Par Abdelhamid Gmati Le processus électoral pour les municipales est engagé « malgré le retard pris dans l'adoption du code des collectivités locales ». C'est le président de l'Isie, Chafik Sarsar, qui l'affirme. Pour lui, « la prochaine étape consiste à élaborer et à lancer les campagnes de sensibilisation au vote et à l'opération d'inscription des électeurs ». C'est là que se situent les premières interrogations. Les Tunisiens s'intéressent-ils à la politique et aux élections ? Quelques indications préliminaires. L'interview diffusée dimanche dernier du chef du gouvernement a été suivie, selon un sondage, par près de 1.800.000 téléspectateurs avec une part d'audience cumulée de près de 45%. En même temps, sur une autre chaîne, était présenté «un talk show » qui a intéressé près de 2.434.000 téléspectateurs, soit 74,3% de part d'audience. L'invité de cette émission était Hachemi Hamdi, un politique atypique. Le 26 février dernier, une autre interview de Youssef Chahed a retenu près de 1.246.000 téléspectateurs, soit une part d'audience de 29,4%, « un auditoire plutôt masculin, adulte et de classe moyenne et plus ». Sur une autre chaîne, un feuilleton turc doublé en dialecte tunisien a été suivi par près de 1.453.000, soit 33,4% de part d'audience. L'auditoire était plutôt féminin. Et en même temps, une émission sportive dominicale a attiré 554 000 téléspectateurs, soit 15,5% de part d'audience. Lors des législatives du 26 octobre 2014, on a enregistré 70% de taux de participation. Mais il faut souligner qu'il y avait 5 millions d'inscrits, soit deux tiers du corps électoral. Pour Chafik Sarsar, « la désillusion post-transition a poussé certains à refuser de s'inscrire par dégoût des politiciens ». Difficile, donc, d'identifier exactement le taux d'abstention. Mais on a établi que l'abstention des jeunes est très importante. « Les jeunes ne s'identifient pas aux politiciens. Ils éprouvent même un rejet, un refus du politicien, de la sphère politique. Les choses changeront s'il y a une bonne offre politique. Si les jeunes s'identifient à un candidat, ils reviendront. On commence à apprendre la vie civique à l'école. On travaille avec le tissu associatif ». Il y a quelques jours étaient présentés les résultats d'une étude sur « la participation politique des électeurs analphabètes » (voir notre journal de vendredi dernier). Il en ressort que « nous comptons en Tunisie 1.700.000 analphabètes, soit 20% de notre base électorale » (dixit Chafik Sarsar). Et malgré un certain désintérêt pour la chose politique, une grande majorité de ces citoyens analphabètes affirment vouloir exercer leur droit de vote lors des prochaines échéances électorales. D'aucuns les considèrent comme indécis et manipulables. C'est pourquoi l'Isie a proposé des solutions pour éviter tout dérapage. Sont proposés : préparer et former l'analphabète à l'opération de vote ; simplifier le bulletin contrairement à celui qui avait été utilisé lors des élections du 23 octobre 2011 ; et modérer le nombre d'élus. Aura-t-on le temps d'appliquer ce programme d'ici les municipales du 17 décembre prochain ? Pour ces municipales, chaque parti qui veut se présenter dans 350 circonscriptions doit présenter « 8.200 candidats, moitié femmes, moitié hommes, avec la condition juvénile (il faut qu'il y ait des jeunes), des handicapés et la parité verticale et horizontale ». Dans ces conditions, comment un électeur, quel qu'il soit, analphabète ou non, va pouvoir y voir clair et choisir le ou les candidats qui vont le représenter dignement ? Ne risque-t-on pas de céder au régionalisme, voire au tribalisme ? Autant de questions auxquelles il faudra trouver des réponses. En définitive : voter, oui mais pour qui ? C'est aussi une responsabilité de la classe politique qui devra oublier ses querelles de clocher et penser « intérêt national ».