Par M'hamed JAIBI Plus que jamais, l'échiquier politique bouge. Mieux, il se décompose et se recompose, donnant l'image d'un véritable mythe de Sisyphe aux prises d'avec une forteresse indétrônable, celle du couple Ennahdha-Nida. Un couple qui traîne désormais un enfant adopté apportant avec lui, en guise de dot, un bon groupe parlementaire, celui de l'UPL. L'échiquier bouge ainsi en épargnant un axe solide Ennahdha-Caïd Essebsi fils. Car ceux qui ont quitté Nida ont peu affaibli cette alliance au pouvoir qui s'en trouve presque consolidée. Plus clairement depuis la réhabilitation spectaculaire de Slim Riahi. Une majorité des deux tiers La majorité parlementaire s'en trouve stabilisée, pratiquement capable même de nous faire avaler des couleuvres. Puisque l'alliance élargie à l'UPL représente une majorité des deux tiers capable de faire passer n'importe quel type de texte à l'ARP. Le plus curieux c'est que cette récupération s'est construite en réaction à l'annonce du «Front parlementaire progressiste» imaginé par Yacine Brahim et Mohsen Marzouk, cet agitateur d'échiquier tantôt ici, tantôt là, sans que l'on sache vraiment où il va, malgré son ambition affichée d'équilibrer, en la réduisant, l'influence d'Ennahdha. Si cette majorité de plus des deux tiers s'avère solide, soit si la justice finit par innocenter le «président clubiste», l'on sera face à une force de frappe électorale théoriquement imbattable. De quoi suggérer une liste d'union pour les élections municipales. Or c'est justement contre cette éventualité que s'agitent tous ceux qui voudraient rétablir l'équilibre de l'échiquier politique, celui-là même qui a permis à Béji Caïd Essebsi d'être hissé à la présidence et à son parti de s'imposer en tant que force contrebalançant Ennahdha et l'ayant battue en 2014. Disparité du reste de l'échiquier Ceux qui voudraient rétablir l'équilibre de manière réaliste, c'est essentiellement ceux qui ont quitté Nida et qui restent convaincus que le «Nida Tounès» encore donné vainqueur, à ce jour, dans les sondages, malgré une désaffection générale, n'est pas celui de Hafedh Caïd Essebsi mais le leur. Disparate, affaibli, divisé... Mais gardant la foi. Ce peuple du Nida qui a fait l'éveil populaire contre la déviation intégriste pro-jihadiste de la Troïka. Ajouter à ceux-là le Front populaire, Afek Tounès et les petits partis dits centristes : Ettakatol, Al Joumhouri, Al Massar, Al Badil... Les divisions minent les anciens nidaïstes Quant à l'opposition radicale conduite par Moncef Marzouki, elle reste nostalgique de son alliance avec Ennahdha et rêve de détrôner le chef de l'Etat. S'agissant des ex-nidaïstes, autant leur ambition commune est ferme, autant leurs divisions sont tenaces. Mohsen Marzouk s'est rapproché d'Afek Tounès dans la perspective du Front parlementaire, mais des cadres de son parti démissionnent lui reprochant un leadership trop personnel. Ridha Belhaj s'isole dans une attitude d'opposition au président Béji Caïd Essebsi et à Youssef Chahed, ce qui lui a déjà coûté le départ de deux dirigeants : Boujemaâ Rmili et Abdelaziz Kotti (qui est retourné au Nida). Les 8 députés du groupe «national» soutiennent autant le chef du gouvernement que le président de la République et attendent des signaux positifs qui pourraient élargir leurs perspectives, notamment dans l'éventualité de la confirmation du Front parlementaire ou, mieux, vers une réconciliation globale des nidaïstes. Ce alors que ledit groupe «des 57», désormais peu crédule, s'éparpille, avec des sursauts espacés, semblables à l'annonce de la candidature de Wafa Makhlouf à la présidence de Nida Tounès en cas de congrès démocratique, ou le faux départ de celle-ci vers le projet de Front parlementaire en compagnie de Moncef Sallami et Ons Hattab. Une question se pose à quatre mois de la date annoncée des municipales : Nida Tounès sera-t-il dans une alliance électorale avec Ennahdha et l'UPL ou récupèrera-t-il ses énergies dispersées pour défendre ses propres couleurs ?