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La Constitution de 2014 et le pouvoir régional (suite & fin)
Opinion
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 06 - 2017

Aux termes du décret beylical de 1956, le gouverneur était le délégué du gouvernement. Il est, depuis la loi du 13 juin 1975, le représentant de l'Etat. Il importe de garder toutes les dispositions résultant de la loi du 13 juin 1975 qui ne sont pas en contradiction avec le nouveau Code des collectivités locales et leur en adjoindre d'autres pour «reprofiler » la fonction gubernatoriale, en renforçant ses attributions dans l'intérêt de l'unité nationale tout en préservant une institution respectable et respectée
1- La réaffirmation des attributions anciennes :
11) Le gouverneur est délégataire des pouvoirs des ministres :
Le gouverneur est, aux termes de l'article 13 de la loi du 13 juin 1975, le délégataire du pouvoir de chaque ministre. Bien que la loi ne mentionne pas expressément qu'il est seul habilité à recevoir délégation de pouvoir, cela est entendu. Cependant, et depuis le décret du 24 mars 1989 le gouverneur est enfin le délégataire d'un certain nombre de pouvoirs ressortissant jusque-là aux ministères. Il faudra concilier cette disposition avec celles du projet de code des collectivités et en particulier celui attribuant à la collectivité régionale des pans entiers de la compétence de l'Etat. Mais il faut plus. Il est indispensable que le « standing » du gouverneur soit réaffirmé par la reconnaissance d'un vrai pouvoir initial dans ce que la loi appelle l'administration générale et qui ne lui a jamais été reconnu. Un certain nombre d'attributions doivent lui être reconnues par le texte qui les crée ab initio. C'est ainsi que le gouverneur doit devenir le premier administrateur de sa région et que tous les documents officiels doivent émaner initialement de lui : passeport, carte d'identité, permis de conduire, carte grise, carte de séjour....Il est très étonnant de constater par exemple que les passeports sont aujourd'hui délivrés par les ambassades de Tunisie à l'étranger où officie souvent un agent recruté localement alors qu'on refuse cette prérogative au gouverneur pourtant assisté d'un haut fonctionnaire de police et d'un personnel nombreux et compétent. On peut faire la même remarque pour les cartes d'identité, le permis de conduire et les permis de séjour...
12) le gouverneur est responsable de l'ordre public :
Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juin 1975 modifiant le décret beylical du 21 juin 1956, le gouverneur est responsable du maintien de l'ordre public et l'article 12 l'habilite à requérir la force armée. La vérité est que depuis le milieu des années quatre-vingt et plus précisément depuis les grands conflits sociaux de 1984, qui ont correspondu à une « professionnalisation » de plus en plus grande de la police, de la révision de ses chaînes de commandement, de la centralisation de son processus décisionnel, le gouverneur éprouve, de plus en plus, de difficulté à diriger « sa » police. Elle s'est en quelque sorte autonomisée par rapport au gouverneur, représentant de l'Etat. Ce phénomène doit être corrigé car c'est au représentant du gouvernement, unique dépositaire de l'autorité de l'Etat, de décider de l'intervention de cette force et d'en régler la graduation.
13) Le gouverneur doit être l'ordonnateur des finances attribuées par l'Etat à la région :
L'Etat continuera, pendant longtemps, à fournir à la région des fonds importants. Le gouverneur, représentant de l'Etat, doit être habilité par les textes, à être l'unique ordonnateur de ces fond et ce, en vue de garantir leur correct usage. Cette mesure ne doit poser ni problème ni embarras car il est admis que celui qui paie contrôle où vont ses finances.
2- définition des attributions renforçant la concertation entre gouverneur et région : ce sont à la fois des compétences d'Etat et des compétences de la région.
