La nouvelle saison artistique est bien entamée à El Teatro, les différents cours ont commencé, le public a retrouvé ses places depuis jeudi dernier et l'on affiche la nouvelle version de Taoufik Jebali du «Fou» de Gibran. C'est la 31e saison, une boucle est bouclée et une nouvelle voie est lancée. Entretien avec Zeyneb Farhat... El Teatro, pour sa 31e saison artistique, annonce dans son édito «une année blanche» C'est un exercice de style ou une bouderie artistique...? Si l'on regarde l'illustration de notre programme, il y a l'œuvre du Grand Magritte «Une année blanche» qu'il a peinte en 1965 ; consolidant encore et toujours sa fameuse idée : montrez ce qui est caché et inversement ! Et pour rester «étonné d'être étonné», El Teatro poursuit inlassablement sa quête en dehors des sentiers battus de tout bord ; cherchant plus l'insolite que le commun. Pour cette 31e saison, nous restons dans le défi d'offrir à voir des créations théâtrales aussi bien de l'artiste maison Taoufik Jebali que de ses jeunes partenaires qui, seuls, choisissent leurs thèmes et leurs démarches artistiques, faisant partie ou pas du Cercle El Teatro ! C'est un défi artistique ou commercial ? Artistique bien sûr ! Et personnellement je m'insurge à chaque fois que je lis ou entends dire que «le théâtre tunisien se meurt et ne se renouvelle pas » ! NON Car depuis 12 ans, la Rencontre «Avant-première» ou la rencontre annuelle du théâtre émergent, organisée par El Teatro, nous avons eu le plaisir de découvrir sur scène de talentueux artistes tels que Ghazi Zaghbani, Yahya Hamlagi, Salah Falhi, Nassib Barhoumi, Amir Layouni, Assem Bettouhami, Hela Ayad, pour ne citer que ces «gens-là». D'ailleurs, presque tous ces artistes que nous avons soutenus et promus sont aujourd'hui produits par le TNT ! Commercial ? Oui, car programmer des créateurs non connus par le public est en soi une perte financière énorme vu qu'en majorité, nous partageons les maigres recettes du guichet. Et cela coûte cher en occupation de salle, en lampes de projos, etc. Mais que de bonheur à les voir sur notre scène ! A ce jour, et pas plus tard qu'hier, intéressés par l'affichage de nos créations, les gens posent la même question : «Ils sont connus, ces artistes ? il y a des «vedettes qui y jouent», etc., Il faut avouer aussi que ces dernières années, un réseau informel de public confiant partage nos choix, remplit nos salles et applaudit ces «jeunes » créateurs ! Vos «Elèves d'El Teatro Studio» sont aujourd'hui acceptés par la profession ? Oui, en 2010, fut orchestrée une cabale contre El Teatro Studio, centre de formation du comédien sous la direction artistique de Taoufik Jebali. Une cabale stupide, vu que nos créations, alors, ne touchaient pas un dinar de la subvention du ministère de la Culture pour ses propres créations. Aujourd'hui, ces mêmes «cabaleurs» reconnaissent la valeur de cette formation en créativité, discipline et amour du jeu. Le premier rôle du dernier film de Férid Boughedir, Walid Ayadi, est un artiste d'El Teatro Studio. Si le syndicat était organisé, comme en Egypte par exemple, les amateurs paieraient tout simplement leur adhésion plus chère que les professionnels et ils seraient bien reconnus sans aucune animosité ! Faut-il rappeler que les incontournables artistes Raouf Ben Amor ou Fatma Ben Saïdane ont toujours été des «amateurs» car ils étaient tous les deux des fonctionnaires à plein temps ! La nouveauté pour cette saison ? El Teatro, dès son ouverture en 1987, s'est déclaré un espace citoyen et laïc à l'écoute des libres penseurs de ce pays et ailleurs. Pour ce, cette saison verra une rencontre mensuelle «Savoir Savoir» en partenariat avec l'Association «Etudes des religions» présidée par le Pr Sadok Belaïd. Vulgariser auprès du large public l'histoire des religions; leurs spécificités et rituels, et ce, à travers des communications scientifiques, des documentaires et les débats est la mission de ces rencontres. Cette conférence mensuelle, ayant acquis l'appui de la Fondation Heinrich Boll, bureau de Tunis, sera accompagnée d'une présentation d'un documentaire de leurs rituelles conférences retransmises à travers une vidéoconférence à travers les espaces culturels dans toute la République ; ces conférences seront plus tard mises sur Youtube et sur-titrées en plusieurs langues afin d'offrir la possibilité, surtout aux jeunes d'avoir une idée plus scientifique sur les cultures des religions — dans la Tunisie et dans le monde arabe — et de prendre leurs distances par rapport au charlatanisme en vigueur dans nos belles contrées devenues sauvages !