à la longue quasi-universels. Migration, pauvreté, inégalités, conflits armés, il y a lieu d'agir pour le bien-être de l'humanité tout entière, au grand dam de toute forme de discrimination et de rejet de l'autre. Des fléaux qui mettent en péril la cohésion sociale. Comment les villes peuvent-elles s'entraider pour trouver des solutions justes, solidaires et adaptées ? Surtout que, chiffres de l'Unesco à l'appui, l'on recense, aujourd'hui, plus de la moitié de la population mondiale vivant en ville, dont 828 millions dans des bidonvilles. C'est dans cette logique qu'un réseau international « des villes inclusives et durables » a été créé en 2004, suite à l'appel communautaire antiracisme lancé, trois ans plus tôt, depuis la conférence de Durban, en Afrique du Sud. S'en est suivie, en 2008, « la Coalition des villes arabes contre le racisme, la discrimination, la xénophobie et l'intolérance ». Elle compte, actuellement, 19 villes membres représentant certains pays de la région dont la Tunisie. Ses apôtres sont, hier et aujourd'hui, en conclave, sous nos cieux, se penchant sur le devenir de leur coalition, déjà mise en veilleuse depuis des années. Ils voudraient la relancer, dans un nouvel esprit du dynamisme et du vivre-ensemble. Leur réflexion commune puise dans le sens d'un atelier de planification intitulé «face aux transformations sociales, des villes inclusives et durables », conjointement organisé par l'Unesco et l'Institut arabe des droits de l'Homme (Iadh) à Tunis. Avec le 11e point de référence onusienne, l'objectif de développement durable (ODD), cette coalition tient, selon ses leaders, à répondre non seulement aux besoins pressants de la population, mais à développer, de surcroît, une culture de citoyenneté, de gouvernance démocratique, de décentralisation et de l'inclusion sociale. En d'autres termes, comment, en ce nouveau contexte de crises (flux migratoires, réfugiés, tensions sociales..), peut-on construire un espace pacifique, tolérant et fondé sur les principes des droits et libertés fondamentales ? Telle est la question brûlante, aux dires de M. Phinith Chanthalangsy, spécialiste de l'Unesco, chargé du programme pour les sciences sociales et humaines. « L'objectif, certes, est de redynamiser cette coalition, à même de rendre nos villes plus justes et solidaires, prêtes à combattre la discrimination, dans toutes ses formes. Il est question, dans cette conjoncture arabe difficile, d'aborder autrement et de façon aussi vulgarisée les concepts du terrorisme et d'extrémisme», souligne M. Ghaith Fariz, directeur du bureau de l'Unesco au Caire. Et d'espérer voir la rencontre de Tunis déboucher sur des plans d'action commune et des relations de coopération interarabe. Cette coalition vise, a-t-il encore ajouté, à renforcer les moyens du développement humain intégral dans les pays membres, à savoir l'Egypte, l'Irak, le Liban, la Mauritanie, le Qatar, le Maroc et la Tunisie. Et comme cette coalition arabe fait partie de celle à l'échelle planétaire, une coordination internationale à ce niveau s'avère nécessaire. Plan commun, dix engagements Migration, racisme, xénophobie sont des défis bien réels qui exigent un code de conduite communautaire. « Nous sommes dans une conjoncture délicate qui nous dicte d'élargir le cercle de concertation et de recentrer le débat vers un dialogue des sociétés plus ouvert à l'intégration culturelle », ainsi plaide M. Taïeb Baccouche, secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe (UMA). Le président de l'IADH, M. Abdelbasset Ben Hassen, a considéré cette coalition comme une initiative de réflexion collégiale pour le meilleur de nos villes arabes. Afin d'en faire un havre de paix et du vivre-ensemble. « Mais, que nos politiques nationales suivent, dans un cadre normatif et d'éthique basé sur la différence, la diversité et la tolérance », s'exprime-t-il. Ainsi devraient se comporter ces villes coalisées. La Cité idéale de Platon? Loin de l'exclusion et de la marginalisation. Loin s'en faut, sauf par miracle. Par ailleurs, M. Ben Hassen s'est focalisé sur l'approche droit-de-l'hommiste, préconisant que les valeurs de liberté et de solidarité dans la cité soient ancrées dans l'esprit et dans le comportement. « Il y a, de nos jours, plus de 60 millions de réfugiés dans le monde dont plus de 50% issus des pays arabes. Et 15 mille enfants syriens sont portés disparus, leur sort demeure, jusqu'ici, inconnu. Une telle situation détruit la vie et la ville », alerte-t-il. Et de se rétracter, il y aura encore de la chance pour accroître les richesses, dénicher les énergies et récompenser la créativité. Cela relève, de son avis, d'une responsabilité partagée. Justement, ladite coalition arabe a été, déjà, fondée sous les auspices de l'Unesco, autour d'un plan d'action en dix engagements, touchant aux différents domaines de compétence locale tels que l'éducation, le logement, l'emploi et la culture. Cela en dit long sur la durabilité des villes et les atouts de leur inclusion. Les défendre contre les idées noires, c'est de bonne guerre.