21) comme agent du Conseil régional : le gouverneur aura ainsi été du 17 août 1957 jusqu'à la promulgation du nouveau Code des collectivités locales, le personnage central de la région, qu'un abus de langage nous a fait appeler « conseil de gouvernorat ». Il en aura été à la fois le président et l'exécutif. Le nouveau projet de loi fait qu'il n'y sera plus rien. De surcroît, une partie de sa compétence comme agent de l'Etat aura été aspirée par le nouveau Conseil régional.
Représentant de l'Etat et président du Conseil de gouvernorat (et depuis février 1989 du Conseil régional) il était l'incarnation d'un dédoublement fonctionnel. On peut toujours regretter cette concentration de pouvoirs. Mais chacune des deux qualités du Gouverneur renforçait l'autre dans l'intérêt de la population. Comment faire pour que celle-ci ne sorte pas perdante du nouveau schéma d'organisation ?
Même dans le cas de la législation projetée, le dédoublement fonctionnel devrait être sauvegardé et cela pour deux raisons :
-La première est qu'il évitera les conflits trop prévisibles entre président du Conseil régional et gouverneur (sauf si on a décidé de supprimer l'Etat et le remplacer par autre chose pour ne pas dire « émirats », perspective qui n'est, malheureusement pas, si chimérique !)
-La seconde est que la double qualité du gouverneur bénéficiera à la population ; il obtiendra du gouvernement crédits et subventions pour le budget du conseil que le président élu gérera.
Comment y parvenir ? Un juste équilibre de pouvoirs ferait qu'à l'instar de ce qui se passe au niveau national, soit instauré un régime de collaboration des pouvoirs entre législatif et exécutif: l'assemblée sous la présidence de son président délibérerait et adopterait les décisions. Elle serait une sorte de parlement régional. Le gouverneur comme autorité exécutive promulguerait et veillerait à l'application des mesures adoptées. Ainsi le gouverneur pourrait-il être réintroduit comme exécutif de l'assemblée régionale élue et élisant librement son président. La démocratie et la libre gouvernance seraient sauves et une saine administration garantie.
Incidemment, cela réglerait le très prévisible problème du contrôle juridictionnel, a posteriori, assez difficilement imaginable par rapport à notre culture.
22) Comme représentant de l'Etat :
s'agissant de la légalité des actes, le gouverneur doit, comme agent de l'Etat, garder la possibilité de se substituer au cas où le Conseil ou son président aurait manqué de prendre une mesure obligatoire.
II- Le statut des personnels supérieurs de l'administration régionale : gouverneurs et délégués :
La mise en œuvre de ces propositions présuppose que le gouverneur soit apolitique, bien préparé à sa mission, et qu'il bénéficie d'un minimum de stabilité. Ceci conduit inéluctablement à opter pour la création d'un vrai corps de hauts fonctionnaires, le corps des cadres supérieurs de l'administration régionale. Cela avait été prévu par les textes du 21 juin 1956 mais jamais systématiquement réalisé.
La carrière :
1-le recrutement :
L'idéal, en vue de garantir une totale neutralité de ce corps, serait de recruter, une fois tous les quatre ou cinq ans, des jeunes bacheliers qui subiront, d'abord, un test psychotechnique relatif à certains critères de personnalité, de caractère ainsi que de présentation en vue de les orienter vers l'Ecole nationale d'administration (cycle supérieur) formation devant être suivie d'un passage à l'académie militaire en vue d'accomplir leur service national pour devenir officier de réserve. Ce recrutement effectué parmi les bacheliers de l'année en cours est préférable à celui provenant de jeunes maitrisards a pour but de prendre en charge des jeunes bien avant leur possible endoctrinement par les divers partis politiques existants dans les différentes facultés. C'est de cette manière qu'on peut assurer, un tant soit peu, que le corps des cadres supérieurs de l'administration régionale devant fournir les secrétaires généraux des gouvernorats, des Conseils régionaux, des municipalités, ainsi que les délégués des gouverneurs, est assuré d'être apolitique. C'est à partir de ce corps que se fera, à chaque fois, et après une certaine ancienneté et une correcte évaluation, le choix des premiers délégués. Parmi ces derniers ainsi que les secrétaires généraux des gouvernorats, se fera la sélection des gouverneurs.
