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Quand le destin des femmes et celui d'un pays se croisent
Sortie nationale du film « El Jaida »
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 11 - 2017

De ce lieu sombre et fermé à clé pointe malgré tout une lueur de lumière et d'espoir venant d'une lucarne par laquelle les prisonnières perchées communiquent furtivement avec leurs amoureux. Un jeu de va-et-vient se dessine entre l'intériorité de l'espace muré fait de soumission et un ailleurs qui appelle à la liberté
Le film «El Jaida» a opéré sa sortie dans les salles depuis le 12 novembre après une première dite mondiale donnée le jeudi 9 novembre, où manifestement les invitations ont été distribuées bien au-delà de la capacité du cinéma le Colisée. Munies de leurs invitations ou de leurs tickets, un grand nombre de personnes n'ont pu accéder à la salle et ont été refoulées sans ménagement par les agents de sécurité. Entassés les uns sur les autres et bloqués par les barrières de fer, les gens se sont bousculés, des femmes se sont évanouies et les forces de l'ordre ont dû intervenir. Dans ce désordre caractérisé, un membre de l'équipe de production du film déjà du bon côté de la barrière apparaissait sûr de lui, étant de la maison, pour faire rentrer les comédiens, les techniciens, les amis et les amis des amis, en poussant tout le monde. Des pratiques qui rappellent les bonnes vieilles méthodes de l'ancien système qui ont fini par mettre en colère la foule déjà en ébullition. Annoncé à 21h00, ensuite à 21h30, après à 22h00, le film a été finalement projeté à 23h00 sous les huées. Censée être une «soirée spéciale» où les comédiennes vêtues de tenues traditionnelles et de sefsari allaient faire une entrée cérémoniale, cette soirée spéciale a été un désastre d'organisation de tout point de vue que l'équipe de production assume presque pleinement.
Coproduit par Selma Baccar et Abdelaziz Ben Mlouka et réalisé par Salma Baccar, ce long métrage réunit une pléiade d'acteurs, avec dans le rôle principal Wajiha Jendoubi (qui a pris part à l'écriture du script), Souhir Ben Amara, Najoua Zouhair, Fatma Ben Saidane, Salma Mahjoubi mais encore Khaled Houissa, Bilel Béji, Ahmed Héfiane.
Comme le précise Selma Baccar lors de l'interview accordée à La Presse le 11 septembre dernier, les événements se situent dans les huit derniers mois précédant l'Indépendance et à plus d'une année de la promulgation du Code du statut personnel en 1956. Dans la première version du scénario, l'opus allait prendre fin avec le retour triomphant de Bourguiba le 1er juin 1955. Seulement et compte tenu de l'expérience acquise en tant que constituante, la réalisatrice, doublée d'une célèbre élue, a gratifié son scénario d'évocations précises de la période postrévolutionnaire et constitutive à travers l'ajout du personnage d'une petite fille qui avait 10 ans en 1955 et qu'on retrouve à la fin comme constituante à l'Assemblée. Pour connecter le film à l'actualité, la scène finale est tournée dans le décor naturel du palais du Bardo. La députée qui défend une constitution et un projet de société laïques est entourée de vrais constituants du groupe démocrate.
Dar Joued, une épée de Damoclès
De quoi parle-t-on dans cette fiction de 95 minutes, classée dans le genre drame historico-politique ? D'abord le titre ; « El Jaida » est la femme qui tenait « Dar Joued», campée par l'incontournable Fatma Ben Saidane. Il s'agit d'une maison de redressement dans laquelle les femmes, considérées comme indociles, sont gardées prisonnières, par le jugement du Qadi chargé de juger les conflits familiaux. En se basant sur l'interprétation des textes sacrés et selon les écoles malikite ou hanafite, il émettait ses jugements presque toujours au détriment de celles-ci.
«Dar Joued» est un personnage à part entière. Jouant le rôle du méchant détesté, il est le réceptacle où s'entrecroisent des destins de femmes acculées par la volonté d'un mari, d'un oncle, d'un mâle de la famille disposant d'une autorité morale et légale sur elles, à y être confinées. Cet établissement clos, dont l'évocation fait peur, est censé avoir une valeur dissuasive ou punitive sur des femmes indisciplinées en vue de les ramener au droit chemin et à la raison. Une sanction qui pesait à l'époque comme une épée de Damoclès sur la tête des épouses notamment.
