Youssef Chahed passe tout au peigne fin, paraît-il. Il remonte les archives, traque la traçabilité du traçable, diligente des enquêtes minutieuses en vue de ne pas nommer des gens qui traînent des casseroles ou cachent quelque cadavre dans le placard. Le remaniement n'aura lieu qu'après l'Aïd. Il toucherait sept à dix départements ministériels et engloberait même un ministère de souveraineté. Les partis avancent leurs candidats. Les cercles obscurs et autres coteries aussi. Chacun veut une place au soleil. Les féodalités politiques se télescopent, sur fond de groupements d'intérêt, de réflexes de castes, de sectes, de régionalisme et de corporatisme. Le remaniement ministériel tant attendu, commenté à tort et à raison, édulcoré à toutes les sauces et travesti de tous les travers d'une classe politique à court d'arguments aura lieu après l'Aïd. Cest-à-dire début septembre. La raison ? Le Parlement fait de la résistance à sa manière. Aux dernières nouvelles, M. Youssef Chahed a mis les choses au point. Le chef du gouvernement a officiellement contacté M. Mohamed Ennaceur en vue d'une session extraordinaire du Parlement pour approuver ou désapprouver les nouvelles nominations. Ce dernier a évoqué la nécessaire réunion du bureau de l'Assemblée au milieu de la semaine prochaine. Du coup, le remaniement et son parachèvement par le Parlement n'auront lieu qu'après l'Aïd, à moins d'un miracle, ou d'une décision politique qui officierait alors comme un passage en force, ou un recours de dernière minute. Le remaniement toucherait sept à dix départements ministériels. Il engloberait même un ministère de souveraineté, probablement celui de l'Intérieur. En somme, en plus des trois ministères déjà vacants (Education, Finances et Coopération internationale), le remaniement toucherait également un ministère régalien et des départements techniques. Parmi eux, il y aurait probablement la Santé, le Transport, l'Industrie et le Commerce ou peut-être même la Bonne gouvernance. Soyons clairs. Nul n'en sait encore rien dans le détail. Et très peu sont dans le secret des dieux. Youssef Chahed passe tout au peigne fin, paraît-il. Il remonte les archives, traque la traçabilité du traçable, diligente des enquêtes minutieuses en vue de ne pas nommer des gens qui traînent des casseroles ou cachent quelque cadavre dans le placard. Les révélations épisodiques sur des scandales et affaires compromettantes liés à tel ou tel ministre en exercice dissuadent de toute légèreté en la matière. Parce qu'elles tirent tout le gouvernement vers le bas et opèrent un certain nivellement par la médiocrité. Entre-temps, le concert des ministrables en puissance bat son plein. A raison parfois, mais à tort le plus souvent. N'importe qui aspire à n'importe quoi et n'importe comment. Les partis avancent leurs candidats. Les cercles obscurs et autres coteries aussi. Chacun veut une place au soleil. Les féodalités politiques se télescopent, sur fond de groupements d'intérêt, de réflexes de castes, de sectes, de régionalisme et de corporatisme. Un panier à crabes Un spectacle désolant, qui révèle la chose politique sous un jour blafard et douteux. Et qui en dit long sur la faiblesse désormais structurelle d'une classe politique en panne ou en accointance avec des cercles peu recommandables, sinon carrément mafieux. Bien évidemment, cela ne met pas tout le monde dans le même panier. Mais le spectacle de la scène politique dans sa configuration actuelle démontre par l'absurde que la politique est un panier à crabes. En même temps, peu de candidats-ministrables font valoir un programme, une vision, des choix clairs, porteurs et tranchés. Dans maintes situations leurs arguments se confinent au copain-coquin ou au pourquoi-pas-moi. Les partis politiques de la place les confortent dans leurs attitudes. Youssef Chahed a bien fait un tour d'horizon avec les différents partis en vue de sonder leurs requêtes, intentions et propositions sur le remaniement escompté. Des informations ont fuité par-ci par-là. Dans la plupart des cas, c'est la logique des chapelles qui l'emporte. Leur credo est comme suit : «Mon homme, mon séide, ma chasse gardée». Ennahdha et Nida Tounès tiennent le haut du pavé dans ce concert de fausses notes. Les autres suivent tout en y mettant du leur. Plusieurs noms reviennent à plusieurs postes proposés. Bref, c'est la curée. Bien entendu, il appartient à Youssef Chahed de trancher en dernière instance. Le ferait-il en voulant contenter toutes les parties en lice ? Dans ce cas, voulant être une synthèse, il ne serait qu'une faute composée. Autrement, il doit prendre son destin en main. Parce que si tout le monde a tendance à revendiquer la même gloire, pour peu qu'elle existe, on fait porter la responsabilité de l'échec à un seul. Et les prédécesseurs de Youssef Chahed en savent quelque chose. Amèrement et à leurs seuls dépens. Au lendemain d'une défaite des socialistes français aux cantonales, Pierre Bérégovoy avait dit : «Le Président a nommé Fabius parce que c'était le plus jeune, Rocard parce que c'était le plus brillant, Cresson parce que c'était une femme, et moi parce que c'était trop tard». Il y a le timing certes, mais il faut surtout les hommes qu'il faut.