La réalisatrice s'est inspirée de la réalité des faits afin de donner vie à un film «coup de poing» Le récit d'une jeune fille tunisienne «coupable d'avoir été violée» par trois policiers en 2012 a été adapté sur grand écran. Le pitch de «La belle et la meute» (Ala Kaffet Afrit), première fiction de Kaouther Ben Hania, est tiré d'un fait divers qui a défrayé la chronique tunisienne peu de temps après la révolution. La réalisatrice s'est inspirée de la réalité des faits afin de donner vie à un film «coup de poing», qui sort dans une période où le harcèlement sexuel fait rage et où les policiers ont été depuis maintes fois au centre de toutes les polémiques. «Mariam», jeune étudiante tunisienne de 21 ans (interprétée par Mariam El Ferjani), participe à une fête estudiantine «au Palace Hôtel» situé à Tunis 2. Sa vie a basculé peu de temps après avoir rencontré Youssef (Ghanem Zrelli). Le couple quitte les lieux et part se promener sur une plage à proximité, quand une voiture appartenant à la police les interpelle violemment. Deux policiers agressent et violent la jeune fille, le 3e s'empare du jeune homme pour lui retirer des sous et prennent ensuite la fuite. Commence alors un périple nocturne des plus éprouvants pour la victime, qui se retrouve heurtée à la violence inouïe de la bureaucratie tunisienne, à l'administration gangrenée par le sexisme et la corruption, mais également à l'insoutenable regard de la société, à l'enfer des commissariats de police et à la flicaille qui n'avait rien à envier à des geôliers. Une situation kafkaïenne d'un réalisme saisissant venait de se mettre en place entraînant le spectateur dans un cauchemar sans fin. Cette nuit-là s'annonçait interminable. Dès le départ, la transition d'un cadre festif à un autre tragique s'est faite brutalement. L'injustice était le maître-mot d'une quête particulièrement éprouvante où l'héroïne clamait sans cesse son innocence seule contre tous. Sur une durée d'1h30, le film devenait au fur à mesure délicieusement oppressant, notamment grâce à la narration des faits et à cause de la construction du récit qui s'est présenté tel un film romanesque chapitré. Contrairement aux appréhensions, la thématique du viol, étant au centre du film, n'a pourtant pas été filmée. Par contre, les conséquences de cet acte vil prennent aux tripes le spectateur jusqu'à la fin. L'œuvre dénonce et s'en prend directement aux institutions sécuritaires, sanitaires et administratives du pays, mais aussi à la mentalité machiste et sclérosée de sa société. Les plans séquences du film en font rapidement un thriller consommé telle une traque. La majorité des films y compris étrangers qui traitent du viol se complaisent dans la violence physique, mais dans «La belle et la meute», la violence est psychologique du début à la fin. La prestation de l'interprète principale Mariam El Ferjani, encore méconnue du grand public, est remarquable, mais il est à noter que le jeu des acteurs dans certaines scènes demeure poussif. Lors de la projection presse du film, Kaouther Ben Hania a affirmé s'être librement inspirée du livre «Coupable d'avoir été violée» écrit par la vraie victime Mariem Ben Mohamed, qui s'est retrouvée au centre de cette affaire. La réalisatrice l'a consultée dès le départ. Malgré quelques désaccords, la vraie victime a soutenu le film et continue d'ailleurs de le soutenir. Son livre a été publié simultanément avec la sortie du film et ré-intitulé «La belle et la meute», d'après les dires du producteur Habib Attia, présent sur place. Le film continue de faire la tournée des festivals à l'international et a été retenu en compétition officielle lors des prochaines Journées cinématographiques de Carthage, qui se dérouleront du 4 au 11 novembre.