Par Hatem Kotrane(*) Le 20 novembre 2017, la communauté internationale a célébré le 28e anniversaire de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies, à sa quarante-quatrième session tenue le 20 novembre 1989, de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par notre pays et par 196 pays dans le monde. L'occasion a été de rappeler, un peu partout dans le monde, que les enfants sont des sujets de droit et de parole! Une vidéo a circulé sur Internet montrant, par exemple, l'intérêt accordé par la France et son Président lors d'un « Conseil des ministres des enfants » organisé à l'Elysée, à ce que la voix de l'enfant soit entendue pour que, en toute hypothèse, sa dignité individuelle, ses besoins particuliers, son intérêt supérieur et sa vie privée soient respectés et protégés. Geste symbolique mais hautement significatif, qui a permis à 15 enfants engagés auprès de l'Unicef de présenter, en présence du Défenseur des droits et de la Défenseure des droits des enfants en France, les résultats d'un sondage mondial sur les préoccupations des 9-18 ans et leurs propositions. Devrions-nous alors regretter, une fois de plus, qu'aucune manifestation pareille n'ait été organisée en Tunisie à l'initiative de l'Etat, de l'Instance des droits de l'homme, de l'Observatoire d'information, de formation, de documentation et d'études sur la protection des droits de l'enfant, des organisations de la société civile en charge de l'enfance, ou encore de l'Unicef (Bureau de Tunis) qui, en ce domaine, mène pourtant depuis des années un fervent et continu plaidoyer en faveur des enfants et de leurs droits! Certes, une journée nationale des droits de l'enfant est normalement dédiée à ce thème le 11 janvier de chaque année, correspondant au jour anniversaire de la ratification par notre pays de la Convention des droits de l'enfant. Mais il reste que les enfants tunisiens n'ont pas eu l'opportunité, en cette journée internationale qui leur est également dédiée, de s'associer aux enfants du monde entier pour faire entendre leurs voix : ni au président de la République ni au chef du gouvernement ni au président de l'Assemblée des représentants du peuple ni aux autres ministres et hauts responsables en charge de l'enfance, de l'éducation, de la santé, des affaires sociales, de la justice des mineurs ! Comment expliquer qu'aucune initiative n'ait été prise en vue de les inviter et de les associer à un débat public sur la situation des droits de l'enfant en Tunisie, alors même que ces droits ont été consacrés par l'article 47 de la Constitution du 27 janvier 2014 ? Le respect des droits de l'homme ne commence-t-il pas par la manière dont chaque société traite les enfants, tous les enfants, en créant des conditions qui leur permettent de faire entendre leurs voix, d'exprimer leurs préoccupations, de développer toutes leurs potentialités et d'être prêts à mener une vie d'adulte pleine et satisfaisante. Nous vivons en fait une époque essentiellement ambivalente, y compris dans le domaine des droits de l'enfant. Et s'il est vrai que la Tunisie est généralement reconnue comme un pays de référence en matière de reconnaissance formelle des droits de l'enfant, depuis notamment l'adoption du Code de protection de l'enfant, le 9 novembre 1995, notre pays expose, en même temps, de plus en plus, à des risques ses enfants: enfants pauvres, enfants abandonnés, enfants victimes de diverses formes de violence, de mauvais traitements ou vivant dans d'autres situations difficiles — handicaps, abandon scolaire, déviance, exploitation économique, etc. —, autant de situations, parmi tant d'autres, qui continuent à nous interpeller et qui commandent à ce stade de l'évolution un questionnement fécond sur les valeurs réellement partagées dans notre pays, non seulement sur la responsabilité première de l'Etat, mais également sur le soutien et les moyens que la société dans son ensemble est prête à consentir pour que le moment de l'enfance soit réellement le moment qui permettra aux enfants, à tous les enfants, d'inscrire éternellement la Tunisie dans leur confiance! *(Professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, vice-président du Comité des Nations unies des droits de l'enfant)