Galerie de portraits
Bahja (Wajiha Jendoubi) joue le rôle d'une femme de caractère. Cultivée, lisant en français les romans et la poésie, elle est présentée en entier dès les premières séquences. Bahja sait dire non et ne revient jamais sur sa parole. De par sa personnalité et son « entêtement », elle a le tempérament d'une femme moderne. Ce qui a eu pour effet de détonner fortement au sein de l'univers des années cinquante et de ses mœurs que Selma Baccar a voulu raconter et filmer avec sa caméra. Ayant surpris son mari avec sa propre sœur, Bahja lui signifie qu'elle ne lui pardonnera jamais, et le repousse malgré ses nombreuses tentatives de l'amadouer et de se faire pardonner. Le mari éconduit, courroucé par tant d'audace et d'intransigeance, décide alors, moyennant le verdict d'un juge, de la jeter à Dar Joued.
Hssaina (Salma Mahjoubi), jeune fille de la bourgeoisie tunisoise qui va à l'école, aimant un certain Othman, un jeune militant du Kef. Son oncle (Raouf Ben Amor) refusant cette idylle avec un homme qui n'est pas de leur caste décide alors de la retirer de l'école et toujours avec la complicité de ce juge (Jamel Madani) de la placer à Dar joued. Il en va ainsi des femmes adultérines, malaimées, celles en conflit avec leurs belles-mères, des femmes battues, des jeunes filles rebelles, toutes réunies dans une galerie de portraits qu'une caméra intimiste révèle patiemment avec leurs souffrances et leurs déceptions, dans leur intimité et leur sourde révolte.
Sans les scènes tournées à l'extérieur, au cœur de la médina, le film aurait pu être un huis clos. Le cœur du drame se déroule dans cette maison à l'architecture traditionnelle avec sa cour intérieure où les répudiées passent leurs journées entre une promiscuité dérangeante et les tâches ménagères sous l'œil et les insultes de « Jaida ». Un schéma itératif qui représente la pierre angulaire du scénario. Les personnages crédibles ont défini toute la dimension tragique. Le jeu des acteurs a accompli le réalisme du film. Avec une bande originale en parfait accord avec les scènes, le message général est transmis.
Une lueur d'espoir pointe
«El Jaida» est une invitation à remonter le temps à laquelle le spectateur répond, guidé par le regard sensible et aiguisé de Selma Baccar où chaque détail compte. Les décors, les maquillages, les costumes, les dialogues s'imbriquent pour restituer l'atmosphère des années cinquante avec toute son épaisseur et sa portée historique. Le spectateur tiré vers le passé est pris dans la tourmente de destins brisés de ces femmes, qui, malgré la révolte qui les anime, matérialisée par des actes dissidents comme de lire un livre ou fumer une cigarette, ne trouvent pas d'autres issues que de se résigner à leurs sorts. De ce lieu sombre et fermé à clé pointe malgré tout une lueur de lumière et d'espoir venant d'une lucarne par laquelle les prisonnières perchées communiquent furtivement avec leurs amoureux. Un jeu de va-et-vient se dessine entre l'intériorité de l'espace muré fait de soumission et un ailleurs qui appelle à la liberté. La rue bouge en effet sous les cris, les courses et les tracts collés sur les portes des maisons des militants qui revendiquent l'Indépendance.
Le destin de la Tunisie est associé aux destins de ces femmes, dont la libération est presque synchronisée avec l'indépendance du pays. «Dar Joued», soudain, ne semble plus être une fatalité. Et entre le poids de la tradition patriarcale et la contemporanéité émancipatrice se déroule l'histoire vécue de la femme tunisienne à travers laquelle le public s'est senti impliqué. Les scènes finales et les cris de «vive Bourguiba» ont été accueillis avec émotion et un tonnerre d'applaudissements par la salle.
Il faut savoir que «El Jaida» présente tous les signes d'un succès du box-office, puisque dans certains cinémas, Ciné Jamil d'El Menzah VI par exemple, il joue à guichets fermés. Il faudra se pointer à la séance de 14h00 et encore. Et tout compte fait, c'est mérité !


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