Les partis politiques focalisent essentiellement sur les fauteuils que leur accordera Youssef Chahed dans son prochain gouvernement. Les associations de la société civile investissent le terrain pour convaincre les Tunisiens d'aller voter le 17 décembre prochain et que les municipales n'auront de sens que si le code des collectivités locales est adopté avant cette date. «Que valent réellement les élections municipales au cas où le code des collectivités locales ne serait pas adopté avant le 17 décembre prochain?». C'est le thème de la conférence de presse-débat qu'organisent aujourd'hui Bawsala, l'Atide, Kolna Tounès et l'Association tunisienne de gouvernance locale (Atgl), dans le but de lancer le débat général sur l'urgence de mettre au point le code des collectivités locales avant que les Tunisiens et les Tunisiennes ne choisissent leurs prochains conseils municipaux pour les cinq années à venir (2017-2022). «Saïeb El Majalla» (Lâchez le code), c'est le thème de la rencontre qu'organise demain, mercredi 30 août à Tunis, le Réseau alternatif des jeunes (RAJ) en vue «d'examiner les derniers développements survenus sur la scène politique nationale» et de dévoiler au public pourquoi certaines parties poussent pour que les élections municipales se déroulent sur la base de la loi organique du 14 mai 1975, estimant qu'il est possible de reporter l'adoption du code des collectivités locales et de l'adopter après le 17 décembre 2017. Les deux activités qui sont d'une actualité brûlante poussent aux observations suivantes. D'abord, ce sont des associations de la société civile dirigées par des jeunes, dont la grande majorité ont commencé à s'intéresser à la politique après la révolution, qui prennent l'initiative pour susciter un débat sur une question cruciale et déterminante pour ce qui est de l'avenir de l'expérience démocratique tunisienne. Il s'agit de la gestion directement par les Tunisiens des affaires de leurs cités en concrétisation du chapitre 7 de la constitution relatif à la décentralisation. En effet, les dispositions contenues dans ce chapitre définissent la manière par laquelle les Tunisiens géreront leurs régions à travers des collectivités locales (municipalités, régions et zones rurales) qui bénéficieront de l'autonomie financière et administrative et agiront librement sans attendre les directives ou les autorisations des autorités centrales. Et ce sont bien des associations de la société civile qui se mobilisent quotidiennement afin d'inciter les législateurs (les députés) à donner corps et âme à la législation qui permettra aux régions de se prendre en charge et d'assumer pleinement les responsabilité de décider de leur devenir. Ensuite, les partis politiques, notamment les plus influents, Ennahdha et Nida Tounès, se distinguent par leur silence total et leur démission préoccupante en matière de sensibilisation et des Tunisiens et de leurs bases militantes sur l'urgence de l'adoption du code des collectivités locales censé régir les municipales du 17 décembre prochain. Il est à observer que ces partis qui s'affairent ces derniers jours à dresser leurs listes de ministrables soumis à Youssef Chahed et leurs listes de candidats aux municipales n'ont pas jugé utile de tenir un seul atelier de travail ou une conférence-débat d'une demi-journée pour sensibiliser les électeurs aux enjeux relatifs au rendez-vous électoral municipal et à ce que les Tunisiens attendraient de leurs futurs conseils municipaux au cas où les élections se dérouleraient sur la base de la loi de 1975 ou sur la base du nouveau code des collectivités locales si les députés consentent l'effort nécessaire et l'adopteront avant la date fatidique du 17 décembre 2017. Et pour dire les choses crûment, on se pose la question suivante: pourquoi les partis politiques dans leur majorité écrasante (ce ne sont pas uniquement les nahdhaouis et les nidaïstes qui sont suspendus à ce qui se passe à Ksar Eddhiafa) ont-ils décidé de laisser la place libre aux organisations et associations de la société civile pour qu'elles chassent sur leurs terres et empiètent sur les compétences qui leur sont accordées en matière d'encadrement, de conscientisation et de sensibilisation des citoyens portant encore un soupçon d'intérêt à la chose publique ? Nos politiciens dépensent quotidiennement leur énergie et leur savoir-parler à nous dresser les conditions auxquelles doit obéir le remaniement ministériel et à définir les critères de compétence et d'intégrité que doivent remplir les futurs ministres de Youssef Chahed, lui aussi sommé de dénicher ces oiseaux rares en dehors des partis politiques qui ont déjà «fourni au gouvernement des ministres qui ne méritent même pas le poste d'un agent d'exécution au sein d'une recette postale ou des finances à Feriana ou à Gaâfour», comme le souligne Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'Ugtt. Enfin, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), dont le président et les membres du bureau font perdurer le suspense et le font monter à ses plus hauts niveaux à propos de la fameuse session exceptionnelle annoncée à la clôture, le 31 juillet dernier, de la 3e législature (2016-2017). Malheureusement, on attend encore que la date de cette session soit arrêtée et on a le sentiment qu'il s'agit, du côté du palais du Bardo, d'une décision d'une importance égale à celle relative au remaniement ministériel. Hier, la présidente de Bawsala a exhorté le bureau de l'ARP à fixer une date pour la session exceptionnelle, dans les plus brefs délais, estimant qu'il est urgent que le Parlement élise le nouveau président de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) et adopte aussi le Code des collectivités locales. Est-il possible de discuter et d'adopter un code qui comprend quelque 380 articles lors d'une session exceptionnelle qui pourrait ne pas dépasser deux ou trois jours ? «Oui, c'est possible mais à condition que les députés s'y mettent réellement et à condition aussi qu'ils ne répètent pas ce qu'ils ont fait le 31 juillet dernier quand ils n'ont pas réussi à choisir le futur président de l'Isie», précise-t-elle.