Par M'hamed JAIBI La perspective de voir la nouvelle Tunisie démocratique se doter enfin de municipalités issues du suffrage populaire est de nature à rassurer quant à l'édification d'un pays moderne, décentralisé où l'initiative revient aux citoyens de base, en harmonie avec les institutions représentatives nationales. Mais les élections municipales posent a contrario un questionnement de fond à propos de l'échiquier politique, de son «équilibre» et de la gouvernabilité du pays. Car le réel niveau de désintégration atteint par les structures de direction de Nida Tounès, que les récents «fuitagés» corroborent spectaculairement, interdit d'imaginer, aujourd'hui, que le parti présidentiel puisse, en l'état, porter les ambitions de ses électeurs de 2014. D'où un risque majeur d'émiettement qui affecte les équilibres politiques et institutionnels ayant permis le consensus et ouvert la voie au gouvernement d'union nationale. En l'absence d'une force qui.sache ressouder la majorité présidentielle ayant conduit Caïd Essebsi à Carthage, c'est un scénario proche des élections de 2011 qui guette, avec toutes les recompositions imprévisibles qu'il pourrait impliquer. Car la spécificité des municipales n'empêchera personne de tirer les conclusions qui l'intéressent quant aux nouveaux rapports de force électoraux nationaux. Certains estiment qu'un tel scénario arrangerait Ennahdha. Mais est-ce exact ? Lorsque l'on passe en revue tous les efforts de normalisation consentis par ce parti et son président, il est permis d'en douter. L'option étant plutôt de rassurer durablement l'opinion et gagner les galons d'un rôle apaisé qui fasse oublier l'effervescence islamiste des années Troïka. Reste à imaginer les attitudes des divers groupes nidaïstes et des autres acteurs affichés et potentiels de la majorité présidentielle: Mohsen Marzouk et son MPT, le duo Ridha Belhaj-Boujemâa Remili, le groupe parlementaire de Nida, ledit «groupe des 57», Afek Tounès et Faouzi Elloumi, l'UPL et Slim Riahi, Néjib Chebbi et ses deux partis (l'ancien et le nouveau), les deux partis destouriens (Moubadara et PDL), Mondher Zenaïdi, Mohamed Ennaceur... Et en premier lieu les parties prenantes du gouvernement Chahed. Sans parler des petits partis qui tiennent à se réclamer du «Front du salut». Mais tous ces acteurs, décidément si peu efficaces de la scène politique nationale, n'arrivent toujours pas à tracer la voie d'une recomposition crédible et durable de l'échiquier qui reste tributaire des coups de crayon qu'imprime de temps à autre Béji Caïd Essebsi. Sauront-ils coordonner leurs rôles pour imaginer un jeu politique digne de la révolution démocratique ? Ou, au moins, arriveront-ils à recoller les morceaux ?