Le duo tuniso-iranien Dorsaf Hamdani et Aïda Nosrat a présenté « Sakarat » (Ivresses), vendredi dernier au Musée de Carthage dans le cadre de la 53e édition du Festival international de Carthage, devant un petit nombre de spectateurs. Il s'agit d'une création arabo-persane conçue et produite par Accords Croisés et dirigée par Saïd Assadi.« Sakarat » ou « Ivresses » se présente comme un éloge du destin et de la joie de vivre d'après les quatrains, extraits du recueil de « Rubaiyat » (Quatrain) du poète persan Omar Khayam, né en 1048 à Nichapur en Iran. Accompagnées des excellents musiciens iraniens Saman Samini au Kemantche et Milad Mohammadi au tar et des Tunisiens Sofien Ngara au oud et Habib Meftah Boushehri à la percussion, les deux chanteuses ont mis leur voix au service de très beaux poèmes mystiques qui représentent une ode à l'amour de la vie et font un pied de nez aux détracteurs morbides. Par sa tonalité intimiste, le concert aurait, sans doute, mieux fonctionné dans un cadre fermé comme l'Acropolium de Carthage ou encore au Palais du Baron d'Erlanger, car un vent fort s'est invité au spectacle en trouble-fête. Jouant sur les mots Dorsaf Hamdani a déclaré : «On va s'envoler d'ivresse». Malgré la virtuosité technique des musiciens et des interprètes, la représentation n'a pas atteint cette ivresse métaphorique tant recherchée. Après 1h30 de spectacle, le public est resté sur sa faim. Certains spectateurs ont quitté la salle avant la fin de la représentation et d'autres ont beaucoup apprécié ce genre de musique du monde qui s'inscrit dans ligne éditoriale d'un festival comme « Musiqat ». «Ne perds rien des doux moments de notre vin. Ne pense pas au lendemain de cette nuit. Prends du vin, il faut saisir les doux moments de notre vie». Les vers indicibles sont d'une infinie subtilité traduisant la puissance de l'inspiration du poète. Dorsaf Hamdani et Aïda Nosrat ont eu le mérite de les déterrer et de les mettre en valeur avec chacune un timbre de voix différent mais l'ivresse n'était pas au rendez-vous ce soir-là malgré le charme des collines de Byrsa qui surplombent la ville. Etait-ce la faute au vent ? On se croirait embarquer dans un navire pour un voyage musical troublant où se mêlent dans une joyeuse harmonie des rythmes persans et des « Toubouâ » tunisiens. Ce n'est pas la première fois que Dorsaf Hamdani s'intéresse à la chanson soufie et à Omar Khayam. En 2011, elle a présenté « Ivresses » avec le multi-instrumentiste iranien Alireza Ghrobani. En 2012, « Melos » avec le percussionniste iranien Keyvan Chemirani et en 2006 « Ya Mawlena ». S'étant essayée à plusieurs genres, elle a, visiblement, trouvé sa voie avec un style de musique s'appuyant sur les spiritualités « Rouhaniet ». Un style qui lui va bien mais qui mérite d'être plus approfondi d'autant plus qu'elle maîtrise à la fois l'arabe et le perse et jongle avec les diverses tonalités musicales. Pour revenir au spectacle, le vent s'est mis en transe dans ce voyage à la croisée des deux cultures arabe et perse. L'objectif : une invitation à se laisser hanter par une poésie mystique qui invite à l'amour et à l'ivresse spirituelle, une invite à une méditation intérieure qui est l'essence même cette quête du spirituel.