Cependant, il y a lieu de rappeler que si 50% des effectifs de gouverneurs devaient, en 1956, provenir du corps des délégués, d'autres corps d'origine étaient considérés les bienvenus pour alimenter celui des gouverneurs. Ainsi 25% étaient pré-recrutés parmi les magistrats et les administrateurs du gouvernement, le gouvernement se réservant le libre choix des 25% restants (soit trois gouverneurs sur treize). Ce texte peut être une saine source d'inspiration.
Les gouverneurs enfin devraient être recrutés pour moitié parmi les secrétaires généraux et premiers délégués, la moitié restante étant dévolue aux hauts fonctionnaires, le choix du gouvernement ne portant plus que sur trois ou quatre personnes sur un effectif de vingt-quatre. Cela était déjà le cas durant les dernières années, mais de manière fortuite. Il devrait désormais être consacré par les textes.
2- L'avancement et la carrière :
Si des règles d'avancement de classe et d'échelon doivent être édictées pour le corps des délégués afin de les encourager, les protéger et leur permettre d'arriver aux postes enviés de secrétaire général et de premier délégué, il en va autrement pour le poste de gouverneur qui doit être confiné dans un grade unique. L'opinion publique ne comprendrait pas qu'il y eût des gouverneurs de troisième classe, de deuxième classe ou de première classe.
En revanche, les adjoints du gouverneur doivent pouvoir évoluer dans des catégories ascendantes ayant pour but d'amener les meilleurs d'entre eux vers la consécration suprême.
Ces règles qui se sont révélées d'application impossible en 1956 en raison du manque de cadres qualifiés et en raison de la mission très spéciale que fixa Bourguiba à « ses » gouverneurs devraient aujourd'hui encadrer et structurer la vie régionale.
Les délégués doivent eux aussi être nommés par décret, soigneusement choisis et protégés par un vrai statut.
B- Les servitudes :
Mais le corps des personnels supérieurs de l'administration régionale doit se singulariser par des servitudes qui le distinguent des autres catégories du personnel civil. Ce sont elles qui font la grandeur de la fonction.
A cet égard, les dispositions du Titre IX du décret du 21 juin 1956 sont saines et «posent » ces agents. Il prévoit des dispositions spéciales dérogatoires au statut particulier des administrateurs civils : l'article 39 interdit aux cadres supérieurs de l'administration régionale d'assumer une quelconque responsabilité au sein d'un groupement politique, professionnel ou confessionnel.
On objectera que les délégués actuels ont été cooptés par des partis, dans le cadre d'un nébuleux et sordide système de quotas. Il appartient au gouvernement d'y mettre bon ordre par les voies qu'il jugera les plus indiquées pour restaurer le crédit de ces agents. Un délégué « étiqueté » risque en effet de se retrouver isolé et de perdre cette capacité qu'il doit avoir à aller vers les gens et surtout à les inciter à venir à lui.
Les gouverneurs devraient être en situation de dissiper toutes les suspicions et les équivoques tenant à leur éventuelle appartenance à un parti politique.
Il est urgent de renforcer les attributions des personnels supérieurs de l'administration régionale au lieu de les affaiblir pour complaire à des conseilleurs qui ne seront pas les payeurs. Tout échec de la réforme et le retour contraint à des schémas anciens serait mortifère pour l'Etat. Il faut « professionnaliser » ce corps pour que les élus et le très puissant futur président du conseil régional trouvent un interlocuteur coopératif, compétent, objectif, désintéressé et d'égale importance. Il en va bien sûr de la pérennité de l'Etat, de la réussite de la réforme mais surtout de l'unité nationale.
L'Amicale des gouverneurs de la République


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