Au sein du Parlement, division sur le maintien de la date du 17 décembre prochain pour les municipales. Une précision juridique s'impose : même si le code des collectivités locales est adopté en septembre prochain, il faut attendre six mois pour qu'il entre en vigueur Réunie vendredi, la Commission de l'organisation de l'administration et des affaires des forces porteuses d'armes a décidé de reporter l'examen du Code des collectivités locales au début du mois de septembre prochain. En pleine campagne d'inscription des électeurs et alors que les organisations de la société civile ont exigé son vote en plénière à la fin du mois d'août, la décision du report marque peut être un tournant pour les élections municipales à venir le 17 décembre prochain. Il y a seulement quelques jours, l'observatoire « Chahed » recommandait à l'ARP de faire de ce projet une priorité absolue, mais il semble qu'il n'a pas été entendu. « Les ONG doivent savoir qu'il y a des vacances parlementaires du 1er août au 30 septembre, et parce que nous savons que le CCL est important, nous allons revenir en commission dès le 1er septembre pour continuer à l'examiner», nous explique Mohamed Naceur Jebira (Nida Tounès), président de la commission. Selon lui, la décision aurait été motivée par le planning beaucoup trop chargé de l'Assemblée. En effet, jusqu'à fin juillet, le Parlement vivra au rythme de séances plénières pour voter des projets de loi, dont certains « revêtent un caractère d'urgence ». « Il est impossible de travailler en commission lorsque des plénières sont programmées, indique le président de la commission. Et il est impossible de reporter le vote de certains projets de loi prioritaires pour le gouvernement». Pour le deuxième rapporteur adjoint de la commission de l'organisation de l'administration et des affaires des forces porteuses d'armes, Khaoula Ben Aicha (Machrou Tounès), il n'est pas bon de voter, dans la précipitation, un texte de la taille (plus de 360 articles) et de l'importance du Code des collectivités locales, qui régira une Tunisie décentralisée pendant au moins les 30 prochaines années « Certaines parties du texte ont été considérées comme inconstitutionnelles, de plus, certains chapitres sont très mal rédigés, dit-elle pour illustrer la difficulté de la tâche des 21 députés de la commission. Khaoula Ben Aicha estime par ailleurs qu'il faudrait trancher à propos du rôle et des prérogatives du gouverneur (représentant du pouvoir central). « Pendant les vacances parlementaires, les conseillers de la commission vont regrouper l'ensemble des propositions de la société civile, notamment sur les questions de démocratie participative, pour pouvoir mieux les étudier à la rentrée », précise le rapporteur. Une décision précipitée De son côté, le député de l'opposition Mabrouk Harizi du Bloc démocrate et membre de la commission pense que ce report risque de démotiver les électeurs. « C'est une décision précipitée, je n'étais malheureusement pas présent lors de cette réunion, sinon je m'y serais opposé, déclare-t-il. Il y a aujourd'hui l'idée d'une session parlementaire extraordinaire pendant l'été. Le report est une décision douteuse qui contribue à détourner le citoyen des élections municipales ». Dans l'embarras, l'association Al-Bawsala n'a pas encore officiellement commenté ce report, elle qui, en compagnie de trois autres ONG, avait présenté un calendrier qui prévoyait un vote pour le mois d'août. Pour Al-Bawsala, c'est un vrai dilemme, car elle sait plus que d'autres que le parlement croule sous les dossiers et les urgences. « Le parlement est débordé et la session parlementaire devra prendre fin en juillet, commente Amira Kridagh, chargée du projet Marsad Majles chez Al-Bawsala. Même si nous avions demandé un vote pour août, je crois que même en septembre, si les élus travaillent sérieusement, le projet peut être bouclé en un mois ». D'autre part, elle estime que la commission réunie vendredi pour moins de deux heures aurait pu travailler plus sérieusement et entamer au moins l'examen article par article. Amira Kridagh rappelle sur le fond que le principal défi de ce projet de loi est d'éviter le contrôle a priori des collectivités locales, que ce soit à travers le gouverneur ou le trésorier régional. Dans le projet, ces deux personnages clés disposent d'un droit de regard et parfois même de veto sur le budget des municipalités. « C'est aux tribunaux de trancher a posteriori en cas de litige », considère Amira Kridagh. Possible report ? Fixée au 17 décembre, la date des élections municipales est loin de faire l'unanimité et au vu de la lenteur des préparatifs, personne ne peut certifier qu'elles auront bien lieu à la date prévue. Dans les coulisses ou ouvertement, certains hommes politiques laissent entendre que ces élections devraient être repoussées pour encore quelques mois, soit en 2018. C'est l'avis du président de la commission chargée d'examiner le CCL, Mohamed Naceur Jebira, qui ne cache pas son scepticisme quant à la date du 17 décembre 2017. « Je crois qu'il n'est pas possible d'organiser des élections sans que le chapitre 7 de la Constitution n'entre en vigueur, note-t-il. Objectivement, la date du 17 décembre n'est pas réaliste ». Une opinion partagée par le deuxième rapporteur adjoint de la commission, Khaoula Ben Aicha, pour qui, il est plus sage de reporter ces élections à une date ultérieure. « Je sais que l'Isie est prête mais l'Etat ne l'est pas, lance-t-elle. Les nouvelles municipalités ne sont pas prêtes, pas de tribunaux administratifs dans les régions, etc. » En revanche, Mabrouk Harizi plaide pour le maintien de la date du 17 décembre, estimant que le vote du CCL n'est pas indispensable. « Il faut savoir que même si le CCL est voté, il devra y avoir un délai de 6 mois avant qu'il ne puisse entrer en vigueur. Donc je crois qu'il faut maintenir cette date du 17 décembre et ne pas lier les élections au vote du CCL, explique Mabrouk Harizi. Il faut dans ce sens sensibiliser les citoyens au fait que la décentralisation est un processus et que les prérogatives des élus locaux pour le prochain mandat ne vont pas être très différents de ceux de la loi de 1975 ». « Cela n'a pas de sens », rétorque Amira Kridagh, qui craint une campagne électorale pendant laquelle les candidats feront des promesses qu'ils ne pourront pas tenir. « Le problème, c'est aussi les dispositions transitoires du projet de CCL qui énoncent qu'il faut des décrets d'application pour que la loi entre en vigueur. Or, selon le ministère des Affaires locales, dix décrets seulement sont actuellement prêts, mais il en manque toujours une vingtaine », fait-elle remarquer. A exactement cinq mois de la date prévue pour les élections municipales, la confusion est totale. Ni les partis, ni l'Etat, ni le parlement, ni l'Isie en convalescence de ses crises internes, et encore moins les citoyens, ne semblent préparés à l'échéance. L'été portera peut-être conseil. Rappelons cependant que la décision du report des élections revient à l'Instance supérieure indépendante pour les élections.