L'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi se déclare dans l'incapacité de rendre un avis sur la constitutionnalité de l'amendement introduit sur la loi en question. Sa décision crée un vide constitutionnel dont personne ne peut prévoir les conséquences On l‘avait pressenti, dès les premiers jours, quand on a parlé de la nécessité d'amender la loi portant création du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans le but de surmonter le blocage qui a empêché la finalisation de la composition définitive du Conseil en question. On s'attendait, en effet, au rejet du recours introduit par 39 députés appartenant aux diverses oppositions estimant l'amendement voté par le Parlement anticonstitutionnel. Hier, le secrétaire général de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi a déclaré que faute de quorum à l'Instance, le projet de loi a été soumis au président Béji Caïd Essebsi pour décider du sort qui lui sera réservé. Le président de la République peut soit promulguer le projet de loi soit le retourner à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). En plus clair et sans le déclarer ouvertement, l'Instance qui contrôle provisoirement la constitutionnalité des lois en attendant la création officielle de la Cour constitutionnelle s'est déssaisie du recours de l'opposition en reconnaissant, par la voix de son secrétaire général, qu'elle ne peut plus exercer la mission pour laquelle elle a été désignée dans la mesure où le quorum légal lui permettant de rendre ses avis n'existe plus car quatre de ses membres, dont le président, ont été nommés à de nouvelles fonctions ou ont fait valoir leurs droits à la retraite et n'y siègent plus. Donc, et sans prétendre au statut d'un grand juriste ou d'un politologue illuminé, on peut dire que d'ici la création officielle de la Cour constitutionnelle (comprenant 12 membres à désigner à parts égales par les présidences de la République, du gouvernement et du Parlement), on n'a plus d'institution à laquelle les députés mécontents peuvent s'adresser et demander à ce qu'une loi quelconque soit déclarée anticonstitutionnelle. Et comme il n'existe aucun délai juridique prescrit (à ne pas dépasser, à tout prix) en vue de la création de la Cour constitutionnelle, on peut dire que les trois présidences actuelles ont tout le temps qu'il faut pour choisir leurs candidats et annoncer la composition définitive de la Cour. Un vide béant Mahmoud Baroudi, ancien constituant et actuel membre du Front du salut et du progrès (en tant que personnalité nationale), confie à La Presse : «On fait tout aujourd'hui pour bloquer les institutions constitutionnelles et les empêcher d'accomplir leurs missions. On est face à un vide constitutionnel béant dans la mesure où personne ne peut obliger les trois présidences à former la Cour constitutionnelle dans un délai quelconque. Donc, les trois présidences peuvent le faire dans une semaine, un mois ou plus. En parallèle, les lois que le gouvernement désire faire voter passeront sans aucune crainte d'un recours à leur encontre pour inconstitutionnalité. C'est le cas par exemple de la loi portant adoption du plan de développement économique et social 2016-2020. D'ailleurs, même ceux qui ont voté contre cette loi ne parlent pas de la possibilité de l'attaquer devant l'Instance. On a le sentiment que les partis de l'opposition ont jeté l'éponge et ont compris qu'ils ne peuvent plus rien faire». Il ajoute : «Aujourd'hui, vendredi 14 avril, les responsables du Front du salut et du progrès tiennent une réunion pour discuter de ce vide constitutionnel qui menace sérieusement les institutions de l'Etat et pour appeler à ce que la Cour constitutionnelle soit formée dans les plus brefs délais». Pour conclure, Mahmoud Baroudi exprime sa crainte «de voir les choses traîner sous le prétexte que le gouvernement a d'autres priorités comme par exemple le code des collectivités locales ou la loi sur les urgences économiques».