L'ouverture officielle de la Cité de la culture est programmée pour début 2018. En attendant, on discute encore du cadre juridique qui gérera ses activités. Les créateurs et producteurs culturels s'en désintéressent totalement Au moment où tout le monde continue à se poser la question: la culture a-t-elle tiré profit de la révolution de la liberté et de la dignité, les créateurs et les opérateurs culturels qui étaient mal vus à l'époque de Ben Ali ou empêchés carrément de travailler pour raisons politiques et idéologiques ont-ils pris leur revanche sur ceux qui les tenaient à l'écart de l'acte culturel national sous toutes ses formes, une nouvelle importante est passée presque inaperçue ces derniers jours : la première tranche de la fameuse Cité de la culture sera remise avant fin octobre prochain au ministère des Affaires culturelles. C'est Mohamed Salah Arfaoui, ministre de l'Equipement et de l'Habitat, qui l'a annoncé lors d'une visite d'inspection qu'il a effectuée en compagnie de Mohamed Zine El Abidine, ministre des Affaires culturelles, au chantier de la Cité de la culture en vue de faire le suivi des travaux qui ont atteint un taux de réalisation de 90%, comme l'a annoncé le ministre. Donc, si les choses se poursuivent comme prévu et si l'entrepreneur respecte les délais auxquels il est astreint, on pourra affirmer que l'ouverture officielle de la Cité de la culture aura lieu début 2018. En d'autres termes, «la bâtisse stalinienne» qui faisait froid dans le dos du Dr Ezzeddine Bach Chaouch, ministre de la Culture dans le gouvernement intérimaire de Béji Caïd Essebsi, aura, enfin, pignon sur rue et ceux qui ont pris l'habitude de se ressourcer culturellement aux maisons de la culture Ibn Khaldoun et Ibn Rachiq auront une autre avenue à fréquenter, celle de l'avenue Mohamed-V et où ils pourront assouvir leurs désirs en théâtre, en chant, en expositions picturales, en danse et en lecture. Malheureusement, l'annonce de l'événement n'a suscité aucune réaction auprès de nos créateurs et acteurs de la scène culturelle nationale. Personne parmi ceux qui dépensent leur énergie et leur savoir-faire ou plutôt savoir-parloter pour «démolir le projet aussi bien à l'époque du président Ben Ali qu'après la révolution quand on a commencé à parler de renaissance de la Cité de la culture ne s'est donné la peine pour s'exprimer et nous dire si l'avènement de la Cité de la culture est à considérer comme un événement national un nouvel acquis au profit des gens qui aiment la culture etn par ricochetn la vie» ou si «la bâtisse stalinienne» ne fera qu'accentuer les dépenses faramineuses «du ministère des festivals de Carthage et de Hammamet» et ne profitera qu'aux éternels clients de l'argent de l'Etat qui ont réussi du temps de Bourguiba, de Ben Ali et de la révolution aussi à arracher des subventions conséquentes à des œuvres dont ils se contentaient de changer les titres ou d'y ajouter un ou deux personnages. Comment rentabiliser la Cité C'est le désintéressement total, y compris de la part de ceux qui attendent l'ouverture de la Cité de la culture pour s'y installer, pour y reproduire des spectacles que les Tunisiens connaissent par cœur. Au ministère des Affaires culturelles, on applique le dicton «mieux vaut tard que jamais» et Mohamed Zine El Abidine motive les cadres et les experts et conseillers à profusion de son ministère pour qu'ils élaborent un cadre juridique qui devra gérer la Cité de la culture et permettre à l'Etat de recouvrer l'argent qu'il a dépensé afin que le projet renaisse de ses cendres. Jeudi dernier, on s'est réuni au siège du ministère des Affaires culturelles en vue de mettre au point un plan d'action dont l'objectif principal est de faire en sorte que la Cité ne constitue pas «un fardeau pour les finances publiques mais plutôt un centre de rayonnement rentable qui réponde aux priorités du modèle de développement auquel les Tunisiens aspirent». Autrement dit, les espaces que contient la Cité seront rentabilisés et il y aura des «partenariats avec les spécialistes du secteur culturel et artistique», tout en veillant à ce que «la nouvelle institution soit souple dans la gestion des espaces qu'elle comporte». Le communiqué publié à l'issue de la réunion présidée par Mohamed Zine El Abidine se contente de généralités comme «la mise en place d'un nouveau modèle économique et culturel en concordance avec les besoins de la Cité de la culture» sauf qu'on ne précise pas la nature des besoins de la Cité et qu'on n'explique pas comment le nouveau modèle culturel doit concorder avec ces besoins. Reste à savoir maintenant si les concepteurs du cadre juridique devant régir la Cité seront à l'heure quand sonnera l'ouverture officielle de la Cité prévue au début de l'année prochaine. Une autre question : quel sort sera-t-il réservé au cadre juridique en question par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) au moment où il atterrira sur le bureau de Mohamed Ennaceur? Et quand on sait la cadence avec laquelle sont traités les projets de loi dits urgents par le Parlement, on peut prévoir que la Cité de la culture sera fonctionnelle sans qu'il y ait de cadre juridique la régissant. Reste une grande inconnue : que feront les partis politiques dominateurs sur la scène nationale en vue «de récupérer ou de contenir» cette nouvelle institution qui pourrait, si elle était confiée à une personnalité intègre, compétente et surtout indépendante, provoquer cette «révolution culturelle» qu'on attend tous avec impatience.