Par notre envoyé spécial à Paris, Karim Ben Said « La France a montré ce soir qu'elle avait le visage de Macron et pas celui de Marine Le Pen », nous confie une sympathisante du mouvement En Marche Assurés de la victoire d'Emmanuel Macron, des centaines de journalistes venus du monde entier avaient afflué dimanche sur l'esplanade du Louvre, où le candidat du mouvement En Marche organisait sa soirée électorale. Tous venus immortaliser la fulgurante ascension du jeune prodige, qui le hisse avec plus de 66,1 % des voix à la présidence d'une France qui a rejeté le programme de Marine Le Pen : celle-ci n'obtient que 33,9 % des suffrages exprimés, mais avec tout de même quelques millions de voix. Les Français ont été nombreux à se déplacer aux urnes dimanche, même si le taux d'abstention a été de 25,44% et que 3.011.362 d'électeurs (8.49%) ont voté blanc. « Je ne suis pas allé voter, car je n'ai pas de candidat du premier tour, nous dit Jean Michel, un retraité. L'un est fasciste, l'autre est un Sorel trop ambitieux qui vient de je ne sais où ». Martine, elle, à 48 ans, est allée voter « d'abord parce qu'il y a des gens qui se sont battus pour ce droit, et ensuite parce que le programme de Marine Le Pen est très dangereux ». A l'annonce des premières estimations à 20 heures (heure française), une explosion de joie a retenti sur l'esplanade du Louvre. « La France a montré ce soir qu'elle avait le visage de Macron et pas celui de Marine Le Pen », nous confie une sympathisante du mouvement En Marche. Un mouvement qui se transformera dans les prochains jours en un parti qui aura pour nom « La République En Marche ». Il faisait déjà nuit quand Emmanuel Macron s'est avancé vers le pupitre, après avoir marché pendant plusieurs secondes. Il a prononcé un discours d'une dizaine de minutes dans lequel il s'est dit conscient que ceux qui ont voté pour lui ne sont pas tous d'accord avec ses propositions. Mais Emmanuel Macron n'a pas résisté à la tentation d'adresser un message à ses détracteurs. «Tout le monde nous disait que c'était impossible, mais ils ne connaissaient pas la France! », a-t-il déclaré. Ancienne journaliste, et actuelle porte-parole de Macron, Laurence Haïm a tenu à visiter la tente sous laquelle travaillaient des journalistes de toute la planète, pour marteler un seul message : « La France est de retour et elle montre au reste du monde que la démocratie l'emporte face au populisme ». Prenant la parole en premier dans son QG de campagne, quelques minutes seulement après l'annonce des premiers résultats, Marine Le Pen a réitéré sa détermination à se positionner «comme la première force d'opposition au projet du nouveau président de la République». Dans la foulée, elle a annoncé une transformation de son parti qui ferait désormais partie d'un nouveau mouvement de « patriotes ». Sur les plateaux de télévision, les protagonistes politiques ont salué la victoire d'Emmanuel Macron, tout en mettant l'accent sur la nécessité de mettre de l'ordre dans un paysage politique éclaté. Réformer le pays Les attentes des Français sont énormes et le nouveau président français est notamment attendu sur les réformes qui transformeront l'économie de manière à créer de la croissance et de l'emploi. « Si le bilan du quinquennat de Macron était négatif, il ouvrirait la voie à une nouvelle poussée populiste, prévient Diop Amadou, un observateur de nationalité sénégalaise. Dans le cas contraire, je crois qu'il coupera définitivement la route aux extrêmes ». Pour Laurence Parisot, ex-présidente du Medef (le patronat français) et figure incontournable du milieu des affaires, le nouveau président doit se tourner davantage vers les PME, qu'il a ignorées tout au long de sa campagne. En fait, si les chefs d'entreprise ont fini par soutenir Emmanuel Macron lors de ces élections, « ils auraient préféré un Fillon à l'Elysée, lance-t-elle, car son projet est plus cohérent avec les revendications du Medef ». Quoi qu'il en soit, le nouveau locataire de l'Elysée aura la lourde tâche de conduire des réformes, dont celle du travail. Il introduira ainsi une dose supplémentaire de flexibilité et limitera l'influence des syndicats en donnant la priorité aux accords majoritaires à l'intérieur même des entreprises. Tout en rehaussant le salaire minimum, Macron veut un abaissement des charges sociales des entreprises. Autre point phare de son programme, c'est l'allocation chômage qui sera suspendue au bout de deux refus d'offres d'emplois. Des réformes qu'il ne pourra mener que s'il dispose d'une majorité présidentielle à l'Assemblée, mais pas seulement. Il ne pourra pas avancer sans un dialogue avec les principaux syndicats qui restent puissants. Emmanuel Macron espère compter sur la Confédération française démocratique du travail (Cfdt), l'un des syndicats réformistes qui prend le pas sur la CGT, dont les positions sont plus radicales. « J'apprécie également son projet en raison de ce qu'il appelle le «droit à l'erreur», indique Mme Parisot que nous avons pu rencontrer. Jusqu'ici, les entreprises sont lourdement sanctionnées lorsque, de bonne foi, elles commettent des écarts à la législation, et Emmanuel Macron propose une réforme qui permettrait de ne pas les sanctionner automatiquement dans ces cas-là ». L'ancienne patronne des patrons ne s'arrête pas là, elle souhaite que le chef de l'Etat français mette de l'ordre dans les finances publiques en réduisant de manière significative le poids de la dette et, par ricochet, serrer la ceinture des dépenses budgétaires. Sécurité Il y a cinq ans, lorsque François Hollande a été élu, il était très loin de s'imaginer que son principal défi serait essentiellement sécuritaire. Très vite, il a dû faire face à des crises d'une ampleur sans précédent et son quinquennat en a d'ailleurs pâti. Comme lui, Emmanuel Macron n'est pas à l'abri de tels scénarios. Certains craignent qu'il n'ait pas l'étoffe d'un chef de guerre et fustigent son manque de connaissance des questions sécuritaires. Un haut cadre sécuritaire que nous avons rencontré (qui a préféré garder l'anonymat) ne voit pas d'un bon œil l'arrivée au pouvoir de ce jeune homme de 39 ans. Dimanche prochain, François Hollande passera officiellement les clés de l'Elysée à celui qu'il a vu grandir dans le monde de la politique. Lundi, Emmanuel Macron annoncera le nom de son Premier ministre et, mardi, la composition du gouvernement, formé d'une quinzaine de ministres (avec respect du principe de parité hommes-femmes). Le Premier ministre sera cependant sur un siège éjectable. En effet, en juin, se tiendront les élections législatives qui pourraient donner une majorité différente de celle du président élu. Un scénario que les macronistes écartent avec le sourire. «C'est de la fiction, les Français ont toujours été cohérents et ils donneront une majorité à Macron pour qu'il puisse appliquer son programme», nous explique David, militant de la première heure au QG du nouveau président. Même assurance du côté de Laurence Haïm qui demande aux électeurs, avec un peu plus d'humilité, d'aider Emmanuel Macron à réaliser son programme.