L'un des mérites des festivals locaux dans les zones rurales, et non des moindres, est de perpétuer une discipline équestre connue sous le nom de «mdaouri». Ils sont nombreux les petits festivals à faire la part belle aux spectacles équestres, en hommage à la plus noble conquête de l'Homme, dans toutes leurs facettes et variantes : la fantasia et le «mdaouri», deux disciplines hippiques accompagnant les fêtes qu'elles soient religieuses ou civiles : les «zerdas», dédiées au saint patron de la région, la célébration des mariages, les circoncisions, la visite d'une notabilité, etc. Le point commun de la fantasia et du «mdaouri» réside dans le soin mis à l'apparat, qu'il s'agisse de l'habillement du cavalier ou du harnachement de sa monture. Cependant, la fantasia, particulièrement le «mchef», revêt une dimension plus collective et plus «solennelle», dans la mesure où elle parodie un assaut militaire, et qu'elle réunit de nombreux cavaliers. Elle exige, de ce fait, une coordination et une cohésion parfaites, une grande maîtrise technique, des qualités physiques appropriées et surtout une bonne dose d'audace et de maîtrise de soi. Par contre, le spectacle du «mdaouri» est un jeu plus individuel, même s'il peut réunir un duo de cavaliers voltigeurs. L'appellation vient apparemment de l'arabe «mdaouar», qui signifie rond, sachant que le cheval évolue dans un circuit fermé sous forme de cercle. Le spectacle du «mdaouri» est toujours suivi avec la même attention. C'est ce que nous avons pu constater lors d'une démonstration faite lors d'un festival local, celui de Sidi Makhlouf. Le public suit l'évolution du cavalier dans une discipline spontanée. Ce dernier, élégamment vêtu de son costume traditionnel, le port altier, entre dans l'aire soigneusement déblayée, chevauchant un cheval non moins richement habillé, paradant dans son harnais somptueux, la selle et le filet ornés de broderies et la croupe enveloppée dans une housse bigarrée. Déjà précédés sur la lice par un tambour et un joueur de fifre, le cavalier et sa monture, l'air majestueux, font une entrée cadencée au rythme des percussions. En guise de salut, le cheval multiplie les courbettes avant d'exécuter une danse bien rythmée, tantôt, faisant du surplace, tantôt faisant de petits sauts figurant un trot à petite allure, avant de se cabrer, pour reprendre son exhibition. Ensuite, au changement de rythme, le «mdaouri» imprime à son cheval une allure plus vive. C'est ainsi que commence une longue galopade qui va permettre au cavalier de montrer l'étendue de son art, multipliant les voltiges et variant les figures. Le geste souple et rapide, il se fait fort d'évoluer dans des postures risquées, chevauchant sa monture tantôt assis en amazone, tantôt sur l'encolure de son cheval. En un éclair, il saute par-dessus la croupe de la bête, touche à peine le sol pour rebondir et se remettre en selle, se maintient debout ou fait le poirier... avant de passer à une nouvelle démonstration en duo avec un garçon d'une douzaine d'années, probablement un fils ou petit frère en cours d'initiation, un néophyte, certes, mais dont l'exécution des exercices de la chorégraphie préparée à l'avance, n'en soulève pas moins les applaudissements du public accompagnés par les youyous nourris des femmes... Le spectacle prend fin sur les nouvelles courbettes du cheval, fier d'agiter le pompon ornant son front et d'avoir été la star de la lice durant plus d'une vingtaine de minutes et émerveillé les festivaliers. Pour avoir organisé un spectacle aussi magnifique, et pour apporter leur contribution à assurer la survie du patrimoine équestre en Tunisie, le festival de Sidi Makhlouf et celui d'Agareb méritent, tout autant que les autres festivals qui programment des spectacles de fantasia et de «mdaouri», nos hommages les plus vifs. Pourtant, il s'agit de parents pauvres de la culture, de laissés-pour-compte qui tirent le diable par la queue pour survivre, et c'est vraiment dommage !