L'addiction aux nouvelles technologies génère un comportement violent qui peut conduire au suicide chez le jeune adolescent Une table ronde s'est tenue récemment à l'Office national de la famille et de la population (Onfp) sur le thème des phénomènes comportementaux émergents chez les jeunes Tunisiens. D'emblée, un reportage vidéo documentaire a été projeté durant quinze minutes sur la vie des jeunes dans les quartiers populaires de la cité du Kram où le manque d'espaces de loisirs et d'activités sportives a cédé la place à l'usage des supports numériques acquis à bas prix. Les jeunes de ces quartiers sont accrochés à longueur de journée à à leurs téléphones portables pour les uns et à leurs tablettes pour les autres afin de vaincre la monotonie d'un quotidien insipide sans se rendre compte qu'ils sont en train de basculer inévitablement vers un comportement addictif et destructeur. Le spectre du suicide Le débat a été engagé sur la question du suicide, alimenté par le témoignage de deux jeunes filles qui ont été filmées dans le cadre de ce documentaire et qui ont parlé de leur triste expérience et des raisons qui les ont poussées à tenter de se suicider. L'une d'elles a admis que le dégoût, l'incompréhension des adultes, le sentiment de se sentir seule l'ont poussée à cet acte extrême. «L'adrénaline monte. La mort devient tout simplement une libération pour moi, ma conscience est tranquille! », relate la jeune femme dans le court-métrage documentaire. C'est également l'incompréhension, l'absence d'affection et le désintérêt des membres de sa famille à son égard ainsi que l'absence de perspectives pour le futur qui ont poussé sa camarade à effectuer également une tentative de suicide. « Je me suis volontairement coupée de mon environnement familial en me réfugiant dans mon propre monde. J'ai toujours recherché l'affection et le soutien de mes parents mais vainement. Personne n'est arrivé à me comprendre. Le sentiment de solitude qui tue à petit feu et qui est très difficile à supporter m'a finalement poussée à commettre le geste fatidique», témoigne la jeune fille. L'adolescent et la représentation du corps Prenant la parole, le Dr Sonia Souissi Ben Cheikh, P.D.G. de l'Onfp, a relevé que les deux jeunes femmes qui nécessitent une hospitalisation seront prises en charge par l'Office. «Il y a beaucoup d'efforts à faire... Cette table ronde a pour objectif de promouvoir l'aspect préventif à travers la mise en place d'une stratégie multisectorielle». Dans son exposé intitulé « Les nouvelles expériences juvéniles », Mme Lilia Othman Challougui, maître assistante à l'Institut supérieur des sciences humaines de Tunis, s'attarde sur la représentation et le vécu du corps chez les adolescents et leur entourage: « Comment l'adolescent se représente son propre corps? Comment les autres le perçoivent-ils ? Cela ne se fait pas sans violence et chacun cherche à construire des liens avec les autres.» Le modérateur, Pr Mohamed Ben Rejeb, professeur en psychologie clinique et pathologique à la faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis, suppose que le surmoi n'existe pas dans notre société individualiste. Il participera à un séminaire en octobre 2017 axé sur les attitudes extrêmes face à la mort. A travers le rôle joué par la famille tunisienne, les moyens de divertissement comme la lecture pour s'évader ou faire du sport, le jeune doit réapprendre à vivre, a souligné le participant. Addictions désastreuses Les addictions sont des conduites psychopathologiques dont la frontière entre le normal et le pathologique est difficile à tracer. Le virtuel agit alors sur les émotions et le mental comme entrevu dans la deuxième vidéo où l'on voit ce jeune du Kram qui tremblote en jouant à un jeu vidéo de foot ou de combat. Les médecins évoquent les conséquences de telles addictions durant des journées entières, parlent alors de jeux qui finissent par le rendre violent avec son entourage et lui-même. L'addiction n'est pas du tout un manque de volonté des jeunes mais l'exutoire de leurs rêves virtuels selon la présentation de Mme Houyem Boukassoula, psychologue clinicienne au complexe sanitaire de Jbel El Oust, autour du thème «Les addictions numériques menacent nos jeunes ». Ainsi, la cyberdépendance qu'est la recherche continue sur internet a des effets néfastes sur la qualité de vie, causant de la sécheresse aux yeux, des maux de tête avec des troubles du sommeil. A l'addiction à internet, s'ajoutent celle au téléphone portable et l'addiction chez les collégiens et étudiants à l'usage intempestif de facebook pour oublier leurs problèmes et rester connectés avec les amis de leur bande. Un médecin intervenant pointe du doigt l'absence de prise en charge des jeunes suicidaires et le manque de structures de soins et de cellules d'écoute : « Avant la révolution, on ne parlait pas de suicide ou de toxicomanie. On ne nous a pas inculqué la notion de valeur intrinsèque en tant qu'individu dans notre éducation. »