Par Jalel MESTIRI Crise de gouvernance, crise d'identité, le football cumule les manquements à tous les niveaux. Tout cela dépasse le débat autour de la violence dans les stades, le huis clos et les sanctions. Le mal est beaucoup plus profond. Il touche aux racines d'un sport qui n'a ni projet ni ambition... «L'assèchement» du football tunisien est aujourd'hui réel, tout comme le risque d'un retour en arrière sur un terrain glissant. On ne sait plus où on va, ni comment on va. A aucun moment, en tout cas, les différentes parties prenantes, c'est-à-dire autorité de tutelle, instances fédérales, clubs, entraîneurs, joueurs et public, ne donnent l'impression, du moins dans leur majorité, de pouvoir remédier à une situation devenue ingérable et dont elles sont les principales initiatrices. On a beau vouloir s'inscrire dans une alternative de rigueur, les bonnes solutions, les vraies, ne sont plus, ou encore n'ont jamais été à l'ordre du jour. La logique d'échec a atteint aujourd'hui son paroxysme. Elle a mis en cause et bafoué les valeurs et les monuments du football tunisien. L'on sait comment tout cela a commencé. L'on sait encore moins comment cela va finir. Car l'on ne donne pas, en effet, l'impression de réaliser les répercussions qu'un pareil gâchis peut avoir sur le sport de façon générale. Quand on parle actuellement du football, on n'évoque plus le bien commun. On fait comme si l'intérêt général n'était plus que la somme d'intérêts particuliers que les uns et responsables des temps modernes sont ponctuellement invités à défendre. Dans leurs déclarations, dans leurs apparitions médiatiques, dans leurs prises de position respectives, ils ne sont plus des lobbyistes des intérêts privés, des intérêts de clans. C'est à partir de là que la culture des arrangements douteux a pris forme et s'est développée!... Ceux qui veillent actuellement aux destinées du football, ceux qui se donnent le droit d'en dicter le mode d'emploi, sont dans l'incapacité de faire valoir une vision et un projet de sportifs valables. La crainte pour l'avenir du football est plus que jamais avérée. Dans sa version actuelle, et à travers les abus, les débordements et les dérapages que ses principaux acteurs ne cessent de cumuler, la compétition est loin d'inviter à rêver. Elle n'est pas non plus un modèle, ou même une référence. Crise de gouvernance, crise d'identité, elle cumule les manquements à tous les niveaux. Tout cela dépasse le débat autour de la violence dans les stades et les dégâts qui en résultent. Le mal est beaucoup plus profond. Il touche aux racines d'un sport qui n'a ni projet ni ambition. On en a fait quelque chose de désincarné, qui perd du sens, et qui n'est plus qu'un moyen de déchirement. Un moyen de subsistance pour les incompétents. Les travers sont visibles à tous les niveaux. Ils inspirent les responsables les plus invertébrés, sans idées ni valeurs, et dont la seule ligne de conduite est le populisme, préférant caresser les bas instincts des gens, au lieu de les hisser à d'autres niveaux. La majorité écrasante de ceux qui sont en exercice aujourd'hui est plus que jamais contestée. On n'en voit pas, sinon très peu, ceux qui font vraiment l'unanimité. Ils sont devenus d'ailleurs la cible de critiques de plus en plus virulentes. L'autre penchant de cette malheureuse transformation réside dans la transfiguration de la gestion du football en cercle privé. L'abandon progressif des principes, des orientations et de la cohérence au profit des approches personnelles, où interviennent généralement les médiocres, a conduit à créer un entourage qui joue le jeu, qui se plie à toutes sortes de pratiques étrangères aux champs des compétences. Ces phénomènes nous amènent à constater que les manquements et les dérives ne sont plus une affaire exceptionnelle, mais qu'elle fait désormais système. Quelle que soit la raison, le recours au huis clos et à la force publique est de nature à installer un climat d'obligation, de gêne et de doute. Le football, et le sport de manière générale, sont faits de respect, de dialogue et de responsabilité mutuelle...