A peine adoptée en juillet dernier, la loi intégrale 2016-60 sur l'élimination de la violence contre la femme n'a pas fini de revivifier le débat, particulièrement dans le camp féminin. Hier, elle a fait l'objet d'une conférence de presse à Tunis, tenue à l'initiative de la Coalition nationale antiviolence (Cnav), un collectif de plus de 60 associations et organisations civiles, toutes mobilisées pour avoir gain de cause. Cette manifestation s'inscrit dans le cadre des festivités marquant la fête nationale de la Femme, célébrée le 13 août, ayant coïncidé avec le 61e anniversaire de la création du CSP, initié par le leader Habib Bourguiba en 1956. Modératrice des interventions, l'universitaire Hafidha Chekir, élue l'année dernière vice-présidente de la Fédération internationale des droits de l'Homme (Fidh), n'a, d'emblée, pas manqué de se féliciter de l'adoption, le 26 du mois écoulé, de la loi en question. Elle y voit l'aboutissement d'un combat de longue haleine mené depuis des années. « Voire une nouvelle pierre féministe dans l'édifice de la révolution », comme l'a bien qualifié la Cnav. Amal Yaâcoubi, jeune activiste au sein d'Euromed-Tunisie, a fait valoir qu'une telle adoption a constitué « un moment historique » et un honneur à l'égard de la femme tunisienne, couronnant ainsi un processus triomphal marqué par des campagnes de sensibilisation. « C'est aussi une manière de rendre hommage aux militantes du mouvement féministe, en leur procurant un nouveau cadre juridique protecteur tant préventif que défensif», lance-t-elle. Sur ce point, elle a donné un aperçu du parcours militant de ladite coalition, entamé depuis 2015. Et de faire remarquer qu'une soixantaine d'associations la composant avaient animé plusieurs manifestations et conférences, présentant une certaine lecture comparée riche en exemples argumentés. Leur plaidoyer, fort défendu, avait gagné l'ARP, le ministère de la Femme et bien d'autres instances onusiennes. En attendant sa promulgation, sous peu, dans le Jort, a-t-elle souhaité, cette loi interdisant toute forme de violence faite à la femme demeure un droit acquis et un motif de fierté. Parcours difficiles Abondant dans le même sens, Mme Sana Ben Achour, présidente de l'association « Beity », a rappelé les pas franchis sur la voie de l'élaboration du projet de loi et son adoption jusqu'à sa récente signature par le président de la République. Elle a tenu à exposer ses quatre phases fondamentales. A priori, ce fut celle du lancement au bout de quatre mois, soit de juillet à octobre 2014, où on avait commencé par mettre en place une commission indépendante chargée de poser les premiers jalons vers une loi globale et exhaustive. Cela dit, une réflexion sur la révision des lois relatives à la femme, à même d'éliminer toute forme de violence et de discrimination faites à son encontre. « Notre revendication était de disposer d'une nouvelle loi qui rompe avec les inégalités entre homme et femme», mais non d'un code pénal bis, résume-t-elle. La seconde phase a été marquée par un essoufflement au cours de laquelle le projet de loi fut la cible d'une calomnie de toutes parts visant à le faire tomber à tout prix. Cela étant, il a été question de créer une nouvelle commission ministérielle. L'on arrivait, alors, à la troisième étape, où le fait de rectifier le tir s'imposait comme une urgence. Et l'examen du projet de loi devant la commission parlementaire des droits et des libertés étant, ainsi, l'ultime phase, celle des améliorations supplémentaires. « Mais, on aurait pu mieux faire», se rétracte Imed Zouaghi, au nom d'Oxfam. La Cnav a mis de la pression et tenu bon, d'autant qu'elle n'a pas manqué au débat général à l'ARP. « Certes, il y avait eu beaucoup de tiraillements, mais nous avons finalement gagné avec brio la bataille, laquelle fait suite à l'élan du mouvement féministe», a-t-il jugé. Mme Ahlem Belhaj, de l'Atfd, était aussi du même avis. Sa lecture critique de la loi 2016-60 lui a permis de dégager des forces et des carences. L'exhaustivité de la loi intégrant une approche des droits de l'homme et celle du genre en est un point fort. Sans pour autant perdre de vue les nouvelles définitions introduites, telles que la violence politique, la discrimination positive, la vulnérabilité, auxquelles s'ajoutent le rôle de la société civile, l'observatoire de lutte antiviolence, ainsi que la vocation préventive et protectrice de la loi concernée. Toutefois, l'absence de références juridiques, le refus de l'approche genre social, l'organisation de la vie conjugale, l'expression « dans la limite du possible » et la non-disposition des lignes budgétaires à cet effet sont autant de failles immanquablement dénoncées. Pour Walid El Arbi (Beity), il y a encore du chemin à parcourir. Des défis et des perspectives qui mènent à l'application de la loi.