Par Moez LABIDI, professeur de finance internationale Capitaliser cette bonne nouvelle, en s'inscrivant activement dans une véritable dynamique de réforme. Les avancées significatives sur quelques dossiers ont pesé dans la négociation. Plus le gouvernement Chahed se lance dans des actions crédibles sur le terrain de la lutte contre la corruption, plus il aura de la marge pour démarrer les réformes structurelles. Le FMI ouvre le bal. Les autres bailleurs de fonds (Banque mondiale, BAD, Berd) ne vont pas tarder à rejoindre la piste. Les autorités tunisiennes ont réussi le challenge de la négociation. Les avancées significatives sur quelques dossiers ont pesé dans la négociation. Reste à surmonter celui des réformes les plus audacieuses (caisses sociales, entreprises publiques, gouvernance administrative). Les autorités tunisiennes sont amenées aujourd'hui à capitaliser cette bonne nouvelle, en s'inscrivant activement dans une véritable dynamique de réforme, loin du show, loin des demi-mesures. Il faut se garder de tout triomphalisme pour l'instant, tant que la croissance n'est pas de retour. Car, avec une croissance en berne, une productivité des facteurs de production décevante, une fièvre revendicative déstabilisante pour les finances publiques, une opposition et une presse traversées par le populisme, il n'y a pas de quoi se réjouir. Bref, un contexte très favorable pour d'autres rounds plus musclés avec le FMI, où la Tunisie post-révolution laissera des plumes si la sagesse n'est pas de retour. Oui nous pourrons échapper aux diktats du FMI. Mais uniquement si le courage politique cohabite avec la sagesse syndicale. L'heure n'est plus à l'attentisme et aux mesurettes. Les réformes cosmétiques ne peuvent en aucun cas garantir une reprise dans une économie lourdement défigurée par la montée de la corruption et des revendications démesurées. L'heure est plutôt au courage politique pour rétablir la confiance et déminer le climat social. Plus le gouvernement Chahed se lance dans des actions crédibles sur le terrain de la lutte contre la corruption, plus il aura de la marge pour démarrer les réformes structurelles. L'heure n'est plus aux revendications sociales déstabilisantes pour les finances publiques. La Tunisie a besoin d'un syndicalisme responsable qui intègre dans son radar la productivité, la compétitivité, et le stock de chômeurs diplômés. Avec une masse salariale étouffante pour le budget, il n'y aura aucun avenir pour nos enfants. L'heure n'est plus au discours populiste qui s'extasie sur le blocage des entreprises stratégiques (CPG, Groupe chimique, Champs pétrolifères) et qui diabolise notre recours au FMI et au marché international. L'origine de la montée du taux d'endettement, de l'évaporation des réserves de change, du glissement du dinar n'est pas à rechercher dans les coffres de la BCT mais plutôt dans nos comportements de consommation, dans les sit-in devant les entreprises, dans le trend haussier de la courbe de la masse salariale, dans la mauvaise gouvernance des entreprises publiques et surtout dans la main tremblante face aux lobbies du formel et de l'informel, qui nous habite depuis la révolution. Nous devrons rappeler que plus la machine des réformes tarde à voir le jour, plus le spectre de la dévaluation à l'égyptienne et la cure d'austérité à la grecque planeront sur l'économie tunisienne. Les Tunisiens feront-ils preuve de patience ? Attention, je ne suis pas sûr !