Après le départ de Ben Ali en Arabie Saoudite, ils ont été sept partis se proclamant d'obédience destourienne à vouloir hériter de Bourguiba et de son parti. Aujourd'hui, seule Abir Moussi continue à résister, à faire entendre sa voix et à défendre Bourguiba et les acquis de son ère Ont-ils décidé par eux-mêmes de s'exclure du paysage politique et civil aussi ? Pourquoi on n'entend plus parler de Kamel Morjane, Mohamed Jegham, Mondher Zenaïdi et Abderrahim Zouari, sauf quand on découvre, via vidéos dans les réseaux sociaux, leur présence à une réception donnée par une ambassade quelconque ? Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), est la seule à être présente sur la scène médiatique et de quelle manière ! Loquace et tenace, a-t-elle réussi à rassembler les destouriens et les rcdistes (pour elle, il n'existe pas de différence) plus divisés que jamais ? Son discours actuel est-il le plus approprié pour répondre aux attentes des destouriens et sa gestion du PDL est-elle la meilleure pour qu'au moins ceux qui rejoignent le parti y restent ? Qu'est-ce que les destouriens ont-ils préparé en prévision des élections municipales qui sont pour demain ? Autant de questions qui préoccupent beaucoup de Tunisiens, plus particulièrement ceux qui ont toujours la fibre destourienne, qui considèrent que les destouriens ont, encore, un rôle à jouer dans la vie politique nationale et qui se rappellent que les deux mois de juillet et d'août constituent «les mois destouriens» par excellence, dans la mesure où ils renferment les grandes dates symboles du parti de Bourguiba : le 25 juillet, date de l'instauration du régime républicain, le 3 août, date anniversaire du leader Habib Bourguiba, le 13 août, date de la promulgation du Code du statut personnel (CSP) et aussi le 3 septembre 1934, date de la première arrestation, par les autorités coloniales du président Habib Bourguiba qui a insisté pour que les gendarmes l'embarquent sous les youyous des femmes de Hay Trabelsia à Monastir. Et quand on pose la question aux detouriens : où êtes-vous, ils se contentent de répondre : «Abir Moussi nous écrase, Mohamed Ghariani nous a trahis en choisissant de se ranger du côté d'Ennahdha pour ne plus retourner en prison ; Kamel Morjane se contente de sa propre carte de visite d'ancien ministre et d'ancien candidat à la présidence de la République et est très heureux de se voir invité par les ambassades étrangères quand elles donnent une réception ou offrent un barbecue ou un dîner d'iftar ; Mohamed Jegham a coupé le cordon avec Kamel Morjane et pioche du côté de Mehdi Jomaâ et de Mohsen Marzouk pour se garantir un strapontin à même de lui assurer une présence symbolique sur la scène nationale ; Ahmed Mansour et Taoufik Ben Khoud ont disparu de la circulation sans laisser d'adresse où les joindre au cas où une place serait à remplir». Tarak Ben M'barek : «Les témoignages de Ghariani, Guiga et Ganzoui ne leur font pas honneur». Le Dr Tarek Ben M'barek, ancien membre du comité central du RCD et ancien chef de la coordination nationale destourienne, laquelle coordination se proposait de créer un front destourien réunissant les sept partis destouriens créés après la révolution ou au moins intégrer Nida Tounès, le parti que les destouriens et les rcdistes ont porté aux palais de Carthage et du Bardo, confie à La Presse : «La coordination est morte. Abir Moussi fait ce qu'elle peut et même si son discours est virulent, sa gestion du Parti destourien libre est critiquable dans la mesure où elle a réussi à créer le vide autour d'elle et faire du PDL son parti personnel, elle reste le seul espoir de voir les destouriens échapper à la formation d'une race en cours d'extinction définitive. Je ne partage pas beaucoup ses convictions et ses lectures de l'histoire de notre parti. Son discours très dur envers les autres partis n'est plus d'actualité. Maintenant, il faut qu'elle nous propose des alternatives réalistes et réalisables et il faut aussi qu'elle établisse des partenariats avec les partis qui partagent nos idéaux. Bref, je lui conseille d'avancer et de ne plus se contenter de ce que les destouriens ont acquis. Les réalisations appartiennent à tout le monde. Il est vrai que ce sont les destouriens qui ont accompli l'essentiel durant les soixante dernières années. Mais maintenant, il faut regarder vers l'avenir. Et cet avenir, tous les Tunisiens doivent le construire ensemble. Je ne pense pas que Mohamed Ghariani, Driss Guiga et Mohamed Ali Ganzoui ont encore un rôle à jouer en matière d'édification de cet avenir. Leurs témoignages devant l'IVD lors de l'audition consacrée à la falsification des élections durant les ères Bourguiba et Ben Ali ne leur font pas honneur. Ils confirment, plutôt, l'idée selon laquelle beaucoup de destouriens malpropres doivent se taire. Et entre destouriens, nous nous connaissons bien et nous n'avons pas besoin de Sihem Ben Sedrine pour nous aider à vider nos sacs». Du côté du parti de Mohamed Jegham «Al Watan Al Mouwahhad» (la Nation unifiée), on préfère parler d'actualité. Nizar Ben Saâd, universitaire et membre du bureau politique du parti, explique : «Pour nous, la bataille numéro 1 est celle de l'éradication de la corruption. Cette guerre dépasse les partis, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition. Il y va de la pérennité de l'Etat tunisien et si par malheur cette bataille est perdue, c'est la catastrophe générale. Et même si les destouriens sont toujours divisés et que nos leaders n'ont pas dépassé leurs ego, il nous faut nous ranger derrière Youssef Chahed et le soutenir à fond parce que tout simplement nous sommes tous menacés d'extinction au cas où les corrompus et les corrupteurs arriveraient à renverser la vapeur et à obliger le chef du gouvernement à rendre le tablier». Il ajoute : «Les destouriens sont convaincus que le pays est dominé, hélas, par deux partis qui ont d'autres priorités. Ce qui n'a pas empêché notre parti d'annoncer qu'il est en négociation avec d'autres partis de même obédience politique et idéologique en vue d'un large front à même de s'imposer sur l'échiquier politique».